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Des Fleurs pour Algernon
Orthographe et intelligence
lire la nouvelle en entier
A) Démarches
Support : Des extraits d’un roman de science-fiction de Daniel
Keyes, datant de 1959, Des Fleurs pour Algernon
L’objectif est double :
-
d’une part, dédramatiser l’erreur en orthographe en travaillant
sur les représentations sociales de l’orthographe : orthographe
et « débilité », orthographe et handicap, orthographe et futur
métier (représentations que les gens se font des lettres d’embauche,
etc.), orthographe et intelligence (celui qui se prétend « nul »
en français à l’école est souvent celui qui fait « plein de fautes
d’orthographe »…)
-
d’autre part, amorcer la dynamique de l’observation de l’écrit,
du repérage et du raisonnement grammatical ; l’orthographe étant
souvent considérée, comme le talent ou le don, comme une donnée de base,
contre laquelle on ne peut rien.
1ère phase :
Conte randu n°1
3 mars. Le Dr. Strauss dit que je devrez écrire
tout ce que je panse et que je me rapèle et tout ce qui marive
à partir de maintenan. Je sait pas pourquoi mais il dit que ces
un portan pour qu’ils voie si ils peuve mutilisé. J’espaire qu’ils
mutiliserons pas que Miss Kinnian dit qu’ils peuve peut être me
rendre un télijan. Je m’apèle Charlie Gordon et je travail à la
boulangerie Donner. Mr. Donner me donne 11 dolar par semène et
du pain ou des gâteau si j’en veut. J’ai 32 ans et mon aniversère
est le mois prochin. J’ai dit au Dr. Strauss et au proféseur Nemur
que je sait pas bien écrire mes il dit que sa fait rien il dit
que je dois écrire come je parle et come j’écrit les compositions
dans la classe de Miss Kinnian au cour d’adultes atardé du Colege
Bikman où je vait 3 fois par semène a mes heures de liberté. Le
Dr. Strauss dit d’écrire bocou tou ce que je panse et tou ce qui
m’arive mes je peux pas pansé plus pasque j’ait plus rien a écrire
et je vais marété pour ojoudui.
Charlie Gordon
|
Travail en groupes qui ne pose pas ce texte comme fautif
ni à corriger. Cela dit, beaucoup d’élèves, spontanément, comme des
profs, sortent leur stylo rouge et commencent par corriger…
La consigne
peut être : Voici le début d’un roman. Qu’est-ce que les
lecteurs que vous êtes y apprennent? Quelles questions vous posez-vous ?
Quelles hypothèses pouvez-vous faire sur la suite, le contenu,
la forme de ce roman ?
|
Mise en commun de ce qui a été trouvé dans les groupes.
2ème phase : le travail se centre
sur l’orthographe avec des outils, des dictionnaires et des grammaires.
L’objectif est de parvenir à l’explication grammaticale.
La consigne : Vous
devez expliquer à Charlie Gordon un point de grammaire, vous devenez
les professeurs de Charlie. Vous repérez dans son compte-rendu
des erreurs grammaticales ou des erreurs lexicales qui reviennent
plusieurs fois. Vous essayez de comprendre le pourquoi de ces
erreurs (par ex. : il se trompe de terminaison personnelle,
parce qu’il confond la 1ère et la 3ème personne
du singulier ; ou il ne fait pas la différence entre un verbe
du 1er et du 3ème groupe ; ou il ne
sait pas conjuguer tel ou tel temps verbal ; ou il ne sait
pas faire la différence entre des homophones comme est /es/et,
comme on/ont, a/à, etc.)
Vous lui proposez une correction rédigée. |
Pour les plus jeunes élèves, on peut donner quelques
pages du petit livre de Benoît Marchon, Mots-clés pour réussir ses
dictées, qui propose quelques moyens mnémotechniques pour retenir
des règles d’orthographe avec des dessins.
3ème phase : lecture en groupes
d’extraits du roman de Daniel Keyes. Chaque groupe dispose de 4 extraits
différents, un pour chaque membre :
A) Conte randu 3. – 7 mars ; B)
15 avril ; C)15 mai ; D) 23 juin-30 juin-7 juillet-10
juillet-14 juillet-22 juillet
Le groupe est chargé de repérer l’évolution de l’orthographe
de Charlie Gordon à travers ses comptes-rendus, de rédiger par écrit
ce qui se passe dans le roman et de faire des hypothèses de lecture
sur la fin du roman (heureuse ou non).
La consigne : Racontez-vous(
à l’oral) ce qui se passe dans vos extraits ; rédigez
un résumé de l’ensemble ; proposez à l’oral, des hypothèses
sur la façon dont va, selon vous, se terminer le roman ;
écrivez ensemble le dernier compte-rendu de Charlie .
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4ème phase : Travail d’orthographe
sur un texte à choix multiples, rédigé par le professeur ou inventé
par les élèves. Par exemple, un texte inventé par un groupe d’élèves
de 5ème :
Sur une planète lointaine, des hommes semblable/s’emblables/semblables
à ceux de la terre, ont inventé une étrange machine.
C’est
la M.I.A., machine à/a intelligence/intélligence
automatique.
Les
attardés peuvent/peuve ainsi devenir intelligent/
intelligents, ceux qui ne sont pas bons/bon
en orthographe font des progrès spectaculaires/spectaculaire.
Mais
si les hommes qui sortent de cette machine savent répéter/répèter
des règles, ils/il gardent une intelligence de robot
.
Ils/il ne se comprennent/comprenne
pas entre eux et ne cesse/ cessent de se faire la
guerre.
Choisis la forme qui convient parmi celles qui sont
en caractères gras et explique pourquoi c’est celle-là que tu
choisis et pas une autre.
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B) Extraits
distribués.
Des Fleurs pour Algernon (extraits 1, Elève
A)
Conte randu 3. — 7 mars. Le Dr Strauss et le Dr Nemur
dise que pour les taches sa fait rien. Je leur ai di que J'ai pas renversé
d'ancre sur les cartes et que je pouvai rien voir dans l'ancre. Ils
on dit que peutètre ils manployeron quan-même. J'ai dit
que miss Kinnian ma jamais donné des test comme sa elle me fait
seulman lire et écrire. Ils on dit que miss Kinnian a dit que
j'étai son meyeur élève au cour du soir pour les
adultes parsque je fai tout ce que je peu et je veu vraiman aprandre.
Ils on dit coman sa se fait que ta été tout seul au cour
du soir Charlie. Coman que tu la trouvé. J'ai di que j'ai demandé
à des jans et quelquun ma dit ou je devrai allé pour aprandre
a lire et écrire comme y faut. Ils ont dit pourquoi que tu voulais
aprandre. J'ai di parsque toute ma vie j'ai voulu être intelijan
au lieu d'être bête. Mais c'est tres difficile d'être
intelijan. Ils on dit tu sais que ce sera probableman tant porère.
J'ai di oui. Miss Kinnian me l'a dit. Sa me fait rien si sa fait mal.
J'ai eu ancore d'autres tests idiots aujourdhui. La dame qui me les
a fait passés était jentille et elle ma dit coman sa sapèle
et Je lui ai demandé coman sa sécrit pour que je le mète
dans mon corne randu. TEST D'APERCEPTION THEMATIQUE., Je conai pas ces
2 mots mais je sais ce que sa veut dire test. Il faut le réussir
ou on a des mauvais points. Ce test avait lair facile parce que je pouvai
voir les imajes. Seulman cette fois elle me demandait pas de lui dire
les imajes. Sa ma embrouyé. J'ai di que l'homme d'hier voulait
que je dise ce que je voyai dans l'ancre mais elle a dit sa fait rien.
Elle a dit faite des istoires sur les jans dans les imajes.
Je lui ai di coman qu'on peut dire des istoires sur des jans qu'on a
jamais vu. J'ai di pourquoi je devrai dire des mansonjes. je di plus
jamais de mansonjes parsque je sui toujour atrapé.
Elle ma dit que ce test et l'autre le ror chaque c'était pour
connaître la personalité. Ce que j'ai ri. J'ai di coman
on peut conaitre sa d'après des taches et des fotos. Elle s'est
mise en colère et elle a rangé ses imajes. Sa met égal.
C'était idiot. Je. croi que j'ai pas réussi ce test la
nonplu.
Après des hommes en blouse blanche mon anmené dans un
autre androit de lopital et ils mon donné un jeu. C'était
comme une course avec une souri blanche. Ils apelait la souri Algernon.
Algernon était dans une boite avec des tas de tournans qui faisait
comme des murs et on ma donné un crayon et un papier avec des
lignes et des tas de cases. D'un coté y avait DEPART et de l'autre
coté ARRIVEE. Ils on dit que c'était un abirinte et qu'Algernon
et moi on avait le même abirinte a faire. Je pouvais pas conprandre
coman on pouvait avoir le même ahirinte si Algernon avait une
boite et moi un papier mais j'ai rien di. Et pui j'avai pas le tant
parce que la course allait comancé.
Un des hommes avait une montre qu'il essayait de caché pour que
je la voye pas alor j'essayai de pas regardé et sa me randait
nerveu.
En toucas ce test ma anbété pluss que les autres parsqu'ils
l'on fait plu de 10 fois avec des abirintes diférant et Algernon
a gagne toutes les fois. Je savai pas qu'une souri c'était si
intelijan. Algernon est une souri blanche. Peutètre que les souris
blanche son plus intélijante que les autres.
Des Fleurs pour Algernon (extrait 2 Elève B)
15 avril. — Miss Kinnian dit que j'apprends
vite. Elle a lu quelques Compte Rendus et elle m'a regardé drôlement.
Elle dit que je suis quelqu'un de bien et que je les étonerai
tous. Je lui ai demandé pourquoi. Elle a dit peu importe mais
que je ne devrai pas être découragé si je trouve
que tout le monde n'est pas chic comme je crois. Elle dit que pour quelqu'un
que la nature a si peu gâté je fais mieux que des tas de
gens qui ne se servent pas de leur cerveau. J'ai dit que tous mes amis
sont intelligents mais gentis. Ils m'aiment bien et ils ne m'ont jamais
fait de méchanceté. A ce moment elle a eu quelque chose
dans l'euil et il a fallu qu'elle court au lavabo.
1 6 avril — Aujourd'hui, j'ai apris, la virgule, voila une virgule (,)
c'est un point, avec une queu, miss Kinnian, dit que c'est important,
parce que, sa fait mieux, quand on écrit, elle dit, que quelqu'un,
peut perdre, des tas d'argent, si une virgule, n'est pas, à la,
bonne place, je n'ai pas, d'argent, et je ne vois pas, comme une virgule,
vous empêche, de le perdre.
Mais elle, dit, que tout le monde, se sert de virgules, alors moi aussi,
je m'en sers.
17 avril. — Je me suis mal servi des virgules. C'est la ponctuation.
Miss Kinnian m'a dit de chercher les mots longs dans le dictionnaire
pour apprendre à les écrire, j'ai dit qu'est ce que sa
fait du moment qu'on peut lire ce que j'écris. Elle a dit sa
fait partie de l'éducation alors maintenant je regarderai tous
les mots que je ne sais pas comment écrire. Sa prend lontant
pour écrire comme sa mais je crois que je me rappelle une fois
que j'ai regarde une seule fois suffit. C'est comme sa que j'ai pu écrire
le mot ponctuation comme il faut. C'est comme sa dans le dictionnaire.
Miss Kinnian dit que le point est aussi une ponctuation, et qu'il y
a des tas d'autres signes à apprendre. Je lui ai dit que je croyais
que tous les points devaient avoir des queus mais elle a dit non.
II faut les mélanger, elle m'a montré ? comment «
les mélanger et (maintenant,. je sais; mélanger ! toutes
» les sortes de ponctuation, dans ! ce que J'écris ?
Il-y a, des tas ! de règles ? à apprendre; mais je me
les enfonce, dans la tête.
Une chose que j'aime. Chère miss Kinnian : (c'est comme sa qu'on
écrit dans une lettre commerciale si je dois un jour faire du
commerce) c'est que, toujours elle me donne une raison « quand
— je lui demande. Miss Kinnian est un gen'ie ! Je voudrais ! être
aussi intelligent » qu'elle; (La ponctuation, c'est; amusant !)
18 avril. — Que je suis bête ! Je n'avais même pas compris
de quoi elle parlait. J'ai lu la grammaire hier soir et tout y est expliqué.
Alors J'ai vu que c'était comme ce que miss Kinnian essayait
de me dire, mais je n'avais rien compris; je me suis levé au
milieu de la nuit et tout s'est mis en ordre dans mon esprit.
Miss Kinnian a dit qu'en marchant pendant que je dors la télé
a été très utile. Elle dit que j'ai attint un plateau.
C'est comme le sommet plat d'une montagne.
Quand j'ai eu compris comment on met la ponctuation, j'ai relu tous
mes anciens Comptes Rendus depuis le début. Sapristi ! quelle
orthographe et quelle ponctuation ! J'ai dit à miss Kinnian que
je devrais tout relire et corriger toutes les fautes, mais elle a dit.
" Non, Charlie, le Dr Nemur les veut comme ils sont. C'est pourquoi
il a permis que tu les garde après les avoir fait photocopier,
pour que tu voies tes progrès. Tu avances à grands pas,
Charlie "
Des Fleurs pour Algernon (extraits 3 Elève C)
15 mai. — Le Dr Strauss est très en colère
après moi parce que je n'ai pas rédigé un seul
compte rendu en quinze jours. Sa colère est justifiée
parce que le labo me paie maintenant un salaire régulier. Je
lui ai dit que j'étais trop occupé à méditer
et à lire. Lui ayant fait remarquer qu'écrire était
pour moi lent et énervant parce que j'ai une vilaine écriture,
il m'a suggéré d'apprendre à laper à la
machine. Je peux écrire beaucoup plus facilement désormais,
parce que j'arrive à dactylographier près de soixante-quinze
mots à la minute. Le Dr Strauss ne cesse de me recommander de
parler et d'écrire le plus simplement possible pour que les gens
puissent me comprendre.
Je vais essayer de passer en revue tout ce qui m'est arrivé depuis
quinze jours, Algernon et moi-même avons été présentés
à l'Association des Psychologues Américains siégeant
en congrès avec l'Académie Universelle de Psychologie
mardi dernier. Nous avons vraiment fait sensation. Le Dr Nemur
et le Dr Strauss étaient fiers de nous.
Je soupçonne le Dr Nemur qui a soixante ans (dix ans de plus
que le Dr Strauss), de tenir absolument à voir les résultats
tangibles de ses travaux. Il subit sans aucun doute une pression de
la pan de Mrs Nemur.
Contrairement à l'impression que je m'étais faite de lui
tout d'abord, je me rends compte que le Dr Nemur n'a rien d'un génie.
Il a un esprit très développé, mais constamment
en proie au doute. Il veut que le monde le prenne pour un génie.
C'est pourquoi il est important pour lui d'avoir le sentiment que ses
travaux sont acceptés par le monde. Je crois que le Dr Nemur
craignait de nouveaux retards parce que quelqu'un aurait pu faire une
découverte dans ce domaine et lui enlever le droit à la
reconnaissance publique.
Le Dr Strauss, en revanche, pourrait être qualifié de génie,
encore que j'aie l'impression que sa culture n'est pas assez étendue.
Il a été éduqué dans la tradition d'une
étroite spécialisation; les aspects plus larges d'une
solide culture générale ont été beaucoup
trop négligés —même pour un neurochirurgien. J'ai
été vivement étonné d'apprendre que les
seules langues anciennes qu'il pût lire étaient le latin,
le grec et l'hébreu, et qu'il ne connaît presque rien des
mathématiques au-delà des niveaux élémentaires
du calcul des variations. Quand il me l'a avoué, j'en ai été
presque ennuyé. Ce fut comme s'il avait caché cette partie
de lui-même afin de me tromper, en prétendant être
ce qu'il n'est pas — ainsi que le font bien des gens, d'après
ce que j'ai découvert. Je ne connais personne qui soit ce que
l'on pourrait croire d'après les apparences.
Le Dr Nemur paraît mal à l'aise en ma présence.
Parfois, quand j'essaye de qui parler, il me regarde d'une façon
bizarre et se détourne. J'ai été en colère
au début, quand le Dr Strauss m'a dit que je donnais au Dr Nemur
un complexe d'infériorité. Je croyais qu'il se moquait
de moi et je suis sensible à l'excès de la moquerie.
Comment pouvais-je savoir qu'un psycho-expérimentaliste
hautement respecté comme Nemur n'avait aucune connaissance de
l'hindoustani ni du chinois ? C'est absurde quand on songe aux travaux
actuellement en cours en Inde et en Chine justement dans sa spécialité.
J'ai demandé au Dr Strauss comment Nemur pouvait réfuter
les attaques de Rahajamati contre sa méthode et ses résultais
s'il n'était même pas d'abord en mesure de les lire. L'étrange
expression que prit le visage du Dr Strauss ne peut avoir qu'une des
deux significations suivantes : ou bien il ne veut pas dire à
Nemur ce qu'on pense de ses travaux aux Indes, ou bien (et cela m'inquiète)
le Dr Strauss n'en sait rien non plus. Il faut que je prenne soin de
parler et d'écrire clairement et simplement pour que les gens
ne soient pas portés à rire.
Des Fleurs pour Algernon (extraits 4 Elève D)
.23 juin. — J'ai complètement abandonné la machine
à écrire. Ma coordination est mauvaise. Je sens que mes
mouvements deviennent de plus en plus lents. J'ai eu un choc terrible
aujourd'hui. J'ai pris un article que j'utilisais dans mes recherches
: " Ueber psycbishe Ganzheit " de Krueger, pour voir si cela
pourrait m'aider à comprendre ce que j'avais fait. J'ai d'abord
pensé à une défaillance de ma vue. Puis j'ai compris
que je ne pouvais plus lire l'allemand. J'ai. fait des essais avec d'autres
langues. Toutes parties !
10 juin. — Une semaine passée sans m'être
risqué à reprendre la plume. Le temps s'écoule
comme du sable entre mes doigts. La plupart des livres que j'ai sont
trop difficiles pour moi maintenant. Ils me font mettre en colère
parce que je les lisais et les comprenais il y a seulement quelques
semaines.
Je me répète sans cesse que je dois continuer à
rédiger ces comptes rendus, car il faut que quelqu'un sache ce
qui m'arrive. Mais il me devient de plus en plus difficile de former
les mots et de me rappeler comment ils s'orthographient. Maintenant
je suis forcé de chercher les mots les plus simples dans le dictionnaire
et cela m'énerve.
Le Dr Strauss vient presque chaque jour, mais je lui ai dit que je ne
voulais voir personne. Il se sent coupable. Tous les autres aussi. Mais
je ne blâme personne. Je savais ce qui risquait d'arriver. Mais
comme cela fait mal!
7 juillet. — Je ne sais où a fui la semaine.
Aujourd'hui c'est dimanche je le sais parce que je peux voir par ma
fenêtre les gens qui vont à l'église. Je crois que
je suis resté au lit toute la semaine mais je me rappelle que
Mrs Flynn m'a apporté plusieurs fois à manger. Je n'arrête
pas de me dire qu'il faut que je fasse quelque chose mais j'oublie ou
bien c'est simplement qu'il est plus facile de ne pas faire ce que je
dis que je vais faire.
Je pense beaucoup à ma mère et à mon père
ces jours-ci. J'ai trouvé une photo d'eux avec moi prise sur
une plage. Mon père a un gros ballon sous le bras et ma mère
me tient par la main. Je ne me les rappelle pas comme ils sont sur la
photo. Tout ce que je me rappelle c'est mon père ivre la plupart
du temps et se disputant avec maman au sujet d'argent.
Il ne se rasait pas souvent et ça grattait quand il m'embrassait.
Ma mère disait qu'il était mort mais mon cousin Miltie
disait qu'il avait entendu sa mère et son père dire que
papa était parti avec une autre femme. Quand j'ai questionné
ma mère elle m'a giflé et a dit que mon père était
mort. Je ne pense pas avoir jamais trouvé où était
la vérité mais ça m'est égal. (Il disait
qu'il allait m'emmener voir des vaches dans une ferme, mais il ne l'a
jamais fait. Il ne tenait jamais ses promesses...)
10 juillet, — Ma propriétaire
Mrs Flynn se fait beaucoup de souci pour moi. Elle dit que la façon
dont je reste là toute la journée sans rien faire ça
lui rappelle son fils avant qu'elle le mette à la porte de chez
elle. Elle dit qu'elle n'aime pas les fainéants. Si je suis malade
ça se comprend mais si je fainéante c'est autre chose
et elle ne veut pas de ça. Je lui ai dit qu'il me semblait que
j'étais malade.
J'essaie de lire un peu tous les jours, surtout des histoires, mais
je suis parfois obligé de lire plusieurs fois la même chose
parce que je ne comprends pas. Et il est difficile d'écrire.
Je sais qu'il faudrait que je vérifie tous les mots dans le dictionnaire
mais c'est difficile et je suis toujours si fatigué.
J'ai eu l'idée de n'employer que les mots faciles au lieu de
ceux qui sont longs et difficiles. Ça me fait gagner du temps.
Je mets des fleurs sur la tombe d'Algernon environ une fois par semaine.
Mrs Flynn pense que je suis fou de mettre des fleurs sur la tombe d'une
souris mais je lui ai dit qu'Algernon n'était pas une souris
comme les autres.
14 juillet. — C'est encore dimanche. Je n'ai plus
rien pour m'occuper maintenant parce que ma télévision
est cassée et je n'ai pas d'argent pour la faire réparer.
(Je crois que ce mois-ci j'ai perdu mon chèque de paie du labo.
Je ne me rappelle plus.)
J'ai des maux de tête terribles et l'aspirine ne me soulage pas
beaucoup. Mrs Flynn sait que je suis vraiment malade et elle est très
ennuyée pour moi. C'est une femme merveilleuse quand quelqu'un
est malade.
22 juillet. — Mrs Flynn a fait venir un docteur
pour m'examiner. Elle avait peur de me voir mourir. J'ai dit au docteur
que je n'étais pas très malade mais que j'oublie simplement
les choses. Il m'a demandé si j'avais des amis ou des parents
et j'ai dit que non je n'en ai pas. Je lui ai dit que j'avais un ami
qui s'appelait Algernon, mais c'était une souris et nous faisions
des courses tous les deux. Il m'a regardé d'un drôle d'air
comme s'il pensait que j'étais fou.
Il a eu un sourire quand je lui ai dit que j'avais été
un génie, il me parlait comme si j'étais un bébé
tout en faisant des clins d'oeil à Mrs Flynn. Je me suis mis
en colère et je l'ai chassé parce qu'il se moquait de
moi comme ils le faisaient tous autrefois.
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