Pour
toi lecteur
Ecrire un poème est toujours pour moi
un geste grave. J'ai l'impression, par les mots, d'attacher un lien
aux choses, de les tirer un peu à moi.
Si toi aussi, tu les sens t'appeler,
comme te faire signe, tu es en route.
Mais
voilà, sitôt attaché, le lien
m'échappe, les choses fuient, fuient de leur côté….
Dans quel monde est-on?
Chaque
fois que j'écris , je trouve
un autre monde, je découvre une vraie " terre de ciel".
Je ne sais pas où je suis.
Gérard Bachelier
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Les
mots sont comme des enfants qui ne tiennent pas en place. Pour peu
qu'on leur lâche la bride, les voici qui galopent dans le vent, qui
s'appellent, se poursuivent, se chamaillent.
Restez donc tranquilles une seconde, dit le poète, je vais vous prendre
en poème. Mais le temps de presser le bouton, l'un a bougé, l'autre
tourne le dos, le troisième fait la grimace!
Ainsi
ne retrouve-t-on pas toujours sur la page l'image, la musique , ce
peu de rêve qu'on voulait y
retenir.
Heureusement une photo, même floue ou mal cadrée, donne parfois à rêver.
Un poème, même imparfait, pourra peut-être t'inciter à te mettre, toi
aussi, à l'affût des mots, à les saisir dans leur élan, dans leur lumière
et leur beauté, le temps d'un déclic, l'éclair d'un poème.
Pierre Gabriel |
La
poésie c'est comme des lunettes.
On m'a souvent demandé: la poésie, à quoi ça sert? Avec l'air de dire,
sourire en coin: Mon pauvre Monsieur, ne vous donnez pas tant de mal,
avec la télévision, le cinéma, le foot et le loto, on a bien ce qu'il
nous faut! Et je ne savais pas que répondre parce que la poésie pour
moi a toujours été une chose naturelle comme l'eau du ruisseau. Mais
j'ai beaucoup réfléchi, et aujourd'hui, je sais: la poésie, c'est comme
des lunettes. C'est pour mieux voir. Parce que nos yeux ne savent plus,
ils sont fatigués, usés. Croyez-moi, tous ces gens autour de vous,
ils ont les yeux ouverts et pourtant petit à petit, sans s'en rendre
compte, ils deviennent aveugles.
Il n'y a qu'une solution pour les sauver: la poésie. C'est le remède
miracle: un poème et les yeux sont neufs. Comme ceux des enfants. A
propos des enfants d'ailleurs, j'ai aussi un conseil à donner: les
vitamines A, B, C, D, ça ne suffit pas. Si on ne veut pas qu'en grandissant
ils perdent leurs yeux magiques, il faut leur administrer un poème
par jour. Au moins.
Jean Pierre Siméon |
Les
mots grognent. Les mots reniflent. Ils se gratouillent, protègent
un trésor sous leur pattes, et déposent leurs crottes là où l'on
ne les attend pas. Ils suçotent des bourgeons aussi, et font des
petits. Leurs petits, ils les cajolent, puis les précipitent un très
beau matin depuis leur nid dans la transparence de la vie.
Ah! Les mots! Ils ne sont pas vraiment nés pour terminer au zoo! Ouvrez
les livres et délivrez les mots! A chaque page tournée vous libérez
une porte; à chaque porte un mot revit. Alors suit la meute. Elle s'agenouille,
léchant la paume de votre main d'un long coup de langue , ou bien mordillant
vos rêves de chasseurs. Dans un grognement bref et dense, les mots
interrogent soudain la nuit de l'encre: " A quelle heure l'homme
sera-t-il un poème?"
Alain Serres |
Je
n'invente rien.
Mes histoires et mes mots sont les
mêmes que les tiens. Simplement, je les assemble de telle sorte qu'ils
puissent de surprendre.
Si tu
ne vois pas tout à fait ce que
je vois, ça n'a pas d'importance: l'essentiel est que ton regard
invente autre chose, que mes objets, mes arbres, mes herbes ou mes étangs
deviennent les tiens.
Tu ne
sauras jamais tout à fait comment
s'éclaire le soir à ma fenêtre…. Mais si un mot éveille en toi un
autre moment de lumière sur ta vitre, mon poème sera le tien et le
soir, justement, pourra te prendre par la main…
Christian da Silva. |
Sais
tu, mon ami inconnu, que je suis comme toi? Parfois j'ai froid, parfois
j'ai peur, parfois je me sens seul et l'envie me vient de pleurer
longtemps, tout bas. Alors j'écris des poèmes. Et il y a des moments
légers où le jour est si clair à ma fenêtre, où je suis si près de
ceux qui m'aiment que l'envie me vient de parler de chanter, de parler
encore. Alors j'écris des poèmes. Et de tous ces poèmes j'ai fait
un livre, comme une longue lettre un peu folle que je t'adresse.
Histoire de nous connaître mieux.
Jean Pierre
Siméon |
J'ai
souvent fait et refait un rêve qui raconte toujours plus ou moins
la même choses: je me retrouve dans une maison très familière, la
mienne ou peut-être une maison de vacances, ou d'amis proches, quand
soudain sans raison apparente, je comprends avec un immense bonheur
qu'une partie de cette habitation m'était demeurée cachée. Que j'avais
ainsi vécu longtemps, des années peut-être, à côté d'une chambre
close, sans le savoir, jusqu'à ce moment précis où je vais pousser
la porte. Le rêve s'arrête là, à cette joie qui me laisse ému, tremblant,
au seuil de l'inconnu.
J'ai
eu envie d'écrire un long poème
qui serait comme une invitation à entrer dans l'espace réel et mystérieux
qui commence derrière cette porte.
J F Manier |