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Sommaire.
Des Fleurs pour Algernon
Daniel Keyes1959
Conte randu — 5 mars 1961
Le Dr Strauss dit que je devrai écrire ce que je panse et tout ce qui
marive a partir de mintenan. Je sai pas pourquoi mais il dit que c'est inportan
pour qu'on voye si on peu manployé. J'espère qu'on poura. Miss
Kinnian dit que peutètre qu'on pourra me randre intelijan. Je veu être
intelijan. Je mapèle Charlie Gordon. J'ai 37 ans et y a 2 semaines
c'était mon aniversère. J'ai plu rien a écrire mintenan
alor je termine pour aujourdhui.
Conte randu 2.— 6 mars.
Aujourdhui on ma fait passé un test. Je croi pas que j'ai réussi
et je panse que peutètre qu'on mamployera pas. Ya un jeune homme qu'est
venu dans la chambre et il avait des cartes blanches avec plin d'ancre dessu.
Il a dit Charlie quesque tu voi sur cette carte. J'avai très peur malgré
que j'avai ma pate de lappin dans ma poche parsque quand j'étai gosse
je ratai toujour mes test a l'école et pui je ranversai de l'ancre
aussi.
Je lui ai dit que je voyai une tache d'ancre. Il a dit oui et sa ma fait plaisir.
Je pansai que c'était tout mais quand je me sui levé il ma arêté.
Il a dit assoi toi Charlie on a pas encore fini. Après je me rapele
pas si bien mais il voulait me faire dire ce qui y avait dans l'ancre. Je
voyai rien dans l'ancre mais il a dit qui y avait des imajes et que les autres
voyait des imajes. Moi je voyai pas d'imajes. J'ai vraiman essayé de
voir. J'ai regardé la carte de près et pui de loin. J'ai dit
que si j'avai mes lunète je pourai mieu voir je les porte juste au
ciné ou pour la télé mais j'ai di elle son dans le placar
dans le couloir. On me les a donné. Alor j'ai di faite moi voir cette
carte je pari que je vais trouvé maintenan.
J'ai bien essayé mais je pouvai toujour pas trouvé les imajes
Je voyai que l'ancre. Je lui ai di que peutêtre que j'ai besoin de changé
de lunète. Il a écrit quelque chose sur un papier et j'ai eu
peur de raté le test. Je lui ai di que c'était une belle tache
d'ancre avec des petits points tout autour. Il a eu lair triste et j'ai vu
que c'était pas sa. Je lui ai di laissé moi essayé ancore.
Je vai savoir dans quelques minutes parsque je conpran pas toujour vite. Je
li pas vite non plus dans la classe d'adultes de miss Kinnian mais j'essaye
tant que je peu.
Il ma fait ancore essayé avec une autre carte qui avait 2 sortes d'ancre
dessu rouje et bleu.
Il était très aimable et il parlait lanteman comme miss Kinnian
et il ma expliqué que c'était un test ror chaque. Il a dit que
les jans voyait des choses dans l'ancre. j'ai di montré moi ou sa.
Il ma dit de pansé. Je lui ai di Je panse une tache mais c'était
pas sa. Il a dit sa te rapèle quoi. Imagine quelque chose. J'ai fermé
les yeux lontant pour imaginé. Je lui ai di j'imagine un stilo avec
de l'ancre qui coule partous sur un tapi. Alor il s'est levé et il
est parti.
Je croi pas que j'ai réussi le test ror chaque.
Conte randu 3. — 7 mars.
Le Dr Strauss et le Dr Nemur dise que pour les taches sa fait rien. Je leur
ai di que j'ai pas renversé d'ancre sur les cartes et que je pouvai
rien voir dans l'ancre. Ils on dit que peutètre ils manployeron quan
même. J'ai dit que miss Kinnian ma jamais donné des test comme
sa elle me fait seulman lire et écrire. Ils on dit que miss Kinnian
a dit que j'étai son meyeur élève au cour du soir pour
les adultes parsque je fai tout ce que je peu et je veu vraiman aprandre.
Ils on dit coman sa se fait que ta été tout seul au cour du
soir Charlie. Coman que tu la trouvé. J'ai di que j'ai demandé
à des jans et quelquun ma dit ou je devrai allé pour aprandre
a lire et écrire comme y faut. Ils ont dit pourquoi que tu
voulais aprandre. J'ai di parsque toute ma vie j'ai voulu être intelijan
au lieu d'être bête. Mais c'est tres difficile d'être intelijan.
Ils on dit tu sais que ce sera probableman tant porère. J'ai di oui.
Miss Kinnian me l'a dit. Sa me fait rien si sa fait mal.
J'ai eu ancore d'autres tests idiots aujourdhui. La dame qui me les a fait
passés était jentille et elle ma dit coman sa sapèle
et je lui ai demandé coman sa sécrit pour que je le mète
dans mon corne randu. TEST D'APERCEPTION THEMATIQUE., Je conai pas ces 2 mots
mais je sais ce que sa veut dire test. Il faut le réussir ou on a des
mauvais points. Ce test avait lair facile parce que je pouvai voir les imajes.
Seulman cette fois elle me demandait pas de lui dire les imajes. Sa ma embrouyé.
J'ai di que l'homme d'hier voulait que je dise ce que je voyai dans l'ancre
mais elle a dit sa fait rien. Elle a dit faite des istoires sur les jans dans
les imajes.
Je lui ai di coman qu'on peut dire des istoires sur des jans qu'on a jamais
vu. J'ai di pourquoi je devrai dire des mansonjes. Je di plus jamais de mansonjes
parsque je sui toujour atrapé.
Elle ma dit que ce test et l'autre le ror chaque c'était pour connaître
la personalité. Ce que j'ai ri. J'ai di coman on peut conaitre sa d'après
des taches et des fotos. Elle s'est mise en colère et elle a rangé
ses imajes. Sa met égal. C'était idiot. Je croi que j'ai pas
réussi ce test la nonplu.
Après des hommes en blouse blanche mon anmené dans un autre
androit de lopital et ils mon donné un jeu. C'était comme une
course avec une souri blanche. Ils apelait la souri Algernon. Algernon était
dans une boite avec des tas de tournans qui faisait comme des murs et on ma
donné un crayon et un papier avec des lignes et des tas de cases. D'un
coté y avait DEPART et de l'autre coté ARRIVEE. Ils on dit que
c'était un abirinte et qu'Algernon et moi on avait le même abirinte
a faire. Je pouvais pas conprandre coman on pouvait avoir le même abirinte
si Algernon avait une boite et moi un papier mais j'ai rien di. Et pui j'avai
pas le tant parce que la course allait comancé.
Un des hommes avait une montre qu'il essayait de caché pour que je
la voye pas alor j'essayai de pas regardé et sa me randait nerveu.
En toucas ce test ma anbété plus que les autres parsqu'ils l'on
fait plu de 10 fois avec des abirintes diférant et Algernon a gagne
toutes les fois. Je savai pas qu'une souri c'était si intelijan. Algernon
est une souri blanche. Peutètre que les souris blanche son plus intélijante
que les autres.
Conte randu 4, — 8 mars.
Ils von manployé. Je suis si exité que je peu a peine écrire.
Le Dr Nemur et le Dr. Strauss on comancé par discuté. Le Dr
Nemur était au burau quan le Dr Srauss ma amené. Sa anbétait
le Dr Nemur de manployé mais le Dr Strauss lui a dit que miss Kinnian
me recomandait comme le meyeur de tous les élèves qu'elle avait.
J'aime bien miss Kinnian parsque c'est un très bon professeur. Et elle
a dit Charlie on va te donné ta chance. Si tu axepte cette expériance
tu pourra devenir intélijant. On sait pas si sa durera mais ya une
chance. C'est pour sa que j'ai di oui quanmème j'avai peur parsqu'elle
a dit que c'était une opération. Elle ma dit faut pas avoir
peur Charlie tu a tant de bonne volonté que je croi que tu le mérite
pluss que tous les autres.
Alor j'ai eu peur quand le Dr Nemur et le Dr Strauss en on discuté.
Le Dr Strauss a dit que j'avai quelque chose qui était très
bon. Il a dit que j'avai une bonne motivation. Je savai même pas que
j'avai sa. J'ai été fier quand il a dit que c'était pas
tout le monde avec un Q.I. de 68 qui avait cette chose. Je sai pas ce que
c'est ni ou je l'ai eu mais il a dit qu'Algernon l'avait aussi. La motivation
d'Algernon c'est le fromage qu'on met dans sa boite. Mais pour moi sa peu
pas être sa parsque j'ai pas manjé de fromage cette semaine.
Et alor il a dit au Dr Nemur quelque chose que je comprenai pas alor pandant
qu'ils parlait j'ai écri quelques mots que j'entendai.
Il a dit au Dr Nemur je sai que Charlie est pas ce que vous atandié
comme premier sujet de votre nouvelle espèce de supère intélek*
(j'ai pas pu saisir le mot). Mais la plupar des jans de son niveau mantal
son host* et ne veul pas coopé* ils son souvant apat* et difficiles
à atindre. Lui il a un caractère agréable il sintéresse
et il veut bien faire.
Le Dr Nemur a dit noublié pas qu'il sera le premier humin a avoir son
intélijance triplé par la chirurgie.
Le Dr Strauss a dit c'est juste. Regardé comme il a bien apri a lire
et a écrire pour son âge mantal c'est un exploi aussi grand que
si vous et moi on aprenai la téorie de la * vité dennstène
sans aide. Sa démontre une intanse motivation. C'est un exploi conparati*
sensa* je propose qu'on se serve de Charlie.
Je conprenai pas tous les mots et ils parlait trop vite mais on aurait dit
que le Dr Strauss était pour moi et l'autre non.
Alor le Dr Nemur a dit oui vous ave peutètre raison. On va se servir
de Charlie. Quan il a dit sa j'ai été si exité que j'ai
sauté et je lui ai séré la main parsquil était
bon pour moi. Je lui ai di merci docteur vous regréteré pas
de mavoir donné ma chance. Et je le panse comme je le disai. Après
l'opération je vai essayé d'être intélijan. Je
vais essayé vraiman.
Conte randu 5. — 10 mars.
J'ai peur. Des jans qui travaille ici et les infirmières et les autres
qui mon fait passé des tests son venu maporté des bonbons et
me souaité bonne chance. J'espère que j'aurai de la chance.
J'ai ma patte de lappin et ma pièce porte boneur et mon fer à
cheval. Seulman y a un chat noir qui a passé sur mon chemin quand je
suis venu a lopital. Le Dr Strauss dit faut pas être supère sticieu
Charlie c'est la siance. En toucas je garde ma patte de lappin sur moi.
J'ai demandé au Dr Strauss si je batrai Algernon dans la course après
l'opération et il a dit peutètre. Si l'opération réussi
je montreré a cette souri que je peu être aussi intélijan
qu'elle. Peutètre pluss. Et pui je pourai lire mieu et écrire
les mots comme y faut et savoir des tas de choses et être comme les
autres jans. Je veu être intélijan comme les autres. Si sa réussi
et si sa duré on poura rendre tout le monde intélijan.
On m'a rien donne a manjé ce matin. Je voi pas pourquoi de mangé
sa anpécherait de devenir intélijan. J'ai bien fin et le Dr
Nemur ma prit ma boite de bonbons. Ce Dr Nemur arête pas de raler. Le
Dr Strauss dit que je pourrai la revoir après l'opération. On
peu pas manjé avant une opération.
Compte rendu 6. — 15 mars.
L'opération ma pas fait mal. Il l'a faite pendant que je dormai. On
ma anlevé les bandajes que j'avai sur les yeux et sur la tête
pour que j'écrive un COMPTE RENDU. Le Dr Nemur qui a regardé
les premiers que j'ai fait dit que j'écri mal COMPTE et il ma dit coman
sa s'écrit et RENDU aussi. Il faut que j'essaye de m'en rapelé.
J'ai une mauvaise mémoire pour l'ortografe. Le Dr Strauss dit que c'est
bien d'écrire toutes les choses qui marive mais que, je devrai écrire
plus sur ce que je ressan et ce que je panse. Quand je lui ai di que je savai
pas coman faire pour pansé il ma dit d'essayé. Pandant que j'avai
mes bandajes sur les yeux, j'ai essayé de pansé. Rien n'est
arivé. Je sai pas a quoi pansé. Peutetre que si je le lui demande
il me dira que je peu pansé maintenan que je doi devenir intélijan.
A quoi panse les jans intélijans. A des choses Intéressantes,
je voudrais déjà conaitre des choses intéressantes.
Compte rendu 7. — 19 mars.
Il se passe rien. J'ai fait des tas de tests et plusieur courses avec Algernon.
Je peu pas soufrir cette souri. Elle me bat toujours. Le Dr Strauss dit qu'il
faut que je jou a ces jeus. Et il dit qun jour il faudra que je reface ces
tests. Ces taches d'encre sont stupides. Et ces images sont stupides aussi.
J'aime bien dessiner une image d'un homme et d'une famme mais je veu pas dire
de mensonges sur les gens.
J'ai eu mal a la tête a essayer de penser si fort. Je croyais que le
Dr Strauss était mon ami mais il m'aide pas. Il me dit pas quoi penser
ou quand je deviendrai intélijan. Miss Kinnian est pas venu me voir.
Je crois que c'est stupide aussi d'écrire ces compte rendu.
Compte rendu 8. — 23 mars
Je retourne travailler a l'usine. Ils ont dit qu'il valait mieu que je retourne
au travail mais que je devais dire a personne pourquoi j'avais été
opéré et que je devai revenir à l'hôpital une heure
tous les soirs après le travail. Ils vont me payer tous les mois pour
aprendre a être inteligent.
Je suis contant de retourner travailler parce que je m'ennui de mon travail
et de tous mes amis et qu'on s'amusait bien.
Le Dr Strauss dit que je devrai continuer a écrire des choses mais
pas tous les jours seulement quand je pense a quelque chose ou quand quelque
chose de spécial arrive. Il dit de ne pas me décourager parcequ'il
faut du tant. Il dit qu'il a falu lontant avec Algeron avant qu'elle deviene
3 fois plus intéligente qu'elle était avant. C'est pour sa qu'Algernon
me bat a chaque fois parce qu'elle a eu l'opération elle aussi. Sa
me console. Je pourai probablement faire l'abirinte plus vite qu'une souri
ordinaire. Peut être qu'un jour je batrai Algernon. C'est sa qui serait
chic. Jusqu'à maintenant on dirait qu'Algernon pourait être inteligente
pour toujours.
25 mars. — J'ai plus besoin d'écrire compte rendu dans le haut
mais simplement quand je le donne une fois par semaine au Dr Nemur. J'ai juste
a mètre la date. Sa gagne du tant.
On s'est bien amusé a l'usine aujourd'hui. Joe Carp a dit regarde ou
Charlie a été opéré quoiqu'ils ont fait à
Charlie ils lui ont mi un peu de cervèle. J'étais pour leur
dire mais je me suis rapelé que le Dr Strauss a dit non. Alors Frank
Reilly a dit quesque t'a fait Charlie t'a oublié ta clé et t'a
ouvert la porte avec ton crâne. Sa m'a fait rire. C'est des vrais amis
et ils m'aime.
Des fois quelqun dit regardé donc Joe ou Frank ou George qui fait son
Charlie Cordon. Je sais pas pourquoi ils dise sa mais ils ri toujours. Ce
matin Amos Borg qui est contremètre chez Donnegan a crié après
Ernie le gosse qui fait les courses et l'a apelé par mon non. Ernie
avait perdu un paquet. Il a dit Ernie pourquoi diable tien tu à faire
ton Charlie Gordon. Je conpran pas pourquoi il a dit sa. J'ai jamais perdu
de paquet.
28 mars. — Le Dr Strauss, est venu dans ma chambre cette nuit pour
voir pourquoi je suis pas venu ces deux jours comme je devais. Je lui ai dit
que je ne voulais plus faire la course avec Algernon. I1 a dit que c'est pas
la pène pour le moment mais que je devrais venir, il avait un cadau
pour moi mais pas a me donner seulement a me prêter. Je croyais que
c'était une petite télévision mais non. Il a dit que
je devais le mètre en marche quand je m'endormais. J'ai dit vous rigolé
pourquoi que je le ferai marcher quand je vais m'endormir. On a jamais vu
une chose comme sa. Mais il a dit que si je voulais devenir inteligent il
falait faire ce qu'il dit. Je lui ai répondu que je pense pas que je
devien inteligent mais il a mi sa main sur mon épaule et a dit Charlie
tu le voi pas encore mais tu devien de plus en plus inteligent. Tu le remarquera
pas avant un moment. Je pense qu'il était simplement aimable avec moi
pour que je sois contant parce que je suis pas plus inteligent qu'avant.
Ah j'allais presque oublier. Je lui ai demandé quand je pourai retourner
a l'école chez miss Kinnian. Il a dit que j'irai plus. Il dit que miss
Kinnian viendra a l'hôpital pour essayer de me donner des cours particuliés.
Je lui en voulais de pas être venu me voir quand j'ai été
opéré mais je l'aime bien alors peut être qu'on sera encore
amis.
29 mars. — Cette sacré télé m'a enpéché
de dormir toute la nuit. Comment est ce que j'aurais pu avec quelque chose
qui me braillait des idiocies dans les oreilles, et ces images idiotes ! Bondieu.
Je sais pas ce que sa raconte quand je suis debout alors comment est ce que
je peu le savoir quand je dor.
Le Dr Strauss dit que sa va. Il dit que mon cerveau aprend quand je dor et
que sa m'aidera quand miss Kinnian me donnera des lessons à l'hôpital
(mais j'ai trouvé que c'est pas un hôpital mais un laboratoire).
Je croi que tout sa c'est idiot. Si on peu devenir inteligent en dormant,
pourquoi les gens vont à l'école. Je croi pas que sa marchera.
Je regarde le programme du soir et le dernier programme à la télé
tout le tant et sa me rend pas inteligent. Peutètre qu'il faut dormir
en le regardant.
Compte rendu 9. — 3 avril.
Le Dr Strauss m'a montré comment mettre la télé pas fort
et maintenant je peux dormir. J'entends rien. Et je comprends toujours pas
ce qu'elle dit. Quelque fois je la refais marcher le matin pour voir ce que
J'ai apris sans m'en apercevoir pendant que je dormais. Miss Kinnian dit que
c'est peut être une autre langue ou autre chose. Mais presque toujour
sa a l'air d'être de l'américain. Sa parle si vite que miss Gold
qui était mon professeur en sizième je me rapèle qu'elle
parlait si vite que je pouvais pas la comprendre. J'ai dit au Dr Strauss a
quoi sa sert de devenir inteligent en dormant. Je veux être inteligent
quand je suis réveillé. Il dit que c'est pas la même chose
et que j'ai deux esprits. Il y a le subconscient et le conscient (c'est comme
sa qu'il faut l'écrire). Et l'un dit pas à l'autre ce qu'il
fait. Ils se parlent mème pas. C'est pour sa que je rêve. Et
ce que j'ai pu avoir des rêves idiots. Bondieu. Depuis cette télé
du soir. Le dernier dernier dernier dernier programme.
J'ai oublié de lui demander si c'était moi seulement ou tout
le monde qui avait deux esprits.
(Je viens de regarder le mot dans le dictionnaire que le Dr Strauss m'a donné.
Le mot est subconscient, adj. Qui se rapporte aux opérations mentales
non situées au niveau de la conscience; ex: conflit subconscient de
désirs.) Il y en a encore mais je ne sais pas ce que sa veut dire.
C'est pas un très bon dictionnaire pour des gens stupides comme moi.
En tout cas mon mal de tête dure depuis notre sortie. Mes copains de
l'usine Joe Carp et Frank Reilly m'ont invité a aller boire un cou
avec eux chez Muggsy. J'aime pas boire mais ils ont dit qu'on s'embêterait
pas. Je me suis bien amusé.
Joe Carp a dit que je devrai montrer aux filles comment je nétoye les
vécés à l'usine et il a été me chercher
un balai, je leur ai montré et tout le monde a ri quand j'ai dit que
Mr Donnegan dit que je suis le meyeur gardien qu'il a eu parce que j'aime
mon boulot et que je le fais bien et que je suis jamais en retard et que je
manque jamais sauf comme le jour de mon opération.
J'ai dit que miss Kinnian dit toujours Charlie faut être fier de ton
travail parce que tu le fais bien.
Tout le monde a ri et on s'est bien amusé et ils m'ont donné
a boire et Joe a dit Charlie est marant quand il est paf. Je sais pas ce que
sa veut dire mais tout le monde m'aime bien et on s'amuse. Je suis impaciant
d'être intéligent comme mes meilleurs amis Joe Carp et Frank
Reilly.
Je me rapele pas comment notre journée a fini mais je crois que j'ai
été acheter un journal et du café pour Joe et Frank et
que quand je suis revenu il y avait plus personne. Je les ai atendus tous
pendant lontant. Apres je me rapèle pas si bien mais je crois que j'ai
eu sommeil ou que j'ai été malade. Un flic m'a ramené
gentiment à la maison. C'est ma propriétaire Mrs Flynn qui me
l'a dit.
Mais j'ai mal à la tête et j'ai une grosse bosse au front et
je suis plein de noirs et de bleus. Je pense que j'ai du tomber mais Joe Carp
dit que c'est le flic ils battent les ivrognes quelques fois. Moi je crois
pas. Miss Kinnian dit que les flics sont la pour aider les gens. En tout cas
j'ai bien mal à la tête et partout et je suis mal fichu. Je crois
que je ne boirai plus jamais.
6 avril. —J'ai battu Algernon. Je ne savais même cas que je l'avais
battu avant que Burt me l'ai dit Burt c'est celui qui me fait passer les tests.
La deuzième fois j'ai perdu parce que j'étais si énervé
que je suis tombé de la chaise avant d'avoir fini. Mais après
sa je l'ai battu encore 8 fois. Je dois commencer a devenir intelligent pour
battre une souri aussi forte qu'Algernon. Mais je me sens pas plus intelligent.
Je voulais encore faire la course avec Algernon mais Burt a dit c'est assez
pour un jour. Ils me l'ont laissé prendre dans la main une minute.
Elle n'est pas méchante. Elle est douce comme une boule de coton. Elle
cligne les yeux et quand elle les ouvre ils sont noirs et rosés sur
les bords.
J'ai demandé si je peux lui donner à manger parce que sa m'enbêtait
de la battre à la course et je voulais être chic avec elle et
qu'on soye amis. Burt a dit non parce qu'Algernon est une souri très
spéciale qui a eu une opération comme moi et elle a été
le premier animal a rester intelligent si lontant. Il m'a dit qu'Algernon
est si intelligente que chaque jour on lui donne un test à faire pour
avoir sa nourriture. C'est une chose comme une sérure sur une porte
qui change chaque fois qu'Algernon entre pour manger et sa fait qu'il faut
qu'elle apprène toujours quelque chose de nouveau pour avoir sa nourriture.
Sa m'ennuyé parce que si un jour elle ne pouvait pas apprendre elle
aurait fin.
Je ne crois pas que c'est juste de vous faire faire un test pour manger. Qu'est
ce qu'il dirait le Dr Nemur si il fallait qu'il en passe un chaque fois qu'il
veut manger. Je crois que je vais être ami avec Algernon.
9 avril. — Ce soir après le travail miss Kinnian est venue au
laboratoire. Elle avait l'air contente de me voir mais pas rassurée.
Je lui ai dit ne vous tourmentez pas miss Kinnian je ne suis pas encore intelligent
et elle a ri. Elle a dit j'ai confiance en toi Charlie de la manière
que tu a travaillé si dur pour lire et écrire mieux que tous
les autres. En mettant les choses au pire tu en a pour quelques tants seulements
et tu fais quelque chose pour la siance.
Nous lisons un livre très difficile. J'ai encore jamais lu un livre
si difficile. Il s'appelle Robinson Crusoë c'est un omme qui est perdu
sur une île déserte. Il est intelligent et il invente des tas
de choses pour avoir une maison et à manger. Il est bon nageur. Seulement
sa me rend triste parce qu'il est tout seul et qu'il n'a pas d'amis. Mais
je pense qu'il doit y avoir quelqun d'autre sur l'ile parce qu'il y a une
image ou il est avec son drôle de paraplui en train de regarder des
enprintes de piés. J'espère qu'il aura un ami et qu'il ne sera
plus seul.
10 avril. — Miss Kinnian m'apprend à faire moins de fautes en
écrivant. Elle dit regarde un mot et ferme les yeux et répète
le sans arèt jusqua ce que tu t'en souviène. J'ai bien du mal
avec ceux qui finissen par ent, comme intelligent, qui se dit intelijan et
aiment et mangent qu'on prononce aime et mange au lieu de aiman et majan.
Sa m'enbrouye mais miss Kinnian dit qu'il ne faut pas chercher à comprendre
l'ortografe.
14 avril. — Fini Robinson Crusoë. Je veux savoir ce qui lui est
arrivé encore après mais miss Kinnian dit que c'est tout ce
qu'il y a. Pourquoi.
15 avril. — Miss Kinnian dit que j'apprends vite. Elle a lu quelques
Compte Rendus et elle m'a regardé drôlement. Elle dit que je
suis quelqu'un de bien et que je les étonerai tous. Je lui ai demandé
pourquoi. Elle a dit peu importe mais que je ne devrai pas être découragé
si je trouve que tout le monde n'est pas chic comme je crois. Elle dit que
pour quelqu'un que la nature a si peu gâté je fais mieux que
des tas de gens qui ne se servent pas de leur cerveau. J'ai dit que tous mes
amis sont intelligents mais gentis. Ils m'aiment bien et ils ne m'ont jamais
fait de méchanceté. A ce moment elle a eu quelque chose dans
l'euil et il a fallu qu'elle court au lavabo.
/ 6 avril — Aujourd'hui, j'ai apris, la virgule, voila une virgule
(,) c'est un point, avec une queu, miss Kinnian, dit que c'est important,
parce que, sa fait mieux, quand on écrit, elle dit, que quelqu'un,
peut perdre, des tas d'argent, si une virgule, n'est pas, à la, bonne
place, je n'ai pas, d'argent, et je ne vois pas, comme une virgule, vous empêche,
de le perdre.
Mais elle, dit, que tout le monde, se sert de virgules, alors moi aussi, je
m'en sers.
17 avril. — Je me suis mal servi des virgules. C'est la ponctuation.
Miss Kinnian m'a dit de chercher les mots longs dans le dictionnaire pour
apprendre à les écrire, j'ai dit qu'est ce que sa fait du moment
qu'on peut lire ce que j'écris. Elle a dit sa fait partie de l'éducation
alors maintenant je regarderai tous les mots que je ne sais pas comment écrire.
Sa prend lontant pour écrire comme sa mais je crois que je me rappelle
une fois que j'ai regardé une seule fois suffit. C'est comme sa que
j'ai pu écrire le mot ponctuation comme il faut. C'est comme sa dans
le dictionnaire. Miss Kinnian dit que le point est aussi une ponctuation,
et qu'il y a des tas d'autres signes à apprendre. Je lui ai dit que
je croyais que tous les points devaient avoir des queus mais elle a dit non.
II faut les mélanger, elle m'a montré ? comment « les
mélanger et (maintenant, je sais; mélanger ! toutes »
les sortes de ponctuation, dans ! ce que J'écris ?
Il -y a, des tas ! de règles ? à apprendre; mais je me les enfon'ce-dans
la tête.
Une chose que ? j'aime. Chère miss Kinnian : (c'est comme sa qu'on
écrit dans une lettre commerciale si je dois un jour faire du commerce)
c'est que, toujours elle me donne une raison « quand — je lui
demande. Miss Kinnian est un génie ! Je voudrais ! être aussi
intelligent » qu'elle; (La ponctuation, c'est; amusant !)
18 avril. — Que je suis bête ! Je n'avais même pas compris
de quoi elle parlait. J'ai lu la grammaire hier soir et tout y est expliqué.
Alors J'ai vu que c'était comme ce que miss Kinnian essayait de me
dire, mais je n'avais rien compris; je me suis levé au milieu de la
nuit et tout s'est mis en ordre dans mon esprit.
Miss Kinnian a dit qu'en marchant pendant que je dors la télé
a été très utile. Elle dit que j'ai attint un plateau.
C'est comme le sommet plat d'une montagne.
Quand j'ai eu compris comment on met la ponctuation, j'ai relu tous mes anciens
Comptes Rendus depuis le début. Sapristi ! quelle orthographe et quelle
ponctuation ! J'ai dit à miss Kinnian que je devrais tout relire et
corriger toutes les fautes, mais elle a dit. " Non, Charlie, le Dr Nemur
les veut comme ils sont. C'est pourquoi il a permis que tu les garde après
les avoir fait photocopier, pour que tu voies tes progrès. Tu avances
à grands pas, Charlie "
Ça m'a réconforté. Après la leçon je suis
descendu jouer avec Algernon. Nous ne faisons plus la course.
10 avril. — Je me sens tout malade à l'intérieur. Pas
malade à appeler te docteur, mais dans ma poitrine ça sonne
creux comme un tambour et ça me brûle en même temps.
Je ne voulais pas en parler, mais je crois qu'il le faut, parce que c'est
important. Aujourd'hui c'est la première fois que je n'ai pas été
travailler.
Hier soir Joe Carp et Frank Reilly m'ont invité à sortir. Il
y avait beaucoup de filles et quelques hommes de l'usine. Je me rappelais
comme j'avais été malade la dernière fois que j'avais
trop bu, alors j'ai dit à Joe que je ne voulais rien prendre. Il m'a
donné simplement un coca-cola. J'y ai trouvé un drôle
de goût, mais j'ai pensé que c'était parce que j'avais
mauvaise bouche.
On s'est bien amusé pendant un moment. Joe a dit que je devrais danser
avec Ellen, qu'elle m'apprendrait les pas. Je suis tombé plusieurs
fois et je ne comprenais pas pourquoi parce que personne ne dansait à
part Ellen et moi. Et tout le temps je trébuchais parce que le pied
de quelqu'un dépassait toujours.
Une fois, quand je me suis relevé, j'ai vu l'expression sur le visage
de Joe et ça m'a fait une étrange sensation au creux de l'estomac.
« Ce qu'il est tordant ! » a crié une des filles. Tout
le monde riait.
Frank a dit : « J'ai jamais tant ri depuis le soir où on l'a
envoyé chercher le journal chez Muggsy et où on l'a plaqué.
»
— Regardez-le. Il est rouge comme une pivoine.
— Il rougit. Charlie rougit.
— Dis donc Ellen, qu'est-ce que t'as fait à Charlie ? Je l'ai
jamais vu comme ça.
Je ne savais que faire ni où me tourner. Tout le monde me regardait
en riant et je me sentais comme si j'avais été tout nu. Je voulais
me cacher. Je suis sorti dans la rue en courant et j'ai vomi. Puis je suis
rentré à la maison. C'est drôle que je ne me sois jamais
aperçu que Joe, Frank et les autres aiment m'avoir là pour se
moquer de moi.
Maintenant je sais ce qu'ils veulent dire par « faire le Charlie Gardon
». J'ai honte.
Compte rendu 30. — 21 avril.
Je n'ai pas été à l'usine aujourd'hui non plus. J'ai
dit à ma propriétaire, Mrs Flynn, de téléphoner
à Mr Donnegan que j'étais malade. Mrs Flynn me regarde drôlement
depuis peu, on croirait qu'elle a peur de moi.
Je crois que c'est une bonne chose de m'être aperçu que les autres
aiment rire de moi. J'y ai beaucoup réfléchi. C'est parce que
je suis bête et que je ne m'aperçois même pas quand je
fais une bêtise. Les gens trouvent amusant que quelqu'un de bête
ne puisse parvenir à faire les choses comme eux.
En tout cas, je sais maintenant que je deviens chaque jour plus intelligent.
Je connais la ponctuation et je peux écrire presque sans fautes, j'aime
chercher tous les mots difficiles dans le dictionnaire et quand je les ai
vus je m'en souviens. Je lis beaucoup maintenant et miss Kinnian dit que je
lis très vite. Parfois, je comprends même ce que je lis et ça
reste dans mon esprit. Il y a des fois où je peux fermer les yeux et
penser à une page et elle m'apparaît comme une photographie.
En plus de l'histoire, de la géographie et de l'arithmétique,
miss Kinnian dit que je devrais commencer à apprendre quelques langues
étrangères. Le Dr Strauss m'a donné quelques autres bandes
magnétiques à faire passer pendant que je dors. Je ne comprends
toujours pas comment fonctionne cet esprit conscient et inconscient, mais
le Dr Strauss dit de ne pas me tourmenter. Il m'a fait promettre de ne pas
lire de livres de psychologie quand je commencerai mes études secondaires.
la semaine prochaine — en tout cas pas avant qu'il ne m'en autorise
la lecture.
Je me sens beaucoup mieux aujourd'hui, mais je crois que je suis encore un
peu en colère de ce que tout le temps les gens riaient et se moquaient
de moi parce que j'étais bête. Quand je serai devenu intelligent
comme l'affirme le Dr Strauss, avec trois fois mon Q.I de 68, alors peut-être
que je serai comme tout le monde et que ici les gens m'aimeront et seront
gentils avec moi.
Je ne sais pas très bien ce que c'est qu'un Q.I. Le Dr Nemur dit que
c'est quelque chose qui mesure l'intelligence qu'on a — comme une balance
pour peser les marchandises au drugstore. Mais le Dr Strauss a eu une grande
discussion avec lui et il a dit que le Q.I ne mesurait pas du tout l'intelligence.
Il a dit qu'un Q.I. indiquait jusqu'à quel point on pouvait devenir
intelligent comme les chiffres l'extérieur d'un verre gradué,
il reste à remplir le verre.
Ensuite, quand j'ai demandé à Burt qui me fait passer mes tests
d'intelligence et qui travaille avec Algernon, il a déclaré
qu'ils avaient tort tous les deux mais il a fallu que je lui promette de ne
pas le leur répéter. Burt prétend que le Q.I. mesure
des tas de choses différentes, y comprit certaines choses qu'on a déjà
apprises, et que ça n'est vraiment d'aucune utilité.
Ainsi, je ne sais toujours pas ce que c'est qu'un Q.I.. sauf que le mien va
bientôt dépasser 200. Je n'ai rien voulu dire, mais je ne vois
pas comment, s'ils ne savent pas ce que c'est ni où cela se trouve...
je ne vois pas comment ils peuvent savoir combien on peut en avoir.
Le Dr Nemur dit qu'il faut que je passe un Test de Rorschach demain. Je me
demande ce que cela peut être.
21 avril. —J'ai trouvé ce que c'est qu'un Rorschach. C'est le
test que j'ai subi avant l'opération : celui avec des taches d'encre
sur les morceaux de carton. L'homme qui me l'a fait passer était le
même que la première fois.
J'avais une peur mortelle de ces taches. Je savais qu'il allait me demander
de trouver des images et je savais que je n'en serai pas capable. Je pensais
à part moi si seulement il existait un moyen de savoir quelles sortes
d'images sont cachées là-dedans. Peut-être n'y en a-t-il
pas du tout. Peut-être n'est-ce qu'un truc pour voir si je suis assez
bête pour chercher quelque chose d'inexistant. Rien que d'y penser j'étais
en colère après cet homme.
— Voyons, Charlie, dit-il, tu as déjà vu ces cartes, tu
te rappelles ?
— Bien sûr que je me rappelle. De la façon dont je l'ai
dit, il a vu que j'étais en colère et il a paru surpris.
— Oui. bien sûr. Maintenant je voudrais que tu regardes ceci.
Qu'est-ce que ça pourrait être ? Que vois-tu sur cette carte?
Les gens voient toutes sortes de choses dans ces taches d'encre. Dis-moi ce
que ça pourrait être pour toi — à quoi ça
te fait penser.
J'étais outré. Ce n'était pas du tout ce que j'attendais
qu'il dise.
— Vous voulez dire qu'il n'y a pas d'images cachées dans ces
taches d'encre ?
Il fronça les sourcils et enleva ses lunettes.
— Quoi ?
— Des images. Cachées dans les taches. La dernière fois
vous m'avez dit que tout le monde pouvait les voir et vous avez voulu que
je les trouve aussi. II m'expliqua que la dernière fois il s'était
servi à peu près des mêmes mots. Je n'en croyais rien
et je soupçonne toujours qu'il m'a induit en erreur juste pour s'amuser.
A moins que — je ne sais plus — est-ce que j'aurais pu être
faible d'esprit à ce point ?
Nous regardâmes lentement les cartes. Sur une, on aurait dit deux chauves-souris
tirant sur quelque chose. Sur une autre, deux hommes se battant au sabre.
J'imaginai toutes sortes de choses. Je crois que je me laissai emporter par
mon imagination. Mais je n'avais plus confiance en cet homme et tournai les
cartes en tous sens et regardai même au dos pour voir s'il y avait quelque
chose que j'étais censé découvrir. Pendant qu'il prenait
des notes, je jetai un coup d'œil en coin sur son papier. Mais tout était
en code et ressemblait a peu près à ceci : WF+A Ddf—AD
orig. WF—ASF+obj
Ce test me semble n'avoir ni queue ni tête. A mon avis n'importe qui
pourrait inventer des histoires sur des choses qu'il ne voit pas en réalité.
Comment aurait-il pu savoir que je me moquais de lui en mentionnant des choses
que je n'imaginais pas? Peut-être aurai-je une explication quand le
Dr Strauss me laissera lire des livres sur le psychologie.
25 avril. — J'ai imaginé une nouvelle façon de disposer
les machines à l'usine et Mr Donnegan dit qu'avec l'économie
de main-d'œuvre et la production accrue, il y gagnera des dizaines de
milliers de dollars. Il m'a accordé une prime de $ 25.
Je voulais payer à déjeuner à Joe Carp et à Frank
Reilly pour célébrer l'événement mais Joe me dit
qu'il avait des achats à faire pour sa femme et Frank, qu'il déjeunait
avec un cousin. Je crois qu'il leur faudra un certain temps pour s'habituer
aux changements qui se sont produits en moi. Tout le monde semble avoir peur
de moi. Quand je me suis approché d'Amos Borg et que je lui ai tapé
sur l'épaule, il a sursauté.
Les gens ne me parlent plus beaucoup et ils ne me font plus marcher comme
avant, aussi je me sens un peu seul en travaillant.
27 avril. — Aujourd'hui je me suis armé de courage et j'ai demandé
à miss Kinnian de dîner avec moi demain pour fêter l'octroi
de cette prime.
Pour commencer, elle se demanda si elle pouvait accepter, mais j'ai demandé
au Dr Strauss et il a déclaré qu'il n'y voyait pas d'objection.
Le Dr Strauss et le Dr Nemur ne semblent pas s'entendre. Ils n'arrêtent
pas de discuter. Ce soir, quand je suis entré demander au Dr Strauss
si je pouvais emmener miss Kinnian dîner avec moi, je les ai entendus
crier. Le Dr Nemur disait que c'était son expérience et ses
recherches, et le Dr Strauss lui répondait en criant que son rôle
à lui était tout aussi important, parce que c'était lui
qui m'avait découvert en s'adressant à miss Kinnian et qui m'avait
opéré. Le Dr Strauss dit qu'un jour viendrait où des
milliers de neurochirurgiens pourraient utiliser sa technique dans le monde
entier.
Le Dr Nemur voulait publier les résultats de l'expérience à
la fin du mois. Le Dr Strauss voulait attendre encore un peu pour être
sûr. Le Dr Strauss disait que le Dr Nemur s'intéressait plus
à la chaire de psychologie de Princeton qu'à l'expérience.
Le Dr Nemur accusait le Dr Strauss de n'être qu'un opportuniste cherchant
à acquérir de la gloire a ses dépens.
Quand je suis parti, je tremblais. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais
c'était comme si j'avais vu les deux hommes clairement pour la première
fois. Je me rappelle avoir entendu Burt dire que le Dr Nemur était
marié à une mégère qui le tarabustait sans cesse
pour qu'il ait des ouvrages publiés et qu'il devienne célèbre.
Burt dit que le rêve de cette femme était d'avoir un mari important,
Le Dr Strauss essayait-il réellement de lui voler la gloire qui lui
revenait ?
28 avril. — Je ne comprends pas pourquoi je n'avais jamais remarqué
comme miss Kinnian est belle. Elle a des yeux marron et des cheveux bruns
et soyeux qui lui descendent jusque sur la nuque. Et elle n'a que trente-quatre
ans ! Je crois que, dès le début, j'ai eu l'impression qu'elle
était un génie inaccessible et qu'elle était très,
très vieille. Maintenant, chaque fois que je la vois elle me paraît
plus jeune et plus ravissante.
Nous avons dîné ensemble et avons longuement parlé. Quand
elle dit que je faisais de si rapides progrès que bientôt je
la laisserais loin derrière. Je me suis mis à rire.
— C'est vrai. Charlie. Tu es déjà meilleur lecteur que
moi. Tu peux lire une page entière d'un coup d'œil alors que je
ne peux en lire que quelques lignes à la fois. Et tu te rappelles tout
ce que tu as lu dans les moindres détails. Moi je suis heureuse quand
je peux me rappeler les idées principales et le sens général.
— Je n'ai pas l'impression d'être intelligent. Il y a tant de
choses que je ne comprends pas.
Elle prit une cigarette et je la lui allumai.
— Il faut avoir un peu de patience. Tu as accompli en des jours et des
semaines ce qu'il faut à des gens normaux la moitié d'une vie
pour accomplir. C'est ce qui rend cela si stupéfiant. Tu es maintenant
comme une éponge géante qui s'imbibe de choses. De faits, de
chiffres, de connaissances générales. Et bientôt tu
commenceras à faire la liaison entre tout cela. Tu verras comment les
différentes branches du savoir sont apparentées. Il y a de nombreux
paliers, Charlie; c'est comme les degrés d'une échelle géante
que tu gravis pour voir des étendues de plus en plus grandes du monde
qui t'entoure.
Je n'en puis voir qu'une petite partie, Charlie, et je ne monterai guère
plus haut, mais toi tu continueras de grimper de plus en plus et chaque échelon
te fera découvrir des horizons nouveaux dont tu ne soupçonnais
même pas l'existence.
Elle fronça les sourcils.
— J'espère... J'espère simplement avec ferveur...
— Quoi ?
— Peu importe, Charlie. J'espère simplement que je n'ai pas eu
tort de te conseiller au début de t'engager sur cette voie. Je me mis
à rire.
— Comment serait-ce possible ? Ça a marché, n'est-ce pas
? Même Algernon elle-même est toujours intelligente.
Nous restâmes assis en silence pendant un moment et je savais ce qu'elle
pensait tandis qu'elle m'observait jouant avec la chaîne de ma patte
de lapin et mes clés. Je ne voulais pas plus penser à cette
possibilité que les gens âgés ne veulent penser à
la mort. Je savais que ce n'était que le commencement. Je savais ce
qu'elle voulait dire au sujet des échelons parce que j'en avais déjà
parcouru quelques-uns. La pensée de la laisser derrière moi
me rendait triste. Je suis amoureux de miss Kinnian.
Compte rendu , —30 avril.
J'ai quitté mon emploi à la Fabrique de Boîtes en Plastique
Donnegan. Mr Donnegan m'a fait comprendre avec insistance qu'il vaudrait mieux
pour tout le monde que je m'en aille. Qu'ai-je fait pour qu'ils me détestent
à ce point ?
La première fois que je m'en suis aperçu, c'est quand Mr Donnegan
m'a montré la pétition. Huit cent quarante noms, tous ayant
quelque chose à voir avec l'usine. Seule Fanny Girden n'avait pas signé.
D'un simple coup d'œil sur la liste, j'ai vu tout de suite que son nom
était le seul manquant. Tous les autres exigeaient mon renvoi.
Joe Carp et Frank Reilly ne voulurent pas m'en parler. Personne d'autre ne
voulut non plus, sauf Fanny. Elle était l'une des rares personnes que
je connusse à ne pas varier dans ses opinions quoi que pût
faire, dire ou prouver le reste du monde — et Fanny ne croyait pas que
j'aurais dû être congédié. Elle avait été
contre la pétition par principe, et ni la pression ni les menaces n'avaient
pu la faire revenir sur son opinion.
— Ce qui ne signifie pas, me fit-elle observer, que je ne pense pas
qu'il y ait en toi quelque chose de véritablement étrange, Charlie.
Ces changements me laissent perplexe. Tu étais un homme comme les autres,
tu étais sympathique et digne de confiance, peut-être pas très
vif d'esprit, mais honnête. Qui sait comment tu t'y es pris pour devenir
si intelligent tout d'un coup ? Comme tout le monde le dit ici, Charlie, ce
n'est pas normal.
— Mais comment pouvez-vous dire cela, Fanny ? Qu'y a-t-il de mal à
ce qu'un homme devienne intelligent et désire acquérir des connaissances
et comprendre le monde autour de lui ?
Elle baissa les yeux sur son travail et je me préparai à m'en
aller. Sans me regarder, elle dit :
— C'était mal quand Eve a écouté le serpent et
a goûté le fruit de l'arbre de la connaissance. C'était
mal quand elle a vu qu'elle était nue. Sans cela, aucun de nous n'aurait
eu à connaître la vieillesse, la maladie ni la mort.
Une fois encore, je sens maintenant la honte me brûler à l'intérieur.
Cette intelligence a creusé un fossé entre moi et ceux que je
connaissais et aimais naguère. Avant, ils riaient de moi et me méprisaient
à cause de mon ignorance et de ma stupidité; maintenant, ils
me détestent à cause de mes connaissances et de ma compréhension
des choses. Pour l'amour de Dieu, qu'attendent-ils donc de moi ?
On m'a chassé de l'usine. Maintenant, je suis plus seul que jamais...
15 mai. — Le Dr Strauss est très en colère après
moi parce que je n'ai pas rédigé un seul compte rendu en quinze
jours. Sa colère est justifiée parce que le labo me paie maintenant
un salaire régulier. Je lui ai dit que j'étais trop occupé
à méditer et à lire. Lui ayant fait remarquer qu'écrire
était pour moi lent et énervant parce que j'ai une vilaine écriture,
il m'a suggéré d'apprendre à laper à la machine.
Je peux écrire beaucoup plus facilement désormais, parce que
j'arrive à dactylographier près de soixante-quinze mots à
la minute. Le Dr Strauss ne cesse de me recommander de parler et d'écrire
le plus simplement possible pour que les gens puissent me comprendre.
Je vais essayer de passer en revue tout ce qui m'est arrivé depuis
quinze jours, Algernon et moi-même avons été présentés
à l'Association des Psychologues Américains siégeant
en congrès avec l'Académie Universelle de Psychologie mardi
dernier. Nous avons vraiment fait sensation. Le Dr Nemur et le Dr Strauss
étaient fiers de nous.
Je soupçonne le Dr Nemur qui a soixante ans (dix ans de plus que le
Dr Strauss), de tenir absolument à voir les résultats tangibles
de ses travaux. Il subit sans aucun doute une pression de la part de Mrs Nemur.
Contrairement à l'impression que je m'étais faite de lui tout
d'abord, je me rends compte que le Dr Nemur n'a rien d'un génie. Il
a un esprit très développé, mais constamment en proie
au doute. Il veut que le monde le prenne pour un génie. C'est pourquoi
il est important pour lui d'avoir le sentiment que ses travaux sont acceptés
par le monde. Je crois que le Dr Nemur craignait de nouveaux retards parce
que quelqu'un aurait pu faire une découverte dans ce domaine et lui
enlever le droit à la reconnaissance publique.
Le Dr Strauss, en revanche, pourrait être qualifié de génie,
encore que j'aie l'impression que sa culture n'est pas assez étendue.
Il a été éduqué dans la tradition d'une étroite
spécialisation; les aspects plus larges d'une solide culture générale
ont été beaucoup trop négligés —même
pour un neurochirurgien. J'ai été vivement étonné
d'apprendre que les seules langues anciennes qu'il pût lire étaient
le latin, le grec et l'hébreu, et qu'il ne connaît presque rien
des mathématiques au-delà des niveaux élémentaires
du calcul des variations. Quand il me l'a avoué, j'en ai été
presque ennuyé. Ce fut comme s'il avait caché cette partie de
lui-même afin de me tromper, en prétendant être ce qu'il
n'est pas — ainsi que le font bien des gens, d'après ce que j'ai
découvert. Je ne connais personne qui soit ce que l'on pourrait croire
d'après les apparences.
Le Dr Nemur paraît mal à l'aise en ma présence. Parfois,
quand j'essaye de qui parler, il me regarde d'une façon bizarre et
se détourne. J'ai été en colère au début,
quand le Dr Strauss m'a dit que je donnais au Dr Nemur un complexe d'infériorité.
Je croyais qu'il se moquait de moi et je suis sensible à l'excès
de la moquerie.
Comment pouvais-je savoir qu'un psycho-expérimentaliste hautement respecté
comme Nemur n'avait aucune connaissance de l'hindoustani ni du chinois ? C'est
absurde quand on songe aux travaux actuellement en cours en Inde et en Chine
justement dans sa spécialité.
J'ai demandé au Dr Strauss comment Nemur pouvait réfuter les
attaques de Rahajamati contre sa méthode et ses résultais s'il
n'était même pas d'abord en mesure de les lire. L'étrange
expression que prit le visage du Dr Strauss ne peut avoir qu'une des deux
significations suivantes : ou bien il ne veut pas dire à Nemur ce qu'on
pense de ses travaux aux Indes, ou bien (et cela m'inquiète) le Dr
Strauss n'en sait rien non plus. Il faut que je prenne soin de parler et d'écrire
clairement et simplement pour que les gens ne soient pas portés à
rire.
18 mai. — Je suis très troublé. J'ai vu miss Kinnian
hier soir pour la première dois depuis plus d'une semaine. Je m'efforce
d'éviter toute discussion de concepts intellectuels et de maintenir
la conversation sur le plan de tous les jours, mais elle m'a regardé
d'un air étonné et m'a demandé ce que j'entendais par
l'équivalent d'une variation mathématique dans le Cinquième
concerto de Dobermann.
Quand j'essayai de le lui expliquer, elle m'arrêta et partit à
rire. Je crois que je me suis mis en colère, mais je suppose que je
ne me place pas sur le même plan qu'elle. Quel que soit le sujet que
j'essaie d'aborder avec elle, je ne parviens pas à communiquer. Il
faudra que je revoie les équations de Vrostadt sur les Paliers de la
Progression Sémantique. Je constate que je ne communique plus beaucoup
avec les gens. Heureusement que j'ai les livres, la musique et quantité
de sujets de méditation. La plupart du temps, je suis seul dans mon
appartement de la pension de famille de Mrs Flynn et je parle rarement à
qui que ce soit.
30 mai. — Je n'aurais pas remarqué le nouveau plongeur du restaurant
du coin de la rue où je vais dîner, un garçon d'environ
seize ans, s'il n'y avait eu l'incident de la vaisselle cassée.
Les assiettes lui échappèrent et dégringolèrent
sur le plancher, envoyant des morceaux de faïence blanche sous les tables.
Le jeune homme restait là, ahuri et épouvanté, le plateau
vide dans ses mains. Les exclamations et les quolibets des clients, les cris
de "Faites chauffer la colle ! "... "Bon mon vieux ! si c'est
comme ça que tu fais des bénéfices ! " ,"Eh
bien, en voilà un qui va pas travailler longtemps ici... " qui
semblent suivre invariablement le bris de verres ou de vaisselle dans un restaurant,
tout cela parut le jeter dans une profonde confusion.
Quand le propriétaire arriva pour voir la cause de l'agitation. Le
garçon baissa la tête comme s'il s'attendait à être
frappé et leva ses bras repliés comme pour parer le coup.
— C'est bon ! C'est bon ! grand nigaud, cria le propriétaire,
ne reste pas planté là ! Va plutôt chercher le balai et
ramasse ce gâchis. Un balai... un balai, idiot ! Il est dans la cuisine.
Ramasse tous les morceaux.
Le garçon comprit qu'il ne serait pas puni. Son expression d'effroi
disparut et quand il revint avec le balai, il avait le sourire aux lèvres
et fredonnait. Quelques-uns des clients les plus bruyants continuèrent
de faire des remarques facétieuses à ses dépens.
— Dis donc, fiston, t'en oublies un morceau là-bas derrière
toi...
— Et voilà, y a plus qu'à recommencer...
— Il est pas si bête, dans le fond. C'est plus facile de les casser
que de les laver...
Comme son regard vide d'expression errait sur la foule des spectateurs amusés,
la contagion de leurs sourires le gagna un peu et sa bouche se fendit finalement
en une grimace mal assurée qui indiquait clairement qu'il ne comprenait
pas le ridicule de la situation. . .
Mon cœur se serra tandis que j'observais son sourire disloqué,
hébété, et ses yeux dilatés et brillants d'enfant
inquiet, mais soucieux de satisfaire tout le monde. On se moquait de lui parce
qu'il était mentalement retardé. Et moi aussi, je m'étais
moqué de lui. Soudain, j'entrai en fureur contre moi-même et
contre tous ceux qui le regardaient en lui souriant d'un air affecté.
Je me levai et criai :
— Ça suffit ! Fichez-lui la paix ! Ce n'est pas sa faute s'il
ne peut comprendre ! S'il est ainsi, il n'y peut rien ! Mais, bon Dieu! c'est
un être humain !
Le silence se fit dans la salle. Je me maudis aussitôt d'avoir perdu
mon sang-froid et causé du scandale, j'essayai de ne pas regarder le
jeune garçon tandis que je réglais mon addition et sortais sans
avoir touché à mon repas. Je me sentais honteux pour lui et
pour moi.
Comme il est étrange que des gens sincères et sensibles, que
l'idée n'effleurerait pas de se moquer d'un homme privé de ses
membres ou de ses yeux, ne songent qu'à se montrer cruels envers un
faible d'esprit ! J'étais furieux à la pensée que, peu
de temps encore auparavant, j'avais joué le même rôle de
bouffon que ce garçon.
Et maintenant j'avais presque oublié. J'avais dissimulé à
mes propres yeux l'image de l'ancien Charlie Gordon parce que, maintenant
que j'étais intelligent, c'était devenu un souvenir à
chasser de mon esprit. Mais aujourd'hui, en regardant ce garçon. Je
voyais pour la première fois ce que j'avais été. J'avais
été exactement comme lui!
Je n'ai compris que depuis peu que les gens se moquaient de moi. Et voilà
que, sans en avoir conscience, Je m'étais joint aux autres pour rire
de ce que j'étais. C'est cela qui me blesse le plus.
J'ai relu plus d'une fois mes comptes rendus et j'ai été frappé
par l'ignorance, la naïveté et la puérilité qui
les caractérisent. J'ai revu cet esprit obtus, environné de
ténèbres, cherchant à capter un filet de la lumière
éblouissante baignant le monde extérieur. Je vois que, même
dans ma stupidité, je me rendais compte que j'étais inférieur
et que les autres possédaient quelque chose qui me manquait, quelque
chose qui m'était refusé. Dans ma torpeur mentale, je pensais
qu'il s'agissait d'une chose ayant un rapport avec l'aptitude à lire
et écrire et j'étais persuadé que, si je pouvais acquérir
ces capacités, j'aurais automatiquement l'intelligence.
Même un faible d'esprit aspire à être semblable aux autres
: Un enfant peut ne pas savoir comment se nourrir, ni ce qu'il lui faut manger,
et cependant il connaît la faim.
C'est donc ainsi que j'étais. Je ne m'en étais jamais douté.
Même avec l'acuité intellectuelle dont je suis maintenant pourvu,
je ne m'en étais pas encore vraiment rendu compte.
Cette journée a été salutaire pour moi. Avec une plus
claire vision du passé, j'ai décidé d'employer mes connaissances
et mes facultés à travailler à l'élévation
du niveau intellectuel de mes semblables.
Qui serait mieux équipé que moi, pour cette tâche ? Qui
d'autre a vécu dans ces deux mondes ? L'humanité a besoin de
moi. Je dois utiliser mes talents nouvellement acquis pour faire quelque chose
pour elle.
Demain, je m'entretiendrai avec le Dr Strauss de la façon dont je puis
travailler dans ce domaine. Il se peut que je sois en mesure de l'aider à
résoudre le problème de l'application généralisée
de la technique expérimentale sur moi. J'ai plusieurs bonnes idées
personnelles.
Une telle technique permettrait d'obtenir des résultats stupéfiants.
Si on a pu faire de moi un génie, que ne pourrait-on faire avec des
milliers d'autres comme moi ? Quels niveaux fantastiques atteindrait-on en
appliquant cette technique à des gens normaux ? Et à ceux qui
seraient déjà des génies au départ ?
Il y a tant de portes à ouvrir. Je suis impatient de commencer.
Compte rendu 12. — 23 mai C'est arrivé aujourd'hui. Algernon
m'a mordu. J'étais allé au labo pour la voir, comme je le fais
de temps à autre et, quand je l'ai prise dans sa cage, elle m'a planté
ses dents dans la main. Je l'ai remise en place et je l'ai observée
un moment. Contrairement à son habitude, elle était agitée
et mauvaise.
24 mai. — Burt, qui a la charge des animaux d'expérience, me
dit qu'un changement se produit chez Algernon. Elle est moins disposée
à coopérer; elle refuse de parcourir le labyrinthe; sa motivation
générale a diminué. Et elle ne mange plus. Tout le monde
s'interroge anxieusement sur ce que cela peut signifier.
25 mai. — On a nourri Algernon, qui refuse maintenant de résoudre
le problème de la serrure. Chacun m'identifie à Algernon. D'un
certain sens, nous sommes tous les deux les premiers de notre sorte. Tout
le monde prétend que le comportement d'Algernon n'est pas nécessairement
une indication du mien. Mais il est difficile de dissimuler le fait que certains
des autres animaux utilisés dans cette expérience se comportent
étrangement eux aussi.
Le Dr Strauss et le Dr Nemur m'ont demandé de ne plus venir au labo.
Je sais ce qu'ils pensent, mais je ne puis l'accepter, je poursuis l'élaboration
de mes plans en vue de pousser leurs recherches plus avant. Malgré
tout le respect que je dois à ces deux savants, je me rends fort bien
compte des limites de leurs capacités. S'il y a une solution, c'est
à moi de la trouver. Le temps est subitement devenu très important
pour moi.
29 mai. — On m'a donné un laboratoire pour moi seul et l'on
m'a autorisé à poursuivre mes recherches, je suis en voie de
découvrir quelque chose. Je travaille jour et nuit. je me suis fait
installer un lit dans le labo. Ce que j'écris, ce sont surtout des
notes que je conserve dans une chemise séparée, mais, de temps
à autre. j'éprouve le besoin de coucher sur le papier mes pensées
et mes états d'âme, par simple habitude.
Le calcul de l'intelligence est pour moi une fascinante étude. C'est
là que je puis appliquer toutes les connaissances que j'ai acquises.
D'une certaine manière, c'est le problème auquel j'ai été
intéressé toute ma vie.
31 mai. — Le Dr Strauss trouve que je travaille trop. Le Dr Nemur dit
que j'essaie de faire tenir en quelques semaines une vie entière de
recherches et de pensées. Je sais que je devrais me reposer, mais je
suis poussé par quelque chose d'intérieur qui ne veut pas me
laisser arrêter. Il faut que je trouve la raison de la brusque régression
d'Algernon. Il faut que je sache si et quand cela m'arrivera.
LETTRE AU Dr STRAUSS (copie)
Cher Dr Strauss,
Je vous envoie sous pli séparé un exemplaire de mon rapport
intitulé: "L'effet Algernon-Gordon : Etude de la structure et
des fonctions de l'intelligence accrue." Vous me feriez plaisir en le
lisant et en le faisant publier.
Comme vous le voyez, mes expériences sont terminées. J'ai fait
figurer dans mon rapport toutes mes formules ainsi que, en annexe, l'analyse
mathématique. Il est évident que tout ceci devrait faire l'objet
de vérifications pratiques.
Etant donné leur importance pour vous et pour le Dr Nemur (et, est-il
besoin de le dire, pour moi aussi ?) j'ai vérifié et revérifié
mes résultats une douzaine de fois dans l'espoir de découvrir
une erreur. Je regrette de devoir dire que les résultats sont valables.
Toutefois, dans l'intérêt de la science, j'ai plaisir à
apporter ma petite contribution aux connaissances sur les fonctions de l'esprit
humain et les lois régissant l'augmentation artificielle de l'intelligence.
Je me rappelle vous avoir entendu dire un jour que l'échec d'une expérience
ou la preuve de l'inexactitude d'une théorie étaient aussi importants
pour l'avancement du savoir que pouvait l'être un succès. Je
sais maintenant que cela est vrai. Je regrette toutefois que ma propre contribution
en ce domaine doive être édifiée sur les cendres des travaux
de deux hommes que je tiens en si haute estime.
Salutations distinguées,
Charles GORDON.
Pièce jointe : rapport.
5 Juin. — II ne faut pas que je me laisse émouvoir. Les faits
et les résultats de mes expériences sont clairs et les aspects
les plus sensationnels de ma rapide ascension ne peuvent dissimuler que la
multiplication par trois de l'intelligence, grâce à la technique
chirurgicale mise au point par les Drs Strauss et Nemur, doit être considérée
comme non applicable pratiquement (à l'heure actuelle) en vue de l'augmentation
de l'intelligence humaine.
En examinant les données recueillies au sujet d'Algernon, je vois que,
bien que physiquement encore dans son enfance, elle est revenue en arrière
mentalement. Son activité motrice est atteinte; on constate une réduction
générale de l'activité glandulaire et une perte accélérée
de la coordination.
On relève également de fortes indications d'amnésie progressive.
Comme on le verra dans mon rapport, ces effets et d'autres syndromes de dégradation
physique et mentale peuvent être prédits avec des résultats
statistiquement significatifs par l'application de ma formule.
Le stimulant chirurgical auquel nous avons tous deux été soumis
a déterminé une intensification et une accélération
de tous les processus mentaux. L'évolution imprévue, que j'ai
pris la liberté de nommer l'Effet Algernon-Gordon, est l'extension
logique de toute la stimulation de l'intelligence. L'hypothèse prouvée
ici doit être exprimée de façon simple dans les termes
suivants : l'intelligence artificiellement augmentée se dégrade
à une vitesse directement proportionnelle à l'augmentation en
cause.
J'ai l'impression que ceci est en soi, une importante découverte.
Aussi longtemps que je pourrai écrire, je continuerai d'enregistrer
mes pensées dans ces comptes rendus. C'est l'un de mes rares plaisirs.
Cependant, d'après toutes les indications, ma dégradation mentale
sera très rapide.
J'ai déjà commencé à constater des signes d'instabilité
émotionnelle et de perte de mémoire, premiers symptômes
d'épuisement.
10 juin. — La dégradation continue. Je suis devenu distrait.
Algernon est morte il y a trois jours. La dissection a montré que mes
prévisions étaient justes. Son cerveau avait perdu du poids,
il s'était produit un nivellement général des circonvolutions
cérébrales et les fissures étaient devenues plus profondes
et plus larges.
J'imagine que la même chose est en train de m'arriver ou m'arrivera
bientôt.
Maintenant que c'est un fait certain, je ne veux pas que cela arrive.
J'ai mis Algernon dans une boîte à fromage et je l'ai enterrée
dans la cour. J'ai pleuré.
15 juin. — Le Dr Strauss est revenu me voir. Je n'ai pas voulu lui
ouvrir et je lui ai dit de s'en aller; je veux qu'on me laisse tranquille.
Je suis devenu susceptible et irritable. Je sens l'obscurité qui se
referme sur moi. Il m'est difficile de rejeter des idées de suicide.
Je ne cesse de me dire combien sera important ce journal introspectif.
C'est une étrange sensation de prendre un livre qu'on a lu et qui vous
a plu quelques mois seulement auparavant et de découvrir qu'on ne s'en
souvient pas. Je me rappelle combien je tenais John Milton pour un grand poète,
mais quand j'ai pris le Paradis perdu, je n'ai pas pu le comprendre. Cela
m'a mis dans une telle colère que j'ai jeté le livre à
travers la pièce.
Il faut que j'essaie de m'accrocher, de retenir une partie de ce que j'ai
appris. Oh! mon Dieu, ne me reprenez pas tout !
19 juin. — Parfois, la nuit. Je me lève pour aller me promener.
La nuit dernière, je ne pouvais plus me rappeler où j'habitais.
Un policeman m'a ramené. J'ai l'étrange sensation que tout cela
m'est déjà arrivé — il y a très longtemps.
Je ne cesse de me dire que je suis la seule personne au monde qui puisse décrire
ce qui m'arrive.
11 juin. — Pourquoi ne puis-je me souvenir ? Il faut que je lutte.
Je reste au lit pendant des jours et je ne sais qui je suis ni où je
me trouve. Puis tout me revient dans un éclair. Accès d'amnésie.
Symptômes de sénilité — seconde enfance. Je les
vois arriver. C'est d'une logique si cruelle. J'ai appris tant de choses et
si vite! Maintenant mon esprit se dégrade rapidement. Mais je ne permettrai
pas que cela m'arrive. Je vais lutter. Je ne peux m'empêcher de me rappeler
le garçon du restaurant, son expression vide, son sourire stupide,
les gens qui riaient de lui. Non — par pitié — pas cela
de nouveau...
22 juin. — Je suis en train d'oublier des choses que j'ai apprises
récemment. Il semble que ce soit le processus habituel : les dernières
choses apprises sont les premières oubliées. Au fait, est-ce
bien ainsi que cela se passe ? Je ferais mieux de revoir dans le livre...
J'ai relu mon exposé sur l'Effet Algernon-Cordon et j'ai l'étrange
impression qu'il a été écrit par quelqu'un d'autre. Il
y a des passages que je ne suis même pas capable de comprendre.
Mon activité motrice est atteinte. Je trébuche constamment sur
des choses et il me devient de plus en plus difficile de taper à la
machine.
.
23 juin. — J'ai complètement abandonné la machine à
écrire. Ma coordination est mauvaise. Je sens que mes mouvements deviennent
de plus en plus lents. J'ai eu un choc terrible aujourd'hui. J'ai pris un
article que j'utilisais dans mes recherches : " Ueber psycbishe Ganzheit
" de Krueger, pour voir si cela pourrait m'aider à comprendre
ce que j'avais fait. J'ai d'abord pensé à une défaillance
de ma vue. Puis j'ai compris que je ne pouvais plus lire l'allemand. J'ai
fait des essais avec d'autres langues. Toutes parties !
10 juin. — Une semaine passée sans m'être risqué
à reprendre la plume. Le temps s'écoule comme du sable entre
mes doigts. La plupart des livres que j'ai sont trop difficiles pour moi maintenant.
Il me font mettre en colère parce que je les lisais et les comprenais
il y a seulement quelques semaines.
Je me répète sans cesse que je dois continuer à rédiger
ces comptes rendus, car il faut que quelqu'un sache ce qui m'arrive. Mais
il me devient de plus en plus difficile de former les mots et de me rappeler
comment ils s'orthographient. Maintenant je suis forcé de chercher
les mots les plus simples dans le dictionnaire et cela m'énerve.
Le Dr Strauss vient presque chaque jour, mais je lui ai dit que je ne voulais
voir personne. Il se sent coupable. Tous les autres aussi. Mais je ne blâme
personne. Je savais ce qui risquait d'arriver. Mais comme cela fait mal!
7 juillet. — Je ne sais où a fui la semaine. Aujourd'hui c'est
dimanche je le sais parce que je peux voir par ma fenêtre les gens qui
vont à l'église. Je crois que je suis resté au lit toute
la semaine mais je me rappelle que Mrs Flynn m'a apporté plusieurs
fois à manger. Je n'arrête pas de me dire qu'il faut que je fasse
quelque chose mais j'oublie ou bien c'est simplement qu'il est plus facile
de ne pas faire ce que je dis que je vais faire.
Je pense beaucoup à ma mère et à mon père ces
jours-ci. J'ai trouvé une photo d'eux avec moi prise sur une plage.
Mon père a un gros ballon sous le bras et ma mère me tient par
la main. Je ne me les rappelle pas comme ils sont sur la photo. Tout ce que
je me rappelle c'est mon père ivre la plupart du temps et se disputant
avec maman au sujet d'argent.
Il ne se rasait pas souvent et ça grattait quand il m'embrassait. Ma
mère disait qu'il était mort mais mon cousin Miltie disait qu'il
avait entendu sa mère et son père dire que papa était
parti avec une autre femme. Quand j'ai questionné ma mère elle
m'a giflé et a dit que mon père était mort. Je ne pense
pas avoir jamais trouvé où était la vérité
mais ça m'est égal. (Il disait qu'il allait m'emmener voir des
vaches dans une ferme, mais il ne l'a jamais fait. Il ne tenait jamais ses
promesses...)
10 juillet, — Ma propriétaire Mrs Flynn se fait beaucoup de
souci pour moi. Elle dit que la façon dont je reste là toute
la journée sans rien faire ça lui rappelle son fils avant qu'elle
le mette à la porte de chez elle. Elle dit qu'elle n'aime pu les fainéants.
Si je suis malade ça se comprend mais si je fainéante c'est
autre chose et elle ne veut pas de ça. Je lui ai dit qu'il me semblait
que j'étais malade.
J'essaie de lire un peu tous les jours, surtout des histoires, mais je suis
parfois obligé de lire plusieurs fois la même chose parce que
je ne comprends pas. Et il est difficile d'écrire. Je sais qu'il faudrait
que je vérifie tous les mots dans le dictionnaire mais c'est difficile
et je suis toujours si fatigué.
J'ai eu l'idée de n'employer que les mots faciles au lieu de ceux qui
sont longs et difficiles. Ça me fait gagner du temps. Je mets des fleurs
sur la tombe d'Algernon environ une fois par semaine. Mrs Flynn pense que
je suis fou de mettre des fleurs sur la tombe d'une souris mais je lui ai
dit qu'Algernon n'était pas une souris comme les autres.
14 juillet. — C'est encore dimanche. Je n'ai plus rien pour m'occuper
maintenant parce que ma télévision est cassée et je n'ai
pas d'argent pour la faire réparer. (Je crois que ce mois-ci j'ai perdu
mon chèque de paie du labo. Je ne me rappelle plus.)
J'ai des maux de tête terribles et l'aspirine ne me soulage pas beaucoup.
Mrs Flynn sait que je suis vraiment malade et elle est très ennuyée
pour moi. C'est une femme merveilleuse quand quelqu'un est malade.
22 juillet. — Mrs Flynn a fait venir un docteur pour m'examiner. Elle
avait peur de me voir mourir. J'ai dit au docteur que je n'étais pas
très malade mais que j'oublie simplement les choses. Il m'a demandé
si j'avais des amis ou des parents et j'ai dit que non je n'en ai pas. Je
lui ai dit que j'avais un ami qui s'appelait Algernon, mais c'était
une souris et nous faisions des courses tous les deux. Il m'a regardé
d'un drôle d'air comme s'il pensait que j'étais fou.
Il a eu un sourire quand je lui ai dit que j'avais été un génie,
il me parlait comme si j'étais un bébé tout en faisant
des clins d'œil à Mrs Flynn. Je me suis mis en colère et
je l'ai chassé parce qu'il se moquait de moi comme ils le faisaient
tous autrefois.
24 juin. —Je n'ai plus d'argent et Mrs Flynn dit qu'il faut que j'aille
travailler quelque part pour payer mon loyer parce que je ne l'ai pas payé
depuis plus de deux mois. Je ne connais pas d'autre travail que celui que
je faisais à la Fabrique de Boites en Plastique Donnegan. Je ne veux
pal y retourner parce qu'ils me connaissaient tous quand j'étais intelligent
et peut-être qu'ils riront de moi. Mais je ne sais pas quoi faire d'autre
pour avoir de l'argent.
25 Juillet. — Je regardais quelques-uns de mes comptes rendus et c'est
très drôle, mais je ne peux pas lire ce que j'écrivais.
Je peux reconnaître quelques mots mais ils n'ont plus de sens pour moi.
Miss Kinnian est venue à la porte mais je lui ai dit : allez-vous-en,
je ne veux pas vous voir. Elle a pleuré et j'ai pleuré aussi
mais je ne voulais pas la laisser entrer parce que j'avais peur qu'elle se
mette à rire de moi. Je lui ai dit que je ne l'aimais plus. Je lui
ai dit que je ne voulais plus être intelligent. Ce n'est pas vrai. Je
l'aime toujours et je veux toujours être intelligent mais il fallait
que je lui dise ça pour qu'elle s'en aille. Elle a donné de
l'argent à Mrs Flynn pour payer mon loyer. Je ne veux pas de ça.
Il faut que je trouve du travail.
Par pitié... par pitié, faites que je sache toujours lire et
écrire...
27 juillet. — Mr Donnegan a été très gentil quand
je suis revenu le trouver pour lui demander de me rendre mon travail de gardien.
Pour commencer il s'est montré très soupçonneux mais
je lui ai dit ce qui m'arrivait et alors il a eu l'air triste et m'a mis sa
main sur l'épaule en disant Charlie Gordon tu as du cran.
Tout le monde m'a regardé quand je suis descendu et que j'ai commencé
à travailler aux toilettes en les nettoyant comme j'en avais l'habitude.
Je me disais Charlie s'ils se moquent de toi ne te mais pas en colère
parce qu'ils ne sont pas si intéligens que tu croyais autrefois qu'ils
l'étaient. Et puis c'était tes amis et s'ils rient de toi ça
veut rien dire parce qu'ils t'aimaient aussi.
Un des nouveaux qui sont entrés après mon départ a fait
une plaisanterie il a dit Charlie parait que t'es un as comme on en voit au
quitte ou double. Dis-moi quelque chose d'intéligen. Ça m'a
fait mal mais Joe Carp s'est approché et la empoigné par sa
chemise et lui a dit laisse le tranquille espèce de gros lourdau ou
je te casse la figure. Je m'attendais pas a ce que Joe prenne mon parti aussi
je crois qu'il est vraiment mon ami.
Plus tard Frank Reilly est venu et m'a dit Charlie si y en a un qui t'embête
ou qui se moque de toi t'as qu'à nous appeler moi ou Joe et on se chargera
de lui. J'ai dit merci Frank et il a fallu que je fasse demi-tour et que j'entre
au magasin pour qu'il me voie pas pleurer. C'est bon d'avoir des amis.
28 juillet. — J'ai fait une chose idiote aujourd'hui j'ai oublié
que j'étais plus dans la classe de miss Kinnian au cour pour adultes
comme dans le tant. Je suis entré et j'ai été m'assoir
a ma place au fond de la classe et elle m'a regardé drôlement
et elle a dit Charles. Je me rapèle pas l'avoir entendu m'apeler comme
ça autrefois seulement Charlie alors j'ai dit bonjour miss Kinnian
je suis prêt pour ma lesson aujourdhui mai j'ai perdu le livre que j'avais.
Elle s'est mise a pleuré et elle est sortie de la classe en courant
et tout le monde ma regardé et j'ai vu que c'était pas les mêmes
jens qu'avant.
Alor tout d'un cou je me suis souvenu de quelques choses sur l'opération
et coman j'étais devenu intélijan et j'ai dit bon san j'ai fait
mon Charlie Gordon cette fois. Je suis parti avant qu'elle rantre dans la
classe.
C'est pour sa que je quitte New York pour de bon. Je veu plus qu'il m'arive
rien comme sa. Je veu pas que miss Kinnian me plaigne. Tout le monde me plain
a l'usine et je veu pas de sa non plus alor je vai dans un androit ou personne
sait que Charlie Gordon a été un géni et que maintenan
il sait plus lire un livre ni écrire comme il faut.
J'emporte deus livres avec moi et même si je peu pas les lire j'essayerai
et peutètre que j'oublirai pas tout ce que jaurai apri. Si j'essaye
vraiman fort peutètre que je serai un peu plus intélijan qu'avant
l'opération. J'ai ma patte de lappin et ma pièce porte boneur
et peutètre que sa maidera.
Si vous lisé ces lignes un jour miss Kinnian me plaigné pas
je sui eureu d'avoir u une chance d'ètre intélijan lorsque j'ai
apri des tas de chose que je savai même pas qu'elles existait et je
suis contant d'avoir vu tou sa un petit moman. Je sais pas pourquoi je suis
bête comme avant ou ce que j'ai fait peutètre que c'est parce
que j'essaye pas assé fort. Mais si j'essaye et si je m'exerce très
fort peutètre que je deviendré un peu plu intélijan et
que je saurai ce que c'est que tous ces mots. Je me rapèle un peu comme
j'étai contant d'avoir ce livre bleu avec une couverture déchiré
quan je le lisai. C'est pour sa que je vai essayé de devenir intélijan
pour avoir ancor cette impression. Sa fait du bien de conaitre des choses
et d'être intélijan. Je voudrai avoir cette inpression, mintenan
alor je massoirai et je lirai tou le tant. En toucas je pari que je sui la
première personne bête au monde a avoir trouvé quelque
chose d'important pour la cience. Je me rapèle que j'ai fait quelque
chose mais je me rapèle pas quoi. Alor je croi que je l'ai fait pour
tou les jans bêtes comme moi.
Adieu miss Kinnian et Dr Strauss et toulemonde.
Et P.S. dite au Dr Nemur de ne pas être si mauvais quan les jans ri
de lui, et il aura pluss d'amis. C'est facil d'avoir des amis si on laisse
les jans rire de soi. Je vai avoir des tas d'amis la ou je vais allé.
P.P.S. S'il vouplai si vous ave l'ocazion metté des fleurs sur la
tombe d'Algernon dans la cour...
DES FLEURS POUR ALGERNON
Par Daniel Keyes
L'histoire d'un attardé mental sur qui des médecins pratiquent
une intervention chirurgicale dans le but de stimuler son intelligence. L'expérience
réussit bien entendu et le personnage se retrouve bientôt plus
intelligent que les médecins qui l'ont opéré. Plus intelligent
que n'importe qui même. La seule question qui reste est : pour combien
de temps ? La transformation est-elle définitive ou risque-t-il de
régresser jusqu'à son stade antérieur ? Pour y répondre,
c'est lui-même qui reprendra les recherches médicales sur l'intervention
qu'il a subie.
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