3 Paul rencontre le coupeur de mots.
Paul descend. L'école n'est plus très loin. Paul ferait bien un détour,
mais il est déjà sept heures quarante. En plus, il pleut. Alors
Paul se presse. Après ses rencontres avec un éléphant-nuage et
un tramway-bateau, Paul ne s'étonne pas de voir surgir devant l'école un
homme dont l'aspect couperait le souffle même à un garçon plus grand que
Paul.
L'homme ouvre un grand parapluie vert, monte sur une caisse de bois qui
ressemble à une valise et se met à chanter ! Mais ce n'est pas véritablement
un chant. Paul croit entendre à la fois un corbeau, une planche de grenier
et un ours. L'ours grogne, la planche craque et le corbeau croasse :
Reprends vos prépositions
Aux meilleures conditions.
Enlève attributs en lots,
contre salade de mots.
Vous débarrasse à prix fixe
de vos consonnes (sauf x).
Cédez présents, imparfaits
contre vos devoirs tout faits.
Paul arrive juste à temps en classe. Aujourd'hui Paul a sciences nat', mathématiques,
anglais, français, français, anglais. Les cours sont comme tous
les jours. Paul ne travaille pas plus qu'à l'habitude, il ne travaille pas
moins non plus. Il attend plus impatiemment aujourd'hui la grande récréation
pour discuter de l'entraînement avec tous les joueurs de son équipe de foot.
Les cours finis, Paul rentre vite à la maison. Il a oublié l'homme à la
valise de bois et sa chanson. Paul a décidé de se débarrasser de ses devoirs
de classe avant l'entraînement de foot. Paul allait juste ouvrir son cahier
de français quand on sonne à la porte. Paul entrouvre un peu la porte et
il en oublie de refermer la bouche ! L'homme à la valise de bois se tient
sur le seuil:
- Je m'appelle Filolog, dit l'homme d'une
voix grondante, craquante et croassante. J'ai une proposition à te faire,
ajoute-t-il en tapant sur sa valise. Paul répond.
- Mes parents travaillent,
reviens plutôt ce soir, s'il te plaît ! Mais l'homme poursuit
:
- Je me charge de tous tes
devoirs de classe pendant une semaine si tu me donnes toutes tes
disons, par exemple, tes .
Ce n'est pas grand-chose.
Paul réfléchit et réplique :
- Mais comment est-ce
que je te donnerais mes et
quoi que ce soit de ce genre ? Je ne les ai pas dans mon placard.
- Tu dis que tu
me les donnes, un point c'est tout. Et bien sûr, je te fais un reçu.
Alors Paul se dit : « Toute une semaine sans devoirs à la maison...
Et il me suffit de dire : "Je te donne mes et...
et quoi ? Ah, oui, mes Si ce n'est que ça.
» Paul a décidé
:
- D'accord, je te
donne mes et mes .
Il conduit l'homme jusqu'à sa chambre. Filolog pose son grand parapluie
vert dans un coin, ouvre sa valise en bois et en sort un bloc-notes. Pendant
qu'il rédige le reçu, Paul voit ce que contient la valise. Elle est remplie
de petites boîtes en bois et chaque petite boîte porte une étiquette. Paul
lit sur une étiquette le mot « pronoms » et un nom qu'il croit connaître.
Paul se souvient que c'est celui d'un élève de la classe au-dessus, il se
dit : « Je ne suis donc pas le seul.»
Mais quels sont les mots
que Paul a donné à Filolog? Lis particulièrement les passages
surlignés en rose. |
Filolog, assis au bureau de Paul, tend le reçu à Paul et s'attaque immédiatement
à ses devoirs.
Paul fourre le reçu dans la poche de son pantalon et dit :
- Je vais stade. Filolog
arbore un sourire satisfait.
Le soir la maman de Paul demande si Paul a fait devoirs.
- Oui, répond Paul. -
Et qu'est-ce que tu as fait d'autre ? demande la maman
de Paul.
- Oh, répond Paul, je suis allé entraînement foot.
Ensuite nous sommes allés marchand de glaces. La
maman de Paul fixe Paul avec de grands yeux, mais elle ne dit rien. Elle
pense que Paul a sans doute encore inventé un nouveau jeu. A
propos de la pluie qu'il a reçue le matin même, Paul raconte :
-
Pluie s'écrasait tramway, comme
des vagues aussi hautes que maison.
La maman de Paul l'interrompt :
- Tu ne vas quand même pas me raconter que le tramway a été écrasé
par la pluie !
- Mais, je n'ai jamais dit ça ! rétorque Paul. C'est à l'école
que les choses se gâtent vraiment. Les camarades de Paul s'aperçoivent tout
de suite qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Dès qu'il prononce une parole,
tous les regards sont rivés sur lui.
Le professeur ...

Imagine le dialogue
du professeur et de Paul.
Au directeur qui passe dans le couloir pendant la récréation
et veut savoir si le professeur est encore dans la classe, Paul répond:
- Non, il n'est
pas classe. Le directeur en reste une seconde sans voix. Dans
son affolement, Paul oublie ce que dit le directeur. Ce n'est, en tout cas
rien de très agréable. Mais être dispensé de devoirs à la maison,
Paul trouve quand même ça vraiment bien. Enfin, il peut faire ce qui lui
plaît en sortant de l'école. Ce qu'il préfère c'est jouer au football. Mais
il est tout seul. Les autres ne viennent au stade que lorsqu'ils ont terminé
leurs devoirs. Qu'est-ce que Paul pourrait bien faire pendant ce temps ?
Il s'allonge dans l'herbe et regarde le ciel. Paul s'ennuie.
4 Paul va au cirque
Au directeur qui passe dans le couloir pendant la récréation et veut savoir
si le professeur est encore dans la classe, Paul répond:
Non, il n'est pas classe.
Le directeur en reste une seconde sans voix. Dans son affolement, Paul oublie
ce que dit le directeur. Ce n'est, en tout cas rien de très agréable.
Mais être dispensé de devoirs à la maison, Paul trouve quand même
ça vraiment bien. Enfin, il peut faire ce qui lui plaît en sortant de l'école.
Ce qu'il préfère c'est jouer au football. Mais il est tout seul. Les autres
ne viennent au stade que lorsqu'ils ont terminé leurs devoirs.
Qu'est-ce que Paul pourrait bien faire pendant ce temps ? Il s'allonge dans
l'herbe et regarde le ciel. Paul s'ennuie. Le lundi
suivant, la semaine sans devoirs est écoulée. Paul revient de l'école et
soupire déjà parce qu'il trouve qu'il aurait dû être libéré plus d'une semaine.
Paul ne prend plus vraiment plaisir à regarder ce qu'il y a à voir, parce
qu'il ne peut plus vraiment le raconter comme il faudrait. Il n'a pas non
plus vraiment plaisir à parler. Ses camarades se moquent de lui, le professeur pense qu'il
fait de mauvaises plaisanteries, et le directeur se, fâche.
« J'aurais dû exiger au moins deux semaines », se dit Paul, et il s'assied
à son bureau. C'est alors que la sonnette retentit; Filolog est
sur le pas de la porte. Paul l'invite à entrer et dit :
- Il faut que tu me donnes encore une semaine.
- Bon, mais pas gratuitement, craque la planche de grenier. -
Qu'est-ce que tu veux en échange ?
- Je veux toutes tes formes verbales, croasse la voix.
- Toutes mes formes verbales ? s'enquiert Paul, effaré.
- L'infinitif, tu peux le garder, ça m'est égal, grogne l'homme.
Paul réfléchit : « Après tout, l'infinitif suffit peut-être. Et je
pourrais aller me baigner tous les après-midi, en attendant que les autres
viennent jouer au foot. En plus, cet après-midi, il y a un cirque!
- D'accord, répond Paul. Filolog ouvre la valise, en sort une
nouvelle petite boîte sur laquelle il inscrit " formes verbales" et, au
dessus, le nom de Paul. Paul prend son reçu et part au cirque. Le
soir, à table, Paul veut à tout prix parler du cirque à ses parents.

Imaginez en groupe ce que Paul
raconte à ses parents. Attention, vous avez, vous aussi, perdu des
mots! |
Cette fois, Paul
voit bien que ses parents sont très tristes.
Paul parti dans sa chambre, sa maman dit :
-Au début, j'ai cru qu'il avait inventé un nouveau jeu. Mais ça n'a plus
rien du jeu. Qu'est-ce qui peut bien lui arriver ? - Peut-être
est-il malade ? s'interroge le père.
La mère reprend :
- Non, certainement pas. Je m'en serais aperçu. Il doit y avoir
autre chose. Mais quoi ?
-Attendons, répond le père. Il faut que nous prenions patience.
A l'école, Paul parle le moins possible. Ses camarades sont là, attendant
qu'il ouvre la bouche pour pouffer de rire. Ils sont persuadés que Paul
a trouvé un truc pour se payer la tête du professeur . (…)
5 Paul perd ses mots
Le troisième
lundi, Paul dit à Filolog :
- Je ne pouvoir plus rien faire tout seul. Tu ne devoir pas me laisser
tomber maintenant.
Filolog est content. Mais, bien sûr, il ne fait rien pour rien ! Paul
proteste :
- Tu avoir déjà pris assez !
Mais Filolog reste intraitable. Pour finir, Paul cède :
- Alors, tu vouloir quoi ?
Et Filolog répond :
- De tous les mots qui commencent par deux consonnes, je demande la
première des deux, ce n'est pas une affaire.
Dès le lendemain, Paul mesure l'ampleur des dégâts. Au déjeuner,
sa maman lui demande de faire les courses en sortant de l'école. Paul doit
acheter une part de brie, des quenelles de brochet, deux grappes de chasselas,
une frisée. En plus, sa mère a besoin d'un paquet de frites congelées pour
accompagner les brochettes.
- Tu veux que je te fasse une liste, ou est-ce que tu t'en souviendras
? interroge la maman de Paul.
- Pas liste.
A la sortie de l'école, Paul va à la petite épicerie du coin. La
vendeuse lui demande :
- Qu'est-ce qu'il te faut, Paul ? Paul débite d'un trait la commande
de sa mère:
Écris ce que dit Paul à la marchande...
|
La vendeuse, qui a entendu parler de ce qui arrive à Paul,
répond en s'efforçant de garder son sérieux :
- Je regrette, Paul, nous n'avons pas ça. Il faut que tu essaies ailleurs.
Paul sort en trébuchant. Tout l'après-midi, il arpente les rues de la ville.
Il s'apprête à renoncer, lorsqu'il aperçoit enfin Filo-log sortant d'une
maison. Filolog porte dans la main gauche son parapluie, dans la main droite
sa valise en bois.
- Filolog ! appelle Paul. Filolog se retourne et attend. A bout de
souffle, Paul s'arrête devant Filolog et lance le plus vite qu'il peut :
- Je vouloir tout reprendre !
Mais Filolog se contente de lui éclater de rire au nez.
-N'importe qui peut venir me dire ça, répond-il. Nous avons conclu un marché,
sérieux, et basta! Ou bien est-ce que par hasard, je n'aurais pas
fait tes devoirs? Paul est désespéré. Je te donner mes indiens,
mes voitures et même mon racteur. Et mon ballon foot! dit Paul Filolog
rit.
- Je ne collectionne pas ce genre d'objets, réplique-t-il, mais j'ai une
idée. Il ouvre sa valise et en tire une feuille de papier.
- Je te rendrai tout, déclare-t-il, si tu trouves tout ce qui manque
sur cette feuille. Tu as un jour de délai. Nous nous retrouverons ici même.
Paul arrache le papier des mains de Filolog et rentre chez lui en courant.
Sa maman est très en colère parce qu'il n'a pas fait les courses. Maintenant
il faut qu'elle aille faire les commissions elle-même, alors qu'elle est
fatiguée par son travail. Paul s'éclipse dans sa chambre et lit la page
de Filolog. Et voilà ce qu'il lit :
Il y avoir une fois un homme randes oreilles. Homme aimer manger des choses rès étranges.
Il rire tout seul et parfois aller romenade. II porter un costume ris. Ses vêtements être joliment rippés. Il s'arrêter chaque maison et tendre oreille. Il vouloir entendre
enfants. Homme avoir toujours sa valise main, Souvent il rentrer une maison et discuter cachette
des parents.
Appartement homme être un désordre extraordinaire. De tous côtés, il y avoir des boites bois. Quelquefois yeux homme rétiller quand il rendre boîtes
et les jeter air.
Boîtes atterrir rigidaire, ou
atterrir
lampe. Homme
ne faire que rire. Homme sembler être rès négligent.
Soir
il s'asseoir table et, nouveau, leurer rire. Souvent il lire ses raffitis haute voix. Cela n'avoir pas rande allure. Mais à minuit pile Homme
avoir habitude sauter
table en chanter.
"Ce
que je veux, je l'aurai
Si
je l'ai, je le tordrai
mot
à mot et trait pour trait
chat
mord chien, chien chat mordrait"
|
Filolog est si content du
malheur des autres qu'il en devient écarlate. Il faut qu'il reprenne son
souffle, il s'assied sur sa valise en bois, haletant : « ce que j'ai, il ne l'aura pas... »
Paul n'en dort pas pendant la moitié de la nuit. Le lendemain,
il demande à Bruno de l'aider. Ils se retrouvent
chez Paul après la classe et Paul trahit son secret à Bruno.
- Dis donc, mon vieux, tu as fait n'importe quoi !
- Je savoir bien, répond Paul, mais que vouloir tu que je faire maintenant
?
- Il faut que tu réapprennes tout ce que tu as donné à Filolog,
répond Bruno.
- Et comment ? demande Paul.
-Tu cherches dans ta grammaire et dans ton dictionnaire.

Phrase après phrase, Paul rétablit les choses. Il faut parfois que Bruno
vienne à son secours. Ce n'est pas si facile que cela pour Bruno. Mais ,
ça l'est quand même plus, parce qu'il a tout dans sa tête. Paul doit au
contraire se reporter constamment à sa grammaire ou a son dictionnaire.
A la fin, la page est entièrement gribouillée: paul a corrigé au feutre
bleu et voilà le résultat.:
A
toi d'aider Paul à corriger le texte! |
Il se fait tard. Paul met la feuille dans sa poche. Bruno l'accompagne au
rendez-vous du coin de la rue. Filolog est déjà là. Paul lui
tend la feuille sous le nez et , de colère, Filolog lâche sa valise en bois.
Il fouille à grand-peine dans sa valise , en tire quatre boîtesqu'il ouvre
et dont il vide le contenu.
- Voilà, croasse-t-il. Paul ajoute encore:
- Quant à moi, je ne te donnerai plus rien, pas même la moindre petite syllabe!
Il se retourne et s'en va avec Bruno. Filolog l'entend
seulement crier:
- Filolog, coupeur de mots, coupeur de langue!
Hans
Joachim Schädlich.
Commentaires
Sans mots, Paul ne rêve plus, ne parle plus, n'a plus de copains.
C'est quand on arrive à s'exprimer qu'on a plein de copains... et
qu'on réussit à l'école.
Vraiment ce Filolog, c'est le diable.
Il aurait fallu lui casser la gueule!
Et les boîtes des autres? Il les a toujours?
Coupeur de langue! la fin est jolie!
Suite
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