Un livre, à quoi ça sert ?
J'aime ce poème parce qu'il joue avec le verbe "lire".
Si ce verbe , on le sait désormais, n'admet pas l'impératif
(Pennac) le Clezio va plus loin encore… Dans son poème, un
livre n'est pas qu'un volume coincé dans une bibliothèque
et qui meurt de ne pas être ouvert. Un livre ça sert à des
tas de choses: ça sert comme un objet de tous les jours, comme
un objet utile malgré son apparente inutilité. Ça
sert à inventer des mondes pour peu que l'on se donne la peine de
ne pas trop le vénérer… Ça sert jusqu'à la
corde , ça sert jusque-à le jeter à la
poubelle… parce qu'on s'est bien amusé et qu'il a bien servi.
Un livre, à quoi ça sert ? À écrire. Ça sert à écrire, à lire, à dessiner. À écrire ce qui est écrit, à lire ce qui est écrit. À dessiner des animaux, des arbres, des poissons, des cendriers, des livres, des hommes, des enfants. À dessiner tout ce qu'on voit. A compter aussi, à mettre des chiffres. À raconter des histoires, l'histoire du hibou, l'histoire de la montagne creuse et de la forêt avec les loups. À faire le ciel, à faire le soleil. A faire une chemise. À faire un pot de fleurs, et une cigarette. On dessine. On colorie. On dessine les maisons. On dessine les salamandres et les escargots. On peut les faire à l'endroit, et puis à l'envers. On peut les faire avec des craies, avec des pinceaux. Avec des allumettes aussi. Avec de la paille. Avec des feuilles. Avec des cheveux. Avec de l'herbe. Avec des morceaux de bois. On peut coller, on peut découper avec des ciseaux. Un livre, ça peut être une boîte. ça sert à se rappeler, aussi. A gribouiller. À cacher les choses, pour que les autres ne les trouvent pas. ça sert à envoyer des lettres aussi. À mettre les lettres et les cartes quand le facteur les a apportées. À coller des photos. Un livre, ça sert à lire le journal. On écrit les lettres, les O, les A, les Z, les W. On écrit ZORRO, CHAT ISABELLE. Ça sert à courir dans le jardin. Un livre, ça sert à mettre ce qu'on a rêvé cette nuit. Quand on s'est bien amusé avec, on n'a plus qu'à le jeter à la poubelle.
J.M. G. LE CLÉZIO
L'Extase matérielle, Folio Essai ., Éd. Gallimard, 1993.
Quelques pistes.. Consigne: -Relevez tous les verbes que Le Clézio utilise.. Prolongement: Et si on essayait de faire ce que l'écrivain nous
conseille… quels sont les objets livres que l'on pourrait créer:
( livre boîte, livre dessin, livre album photo.. ) et quels sont
ceux à notre tour que l'on pourrait créer… ( on peut donner
en complément l'album" beurk encore un livre").
Autre prolongement ( à partir du texte suivant)
La ville est un livre
La ville est un grand livre ouvert, d'une écriture anonyme. Il suffit de regarder : les images vous parlent. Les stations services hérissées de mâts, de piliers, d'oriflammes dont les labels géants claquent au soleil. Les affiches du métro penchées au-dessus des voyageurs endormis. Les murs qui parlent et font des bulles, les ballons qui emportent la parole dans le ciel où des avions capricieux tracent des messages...
René Massin, La Lettre et l'image, Éditions
Gallimard. Pourquoi ne pas faire le livre des mots écrits dans notre rue, en faire la liste comme un long poème du quotidien… et pour peu l'on ait un appareil numérique sous la main ,photographier cette rue et noter sous les images, tous les mots lus, écrits, rajoutés, pourquoi pas…
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