sommaire
Le médecin malgré lui...suite

par Sylvie Meurot ( collège de Provin)


La démarche présentée ici peut être considérée comme une suite du travail menée par Denis autour de l'entrée en lecture d'un texte de Molière.
En effet mon entrée en séquence est calquée sur la démarche, c'est la suite qui en diffère…
Dans ce travail, j'ai donc voulu mener deux objectifs:  à la fois lire le texte, du moins en découvrir les scènes principales mais aussi  travailler sur la notion du théâtre comme texte à dire et à jouer.
Je la présente ici sous forme de déroulé commenté.

Acte I,  scène 1. le début.

Après donc avoir créé la scène, et comparé l'original de Molière et sa recréation par les élèves, j'ai proposé un travail de lecture plus approfondi sur cette première scène si riche de mouvements et de rires et  somme toute assez complexe quant à sa compréhension.

La première difficulté qui se pose apparaît dès les premières répliques. En effet la scène a commencé avant la représentation et il est difficile pour des élèves de 6° de s'en apercevoir à la seule lecture. Je  leur propose donc, par petits groupes, d'apprendre ce tout début ,  jusqu'à la ligne 16, ou 20 (dans les éditions Larousse)  et de se mettre à jouer.

ACTE I, SCÈNE I. - SGANARELLE, MARTINE

Paraissant sur le théâtre en se querellant.
SGANARELLE:   Non, je te dis que je n'en veux rien faire, et que c'est à moi de parler et d'être le maître.
MARTINE:   Et je te dis, moi, que je veux que tu vives à ma fantaisie, et que je ne suis point mariée avec toi pour souffrir tes fredaines.
SGANARELLE:   O la grande fatigue que doit d'avoir une femme! et qu'Aristote a bien raison, quand il dit qu'une femme est pire qu'un démon!
MARTINE:   Voyez un peu l'habile homme, avec son benêt d'Aristote!
SGANARELLE:   Oui, habile homme:   trouve-moi un faiseur de fagots qui sache, comme moi, raisonner des choses, qui ait servi six ans un fameux médecin, et qui ait su, dans son jeune âge, son rudiment par cœur.
MARTINE:   Peste du fou fieffé!
SGANARELLE:   Peste de la carogne!
MARTINE:   Que maudit soit l'heure et le jour où j'aviserai d'aller dire oui!
SGANARELLE:   Que maudit soit le bec cornu de notaire qui me fit signer ma ruine!

Si certains inventent une mise en scène qui prend en compte "l'entrée" des personnages, d'autres ne sont pas parvenus à  "monter correctement" ce début . Les acteurs d'un groupe  par exemple ont présenté une mise en scène où Martine était  assise en silence, Sganarelle discutant presque normalement.
Lorsque tous les groupes sont passés, nous avons analysé leur travail et ensemble, nous l'avons critiqué. Les élèves ont remarqué par exemple que si quelques groupes avaient suivi les consignes posées par la didascalie, d'autres n'en avaient pas tenu compte et "l'on ne comprenait rien à l'histoire".
Une première analyse de la didascalie a permis de construire une définition: une indication scénique n'est pas seulement un conseil de jeu, mais aussi une aide à la compréhension du texte lu.

Acte I scène 1: la scène en son entier.

Je voulais, pour la suite du travail, adapter cette très longue scène aux capacités de mémorisation de chacun des élèves.  J'ai donc demandé aux groupes de créer un montage du texte à apprendre, en sachant que le texte choisi devrait obligatoirement comporter  le début (qu'ils connaissaient déjà) et la fin :


MARTINE:   Ivrogne que tu es!
SGANARELLE:   Je vous battrai.
MARTINE:   Sac à vin!
SGANARELLE:   Je vous rosserai.
MARTINE:   Infâme!
SGANARELLE:   Je vous étrillerai
MARTINE:   Traître, insolent, trompeur, lâche, coquin, pendard, gueux, belître, fripon, maraud, voleur...!
SGANARELLE:   il prend un bâton et lui en donne Ah! vous en voulez donc?
MARTINE:   Ah! ah, ah, ah!
SGANARELLE:   Voilà le vrai moyen de vous apaiser


La consigne exigeait aussi d'insérer dans ce choix  des répliques " qui permettront de tout comprendre et de faire des raccords entre le début et la fin."
Ce travail fait, les groupes ont lu leur scène modifiée et " raccordée" , les camarades devant valider la cohérence des propositions .
Voici par exemple  un choix de répliques, bref mais efficace:

SGANARELLE:   Ma femme, allons tout doucement, s'il vous plaît.
MARTINE:  [ Et Il faudrait ] Que j'endure éternellement tes insolences et tes débauches?
 SGANARELLE:   Ma femme, vous savez que je n'ai pas l'âme endurante, et que j'ai le bras assez bon.

Acte I scène : une réplique problématique.

MARTINE:   Ah! ah, ah, ah!

La lecture à voix haute de cette réplique a posé de nombreux problèmes: Un groupe an a  fait une mise en voix "neutre", un autre en fait  hurler Martine, une dernière Martine s'est mise à geindre "crescendo". La multiplicité de ces interprétations a permis de mesurer l'écart entre le texte à lire , le texte à dire, et le texte à jouer. Lire le théâtre n'est pas en effet chose simple, il faut en plus du travail de compréhension, imaginer le jeux des acteurs et leur travail du corps et de la voix. Cette simple réplique  en est l'illustration flagrante, et comme a dit une élève" Il y a rien à comprendre dans ces "Ah", et pourtant ils disent que Martine souffre!"

Contextualisation.

A ce moment du travail, il m'a paru nécessaire de resituer le texte dans l'histoire littéraire. La bastonnade a beau être drôle, elle reste choquante pour nombre de mes élèves. J'ai donc distribué une petite biographie de Molière en lien avec un " zapping" du film d' Ariane Mouchkine. J'ai ainsi choisi quelques scènes brèves qui ont permis aux élèves de mieux comprendre l'époque et les conditions de production de la comédie.

Les extraits étaient les suivants:
- Le mariage de raison.
- le contexte religieux et social .
- la commédia d'ell Arte.
- La genèse de l'œuvre et la farce.
- La scène finale entre M Béjart et Molière.
- La mort de Molière
Ainsi "armés" et au fait des conditions de production, les élèves ont pu mieux entrer dans le texte et en saisir la  dimension historique.

Acte II, scène 4


Mon objectif n'était pas d'analyser l'œuvre en son entier, mais d'en parcourir les moments essentiels. Afin d'aider la lecture de la fin de l'acte j'ai proposé un résumé qui  a permis aux plus en difficultés de mieux cerner l'argument des scènes à lire. Je sais pertinemment que tout le monde n'a pas lu l'acte en son entier et  que certains se sont contentés du résumé… Mais j'ai pensé - peut-être faut-il le déplorer- que la lecture attentive de certaines scènes et le survol plus ou moins bien effectué d'autres passages, suffisaient à une classe de sixième des plus hétérogènes pour approcher Molière  

Pour la scène 4 de l'acte II, j'ai  donc proposé deux types de travaux. Le premier s'organisait autour d'un travail de lecture sur la maladie de Lucinde, l'autre sur le travail théâtral du début de la scène.
J'ai donc donné la consigne suivante:

En groupes, vous rechercherez dans les répliques de Sganarelle, les passages qui expliquent la maladie de Lucinde.
Vous ferez ensuite le schéma explicatif d'après le diagnostic et les commentaires de Sganarelle.
Enfin vous écrirez l'ordonnance qu'il propose.

Cette recherche d'indices  a obligé les élèves à mener une lecture attentive du texte. Mais, pour ce qui est du schéma, une visite au CDI s'est avérée obligatoire… Comment en effet placer dans et sur le corps de Lucinde, toutes les horreurs médicales que Sganarelle évoque?
Nous avons trouvé quelques planches anatomiques et à partir de là nous avons pu travailler.  
Voici le résultat d'un groupe.



 La seconde partie du travail  sur cette scène m'a permis à nouveau de  la considérer comme un texte à jouer. Les élèves ont, dans leur manuel, un extrait de cette scène. Il s'agit du début. Il est vrai que le choix est judicieux tant il s'agit d'un pur moment de comédie.
J'ai donc divisé la classe en trois groupes de sept élèves: six acteurs et un metteur en scène. Le but était d'éclaircir le travail de l'acteur, de repérer la place des personnages, les déplacements, les entrées, les sorties  etc…
Les élèves ont discuté, échangé, certains à leur table d'autres occupant les divers lieux de ma (grande ) salle de classe.
Quand ce travail d'éclaircissement a été terminé, j'ai proposé aux groupes de rédiger un carnet de mise en scène avec toutes les indications  nécessaires à un jeu futur.
Pour aider à la rédaction, j'ai distribué un document de Christian Lambin qui utilise,dans une œuvre théâtrale  très courte: le moustique , diverses formes de didascalies. Nous les avons observées (utilisation du présent, rôles des polices de caractère etc) afin de les réutiliser dans ce travail d'écriture de  mise en scène.
Les élèves ont donc produit un carnet en découpant le texte, en y incluant des didascalies, des dessins de costumes, des objets…. Un groupe même a réussi à y inclure un "moustique" comme dans la texte de Lamblin…

Et pour finir…

Pour ne pas multiplier les séances autour de cette œuvre et comme je pensais avoir en quelque sorte abordé les divers objectifs que je m'étais fixés ( lire , jouer, dire, écrire) j'ai proposé la lecture de la fin de la pièce, soit intégralement soit sous forme d' un collage d'extraits.. que les élèves ont lus, cette fois sans problème. Ce qui m'a valu cette remarque:
" Alors , en cinquième, on refera du Molière???"