Lire, à quoi ça sert?
 Autour d'un album. "Beurk encore un livre!"


Le travail présenté ici consiste en un début de  première séquence , en tout début d'année. Travail donc inaugural où il va être question de définir à la fois les pratiques de classe et les enjeux d u cours de français.
Pour ce faire, je propose de travailler sur trois "textes":  un album pour "petits" Beurk encore un livre, une courte nouvelle  de
Bernard Friot, et enfin des textes de "personnalités diverses"  sur la lecture.
Je rends compte ici de cette démarche en reproduisant en partie mon cahier de textes
.

Séance 1.

Début de la première séquence. L'objectif de la séquence est d'interroger l'acte de lire et le premier travail consiste en une " provocation": Et si lire ne servait à rien? Et si le livre n'était qu'un objet parmi d'autres, un objet ennuyeux que l'on doit transformer pour le rendre intéressant?
Mais avant de se mettre au travail, je dispose la classe "en groupes" et j'explique le mode de travail que nous allons adopter. Certains élèves ont déjà vécu ce dispositif, d'autres vont le vivre pour la première fois.
Je distribue enfin un premier texte mêlé d'images qui raconte les déboires d'une enfant avec un livre qu'on lui a offert.


[Beurk! Encore un livre!]

Tijn Snoodijk

Le jour de mon anniversaire, j'adore recevoir plein de cadeaux, enfin… quand ce ne sont pas des cadeaux comme celui que l'oncle Ben m'a offert: un livre…
- C'est les vacances, tu vas pouvoir lire toute la journée!
- Lire ce livre? Je ne peux pas! Je n'ai pas le temps! J'ai des tas de trucs à faire! Mon agenda est plein à craquer! De huit heures à huit heures vingt, je dois construire une cabane secrète pour jouer dehors quand il pleut.

De huit heures vingt a huit heures et demie, je dois m'entraîner au karaté pour préparer ma carrière d'acteur.

De huit heures et demie à neuf heures , je dois écrire à Mamie.
De neuf heures à dix heures, j'ai besoin d'aller courir dehors.
- Quand tu seras bien fatigué d'avoir couru, tu pourras te reposer en lisant ce livre!
- Je ne peux pas! Parce que de dix heures à onze heures, je dois faire brûler quelque chose.
De onze heures à midi, il faut que je garde ma petite sœur.
Et de midi à midi et demie, je dois créer une superbe œuvre d'art pour cacher ce trou dans le mur.
- Tu pourrais trouver de bonnes idées pour ton dessin dans ce livre, tu sais…
- Sauf que de midi à une heure moins le quart, j'ai prévu de faire une surprise à mon meilleur ami.

De une heure moins le quart à une heure et demie, je dois entraîner mon meilleur ami pour qu'il devienne un grand artiste de cirque.
De une heure et demie à deux heures vingt cinq, j'entre en contact avec des extraterrestres.
De deux heures vingt cinq à trois heures, je fais un beau voyage en bateau.
Et de trois heures à sept heures, des tigres féroces verront à qui ils ont affaire.

- A l'heure du dîner, tu pourras lire tranquillement! Lire c'est bon pour la digestion…

- Pendant le dîner, je dois regarder à la télé les aventures de Pavlov, mon petit pingouin préféré.
De sept heures dix à sept heures et quart, je dois grandir de cinq centimètres.
De sept heures et quart à neuf heures, je dois inspecter ma collection de confettis.
Et de neuf heures jusqu'au lendemain matin, je dois avoir une discussion avec les monstres qui habitent sous mon lit.
- Mais tu pourras lire ce livre après-demain!
- Absolument impossibleeeee! Parce que après-demain, je dois lire un autre livre!

 


Dans un premier temps les élèves découvrent le début de la nouvelle ( autour des deux premières images) et explicitent le rapport complexe que le texte entretient avec l'image. Pour ce faire, chacun doit écrire sur son classeur une phrase qui commence ainsi: " Dès que tu auras tourné la tête, je..." Ce lanceur permet de formuler l'utilisation surprenante que l'enfant fait du livre.
Ensuite lecture du texte entier  avec cette consigne:
"Parmi toutes les utilisations du livre que fait l'enfant, choisissez en trois, imaginez l'utilisation qu'en fait l'enfant, et refaites des phrases sur le modèle précédent".
Je m'aperçois que certains ont un peu de mal à comprendre les expressions à double sens que l'auteur utilise. J'accompagne certains dans leur compréhension, d'autres échangent en groupe.
 
Au retour de la récréation, les élèves se racontent leurs trouvailles, et je constate que la majorité à suivi la consigne. Seuls trois ou quatre élèves n'ont pas répondu correctement au travail demandé: certains n'ont pas du tout compris les doubles sens qui font l'enjeu même du texte,et un élève s'est amusé à provoquer le professeur en parlant de "joint" et de "cigarette à rouler". J'ai été obligé , assez durement d'ailleurs, de mettre fin à cette provocation et à définir les règles de ce qui est acceptable en classe.
Ceci fait, chacun a recopié sur son classeur la meilleure trouvaille.
 Pour finir cette première séance, les élèves imaginent à partir du texte , ce que l'on peut faire d'un livre quand on ne le lit pas. Beaucoup d'idées sont échangées et je m'aperçois que les élèves savent s'écouter, sauf un élève, toujours le même, qui continue à provoquer le professeur et ses camarades...Pour la troisième fois en deux jours, j'ai dû le rappeler à l'ordre et même faire éclater son groupe.
Chacun devra donc fabriquer , pour mercredi, un livre objet qu l'on exposera au CDI.

Deuxième séance.

Retour sur le projet: " les livres deviennent des objets". Beaucoup d'élèves ont fabriqué des "livres" et chacun présente sa production à la classe. Les camarades sont assez surpris de la qualité des "oeuvres " et de leur humour.( un livre porte-documents, un livre tapette à mouches, un livre sac à main…) Certains décident donc, au vu de la réussite de ces premiers objets-livres, d'en fabriquer à leur tour. Vendredi, ces livres seront exposés au CDI.
Ensuite lecture d'un texte de Bernard Friot.

 

 

 

[Lettre à l'auteur]
Bernard Friot, histoires pressées.

Monsieur,

J e vous écris pour vous dire que j'ai beaucoup aimé votre livre. Et je ne suis pas la seule : à la maison, tout le monde l'a adoré. Surtout Anita, ma petite sœur. Elle le traîne partout avec elle. Elle couche même avec. Et quand elle prend un bain, elle le jette dans la baignoire. Elle dit que c'est un sous-marin.
Mes parents, eux, l'ont trouvé tellement bien qu'ils en ont acheté chacun une dizaine d'exemplaires. Ils se les envoient à la figure quand ils ont une scène de ménage. Ils disent que c'est bien mieux que des assiettes, parce que ça ne casse pas et que ça peut resservir plusieurs fois.
Moi, dans votre livre, ce que je préfère, c'est la page 142. C'est là que j'élève mes asticots pour la pêche. J'ai tartiné toute la page avec du camembert et j'ai attendu que ça moisisse. Les asticots adorent.
Finalement, il n'y a que mon grand-père qui n'aime pas votre livre. C'est de sa faute aussi : il l'a lu. Quelle drôle d'idée.
Avec toute mon admiration.

Élodie

 

Des questions d'analyse sont posées: questions rituelles ( quel est le type de document, à quoi reconnaît-on qu'il s'agit d'une lettre, expéditeur, destinataire) et analyse de l'humour. Les élèves, s'ils formulent assez bien à l'oral les réponses attendues ont un peu de mal à les écrire sur leur classeur. Ce sera un enjeu méthodologique de cette séquence.
Ensuite écriture dans les blancs du texte:
Mon frère a aimé le livre..
Mon grand cousin , lui aussi a, a adoré votre ouvrage...

Les élèves écrivent sur leur brouillon et je passe, je lis et je conseille des amplifications de texte. A ce moment, arrivée de M le Principal Adjoint : il vient présenter " la vie scolaire".
Après son départ, il ne reste plus le temps que de terminer l'écriture des récits et de recopier les productions sur une copie.

Troisième séance


Retour sur les copies d'écriture. Je remets donc les copies aux élèves et je propose des extraits des ces productions reprographiés. Les élèves ont pour tâche de lire ces textes et de les classer selon deux critères simples: ceux qui leur paraissent les moins ou les plus réussis.
Discussion. Il s'agit de reformuler les critères de réussite de cet exercice. Quatre critères sont trouvés: l'humour pour être en accord avec le texte de B Friot, les précisions données dans l'utilisation des livres, la référence au monde de l'enfance, et la variété des modes d'écriture . Ceux qui n'ont pas réussi ce travail peuvent le reprendre et le rendre pour mercredi.
Ensuite distribution de 13 textes d'auteurs divers sur "les choix de lecteurs". En classe entière, je propose d'analyser un premier texte afin de repérer les arguments que les auteurs donnent pour défendre la lecture . Ensuite travail de transformation de ces arguments sous forme de slogan. Exemples: " Les livres choisis par mes proches ont souvent été un lien plus fort que des flots de paroles. "( Isabelle Autissier )devient " le livre crée des liens plus forts que les flots de paroles" . Certains élèves proposent même de créer des affiches.
Par groupe, les textes sont distribués, chaque groupe devant produire des slogans qui devront être recopiés sur le classeur. fin de la deuxième heure.

[Écrits sur la lecture]



Isabelle Autissier
Navigatrice

Loin de tout et de tous, naviguant seule dans les 50es Sud, je n'emmène souvent que des livres que l'on m'offre. Les livres choisis par mes proches ont souvent été un lien plus fort que des flots de paroles. Voilà le cadeau que ces amis voulaient me faire, le clin d'oeil, le chemin où ils voulaient m'entraîner pour me distraire de ces plaines liquides. Par le livre offert, nous communiquons : je lis, je pense à eux, je perçois leur message au fil des pages. Plus tard, au long des heures de barre ou de veille, je sens leur tendresse qui m'accompagne et se mêle au récit encore frais dans ma mémoire, pour m'inciter à revenir au plus vite au monde des hommes.

Pascal Bruckner
Écrivain

Tous ces gens qui lisent dans le métro, le train, les jardins publics, ils ont l'air si sages, si calmes. Détrompez-vous : ce sont des nomades qui voyagent, immobiles, des voyants qui discernent dans le décor du quotidien des spectacles inouïs, des beautés insoupçonnables. Prenez place à leurs côtés et ouvrez votre livre favori : à votre tour, vous accéderez comme eux à un niveau de réalité supérieur.

Italo Calvino
Écrivain

 Il considérait les livres un peu comme des oiseaux et ne voulait pas les voir immobilisés dans des cages. Sur le plus massif de ces rayonnages aériens,[les arbres où vit le personnage]  il alignait les tomes de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, au fur et à mesure qu'ils lui parvenaient par un libraire de Livourne. Pendant quelque temps, à force de vivre au milieu des livres, il avait eu la tête dans les nuages, quelque peu, et s'était de moins en moins intéressé au monde dans lequel il évoluait; la lecture de l'Encyclopédie, avec ses beaux articles sur l'Abeille, l'Arbre, le Bois, le Jardin, lui fit porter sur ce qu'il avait autour de lui un regard neuf.

Le Baron perché

Colette Fellous
écrivain

J'ai huit ans. En lisant, j'ai choisi de partir, de quitter ma famille, d'oublier ma mère qui voulait sans cesse mourir, j'ai choisi d'être libre. J'ai choisi de vivre ailleurs, radicalement tout en restant à la maison, j'ai pu suivre cette passion, vivre ailleurs, inlassablement, j'ai déchiffré tant de langues étrangères, j'ai marché pieds nus sur tant de routes inconnues qui en sept secondes me devenaient familières. A chaque pas des paysages inédits, une nouvelle végétation, des tremblements, des secousses, des visages incroyables, entrez, entrez, vous êtes chez vous, installez-vous, n'ayez pas peur. Oui, les livres ont été tout à coup mes sauveurs, Ils m'ont appris à vivre clandestinement, à conjuguer tous les temps à la fois, à me détacher de cette vie trop lourde pour mon petit âge, et à en bâtir une autre, qui savait superposer mille et cent lieux, mille et cent couleurs.

Je dois préciser que les livres dans ma maison n'étaient pas très loin, ils brillaient dans le noir quand Je m'endormais, c'étaient les livres de ma mère, elle les avaient aimés mais ils ne lui servaient plus à combler sa mélancolie, c'est moi qui devais désormais prendre le relais. Elle les avait installés en désordre dans un gigantesque placard qui servait de bibliothèque de famille, avec sur la plus basse étagère une panière pour abriter nos chats qui se sont succédés, là, de génération en génération. Des livres, donc, je pouvais m'en servir à volonté, ils m'adoptaient aussitôt. Avec eux, j'ai construit des pays, des langues nouvelles, le monde devenait de plus en plus enchevêtré et brillant, contradictoire, scandaleux, injuste, splendide, je franchissais les frontières allègrement, les yeux écarquillés et j'accueillais chez moi pour toujours Caddy, Lolita, Ulrich Agathe, Sophie, Cosette, Aliocha, ou la sauvage Cathy Ames d'A L'Est d'Eden,

Nancy Huston
Écrivain

J'ai lu beaucoup mais je n'ai fait que grignoter un tout petit coin de ce gâteau géant, ce festin littéralement infini qu'est le roman. Le monde entier nous est offert, à chacun d'entre nous, où que l'on soit, qui que l'on soit, pour peu qu'on soit capable de lire un livre. Et ça prend si peu de place ! et ça coûte si peu d'argent! Quand on voyage, en plus de guides touristiques, on peut se plonger dans les romans du pays ... Et quand on ne voyage pas, eh bien, on peut voyager quand même - non seulement dans l'espace mais dans le temps. On a le droit d'arpenter la Russie du XIXe siècle grâce à Tchekhov, ou la Grèce antique grâce à Sophocle et Euripide, ou la cour de Louis XIV avec Molière... Et puis il y a Rabelais ! Kafka !  Beckett ! Cervantès ! Woolf ! Shakespeare !
Mon Dieu! comment faire pour arrêter cette liste ! ?

De façon mystérieuse, plus on mange, plus on a faim. Et, de façon plus mystérieuse encore, plus on se sait responsable, plus on devient libre.

Christian Lacroix
couturier


Ouvrir un nouveau livre, c'est comme mettre un habit neuf, ouvrir le couvercle d'une boîte à mystères initiatique, pousser une porte sur l'inconnu. Une bibliothèque est plus vivante qu'un musée, plus intelligente qu'un ordinateur. Ce sont des villes, ni antiques, ni futuristes mais de toujours, dont il faut arpenter les recoins, déchiffrer les frontispices, escalader les gradins.
Un livre, c'est d'abord un objet précieux, une lampe d'Aladin que l'on frotte, tord, caresse pour en faire jaillir les génies. Ça se regarde comme une sculpture, ça se respire comme un parfum, un vin. On en éprouve le claquement des pages selon la qualité du papier .
J'ai acheté beaucoup de livres, adolescent, presque enfant encore, pour un titre, un mot ou même une texture sans ensuite, les ouvrir, comme si par enchantement ils allaient dévoiler leur mystère.
Les palper, les entasser, les posséder : ils forment encore autour de mon lit d'improbables tables de chevet, d'instables buildings, de vraies tours de Babel. Livres abîmés, dépenaillés, amputés parfois, rencontrés chez un bouquiniste du bout du monde, exhumés d'une maison de vacances, trouvés sur un banc : ils ont tous quelque chose à nous dire.
Les livres sont des souvenirs inventés, imaginés, volés à d'autres et qu'on s'approprie, qui nous aident à vivre et parfois à survivre car la lecture est l'acte gratuit le plus payant qui soit.
Un livre est aussi le plus joli et le premier cadeau qu'on puisse faire à quelqu'un qu'on aime. II y en a de toutes sortes : ceux que l'on nous offre, ceux qu'on lit par nécessité. Cela va du livre de classe à celui des classes, du livre d'histoire à ceux des histoires. Les livres dont on hérite et ceux qu'on adopte, ceux dont on n'oubliera jamais l'odeur mais dont on ne sait plus le titre, ceux qui ne quittent jamais notre chambre, qui s'enchevêtrent en piles qu'on ne remuera jamais.
Un livre est à la fois un ami et un ennemi, dans notre ardeur ou notre paresse Il voit qui nous sommes en le prenant. En fait, c'est lui qui lit en nous comme « à livre ouvert ». De celui qu'on lâche pour dormir à celui qui nous empêche de dormir, c'est le témoin oculaire le plus sûr. Impossible de les détacher de nos vies puisqu'elles aussi se feuillettent, jaunissent et finissent.
Lire, c'est parler à mi-voix dans un monde où tout crie si fort. Un livre est un jardin clos et secret où cueillir à notre guise ce que nous sommes les seuls à percevoir, la nuit de préférence. Et le garder pour soi, comme un secret...

Vincent Ravalec
Ecrivain

Lire a tout de suite été pour moi une bénédiction, la preuve qu'il existait une dimension, proche et accessible, où tout était possible, le meilleur comme le pire, les horreurs et les merveilles, à partir du moment où cette chose magique était entrée en vous - le goût de la lecture, des portes jusque-là verrouillées s'ouvraient, le monde n'était plus tout à fait le même, en vous élevant légèrement au-dessus de la réalité, la lecture vous permettait une opération magique constamment renouvelable : pouvoir changer, par le regard que l'on portait dessus, le sens et la saveur des choses.

Roal Dahl
Écrivain

Il n'y avait rien de plus agréable que de boire un chocolat à petites gorgées en lisant. Les livres la transportaient dans des univers inconnus et lui faisaient rencontrer des personnages hors du commun qui menaient des vies exaltantes. Ainsi navigua-t-elle sur d'antiques voiliers avec Joseph Conrad, explora-t-elle l'Afrique avec Ernest Hemingway et l'Inde avec Rudyard Kipling. Ainsi, assise au pied de son lit, dans sa petite chambre d'un village anglais, visita-t-elle de long en large et de haut en bas le vaste monde.
, Matilda.

Azouz Begag
Écrivain

 La bibliothèque s'était refermée sur ses livres comme une fleur dans sa couette de pétales. Un drôle de silence habitait ces lieux déserts. Toutes les histoires qui dormaient dans ces livres, c'était inquiétant. Je me sentais comme un point minuscule dans cet univers. Un vertige a commencé à rendre mes jambes toutes molles comme si l'angoisse ou quelque chose qui lui ressemble s'installait en moi. ( …)
Si t'as vraiment vu de l'or , il est forcément dans les livres. C'est toujours plein de richesses dans les livres ! ( …)
J'ai continué à feuilleter des livres que j'ouvrais pour déguster la première phrase. C'est elle qui ouvre la ligne aux autres. Elle est toujours élégante. Puis je regardais les titres. C'est alors que le hasard a porté ma main sur un petit livre de rien du tout, qui avait l'allure d'un nain à côté des autres, mais qui sentait la magie. Le Vieil Homme et la Mer . Je l'ai pris entre mes doigts. J'ai regardé la couverture. J'ai lu la première phrase, puis la seconde. ( …)
Azouz Begag, Les voleurs d'écritures .

Albert Camus
Écrivain

Le jeudi était le jour où Jacques et Pierre allaient à la bibliothèque municipale. De tout temps, Jacques avait dévoré les livres qui lui tombaient sous la main et les avalait avec la même avidité qu'il mettait à vivre, à jouer, à rêver. Mais la lecture lui permettait de s'échapper dans un univers innocent où la richesse et la pauvreté étaient également intéressantes parce que parfaitement irréelles. L'intrépide , les gros albums de journaux  illustrés que lui et ses camarades se repassaient entre eux jusqu'à ce que le couverture cartonnée devînt grise et râpeuse et les pages intérieures cornées et déchirées, l'avaient d'abord enlevé dans un univers comique ou héroïque qui satisfaisait en lui deux soifs essentielles, la soif de la gaieté et du courage.
le premier homme

Jeanloup Sieff
Photographe

Les livres nous accompagnent tels des amis chers avec lesquels nous partageons des moments précieux. Leurs textes se mêlent à notre vie, au point que même ceux qui nous paraissent un jour désuets ou anodins restent attachés à des souvenirs que rien ne pourra effacer.
Et puis, nous entretenons avec les livres des rapports affectifs, tactiles et olfactifs. Alors comment ne pas s'attacher à l'objet, à l'odeur de son encre, au grain du papier ? Jamais je n'ai pu me séparer de mes livres et depuis toujours ils m'accompagnent, s'entassent, se bousculent, se chevauchent, s'empilent car, sachant qu'ils ne seront pas jetés, ils profitent de leur immunité.
Lire, c'est communiquer, c'est instaurer avec les notes que l'on écrit dans les marges des passages qui nous ont émus, une complicité silencieuse et secrète.

Yves Simon
Écrivain, compositeur

Le premier roman lu apprend à son lecteur que derrière les dimensions standard d'un livre se cachent des océans, des sentiments, des intrigues. Que sous la surface anodine d'un ensemble de carton et de papier, des trésors de passions, de savoirs, un infini mélange de saveurs, de parfums, de paysages naissent sous l'empire des mots pour infiltrer le lecteur dans un réseau qu'il ne pouvait imaginer. La lecture c'est la surprise, c'est le pouvoir pour chacun, depuis la naissance de l'imprimerie, d'avoir accès à l'intrigue de cour comme aux amours d'un paysan anglais avec une princesse caucasienne. Le vil et le subtil s'allient pour envoyer  le lecteur vers des contrées que sa propre histoire n'aurait pu constituer.
 Les livres sont de petits vaisseaux spatiaux qui circulent chargés de sens, d'émotions et d'esthétique, partis à la rencontre de ces mystérieuses planètes que sont les hommes.

Tomy Ungerer
écrivain dessinateur

La lecture me livre une éternelle jeunesse, elle m'excite, me comble, et dans le tournant d'une phrase : un panorama. D'un côté, Il y a la découverte d'une nouvelle lecture, d'un auteur caché, et d'un autre, la relecture d'une oeuvre de prédilection dont la lecture, patinée par l'usage, vous offre à n'en pas finir des découvertes
Je vis chez moi parmi les dédales de plusieurs bibliothèques. Je suis bibliophile, mon père l'était déjà.
Chaque volume a son odeur, chaque page sa texture, sa typographie, parfois sa reliure si le livre est relié. Un livre est une présence, ici, là, sous la main, une question de sensualité, il y en a qui sont de vieux amis, fidèles, sensuels. J'ouvre un livre comme on découvre une femme que l'on effeuille, le livre se soumet à toutes les « phantasmes ».

 

Quatrième séance.
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Ensuite retour sur les textes proposés lors de la séance précédente. Les élèves ont recopié des slogans, ou plutôt des phrases qui peuvent être transformées en slogan. Pour que tout le monde sache exactement ce qui est attendu, je mène un travail de transformation. Par exemple, la citation " les livres lui firent porter sur les choses un regard neuf" devient " les livres permettent de porter un regard neuf sur le monde".


Chaque groupe échange alors ses découvertes . Les plus consensuelles sont écrites au tableau . Lorsque ce travail de collection est achevé, je relis toutes les phrases écrites et chacun doit en choisir deux:
" Je recopie le slogan avec lequel je suis d'accord.
Je recopie le slogan que j'aimerais illustrer sous forme d'affiche.
"
Les élèves lisent ensuite la phrase qu'ils ont choisie pour la première réponse.

Ensuite je propose un travail d'apprentissage ou plutôt de découverte de l'argumentation. Chaque élève donc choisir un slogan avec lequel il pouvait être d'accord. Le travail proposé consiste donc à expliquer le sens de ce slogan et à justifier son choix par un exemple. Je propose de travailler collectivement sur un premier slogan.

La chose semble comprise. Chacun se met alors au travail, mais la tâche est complexe pour certains. J'en conclus que le problème majeur n'est pas tant la compréhension du slogan, mais dans la mise en mots de cette explication et dans la justification du choix. Il faudra donc que je travaille sur la posture argumentative et que j'amène les élèves à repérer les discours sociaux en jeu dans la travail argumentatif. Somme toute, en synthèse , les élèves donnent leur définition de l'argumentation.
Après la récréation leçon de langue sur les valeurs du présent. En effet tous les textes argumentatifs donnés dans la séance sont au présent. A partir d'une fiche de recherche, les élèves construisent, avec leurs mots, les valeurs du présent, je donne ensuite les étiquettes officielles . En fin d'heure chacun construit son résumé "efficace " puisqu'il doit prendre la forme d'une "anti-sèche" que l'on pourra utiliser en devoir.