sommaire
Entrer dans un conte de Voltaire.
Jeannot et Colin
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a) Le projet.

 

      Le projet de réécriture  du conte de Voltaire  Jeannot et Colin  est  né de la difficulté  qu’un professeur de français en collège rencontre lorsqu’il veut  faire découvrir et  comprendre Voltaire, son humour, ses critiques acerbes  et sa langue. 

Lors de leur première lecture, les élèves s’affrontent à un texte obscur. Ils  souffrent, se découragent, abandonnent parfois. En fait, ils ne comprennent pas pourquoi le professeur sourit «bêtement » lorsqu’il lit certains passages. Ils semblent  donc, malgré leur bonne volonté,  recevoir un texte presque mort  qui n’a de sens que pour le maître qui, lui seul est à même de savoir et de comprendre. Au bout du compte  le professeur renonce à faire travailler ses élèves et finit par discourir pendant des heures sur un humour critique dont les élèves  ne soupçonnent pas l’existence.

L’idée même de la réécriture s’est donc avérée nécessaire.

Elle est venue d’un hasard  pédagogique heureux : une simple manipulation d’une des premières phrases du texte. Voltaire écrit «Issoire,  ville connue dans le monde entier pour son collège et sa fabrique de chaudrons… »  Le professeur a repris : « Provin, ville connue pour son collège et sa station d’épuration… »  Sourire chez les élèves et aide immédiate à la compréhension.

«Ah, c’est ça ce que ça veut dire ? »

Le projet a donc pu se mettre en place : « On allait donc essayer de réécrire Voltaire pour des élèves de 6° afin de leur permettre, plus tard, de comprendre le texte original. ».

Mais ce projet ne pouvait être mené à bien, si quelques points d’histoire littéraire n’étaient pas éclaircis.

Un exemple suffit à le montrer.

Le latin, la première matière que la mère de Jeannot veut faire apprendre à son fils était au XVII I° siècle la marque  d’une appartenance sociale. Seuls, les lettrés, donc les plus hauts placés dans la hiérarchie sociale avaient le privilège d’apprendre le latin. Cette explication s’est avérée nécessaire  pour comprendre et surtout interroger par la suite tous les choix de Voltaire.  Quelques pistes ouvertes quant aux conditions de production et de réception de l’œuvre en son siècle  ont permis  aux élèves de dépasser une lecture immédiate  du conte et d’interroger un texte dans le but de le réécrire.

La lecture-écriture pouvait commencer.

 

b) le texte… et sa récriture

 

Jeannot et Colin Voltaire

Plusieurs personnes dignes de foi ont vu Jeannot et Colin à l'école dans la ville d'Issoire, en Auvergne, ville fameuse dans tout l'univers par son collège et par ses chaudrons. Jeannot était fils d'un marchand de mulets très renommé; Colin devait le jour à un brave laboureur des environs, qui cultivait la terre avec quatre mulets, et qui, après avoir payé la taille, le taillon, les aides et gabelles, le sou pour livre, la capitation, et les vingtièmes, ne se trouvait pas puissamment riche au bout de l'année.

Jeannot et Colin étaient fort jolis pour des Auvergnats; ils s'aimaient beaucoup; et ils avaient ensemble de petites privautés, de petites familiarités, dont on se ressouvient toujours avec agrément quand on se rencontre ensuite dans le monde.

Le temps de leurs études était sur le point de finir, quand un tailleur apporta à Jeannot un habit de velours à trois couleurs, avec une veste de Lyon de fort bon goût; le tout était accompagné d'une lettre à M. de La Jeannotière. Colin admira l'habit, et ne fut point jaloux; mais Jeannot prit un air de supériorité qui affligea Colin. Dès ce moment Jeannot n'étudia plus, se regarda au miroir, et méprisa tout le monde. Quelque temps après un valet de chambre arrive en poste, et apporte une seconde lettre à monsieur le marquis de La Jeannotière; c'était un ordre de monsieur son père de faire venir monsieur son fils à Paris. Jeannot monta en chaise en tendant la main à Colin avec un sourire de protection assez noble. Colin sentit son néant, et pleura. Jeannot partit dans toute la pompe de sa gloire.

Les lecteurs qui aiment à s'instruire doivent savoir que M. Jeannot, le père, avait acquis assez rapidement des biens immenses dans les affaires. Vous demandez comment on fait ces grandes fortunes? C'est parcequ'on est heureux. M. Jeannot était bien fait, sa femme aussi, et elle avait encore de la fraîcheur. Ils allèrent à Paris pour un procès qui les ruinait, lorsque la fortune, qui élève et qui abaisse les hommes à son gré, les présenta à la femme d'un entrepreneur des hôpitaux des armées, homme d'un grand talent, et qui pouvait se vanter d'avoir tué plus de soldats en un an que le canon n'en fait périr en dix. Jeannot plut à madame; la femme de Jeannot plut à monsieur. Jeannot fut bientôt de part dans l'entreprise; il entra dans d'autres affaires. Dès qu'on est dans le fil de l'eau, il n'y a qu'à se laisser aller; on fait sans peine une fortune immense. Les gredins, qui du rivage vous regardent voguer à pleines voiles, ouvrent des yeux étonnés; ils ne savent comment vous avez pu parvenir; ils vous envient au hasard, et font contre vous des brochures que vous ne lisez point. C'est ce qui arriva à Jeannot le père, qui fut bientôt M. de La Jeannotière, et qui, ayant acheté un marquisat au bout de six mois, retira de l'école monsieur le marquis son fils, pour le mettre à Paris dans le beau monde.

Colin, toujours tendre, écrivit une lettre de compliments à son ancien camarade, et lui fit ces lignes pour le congratuler. Le petit marquis ne lui fit point de réponse: Colin en fut malade de douleur. (…)

 

Marcel et Axel

 

Marcel et Axel étaient deux très bons amis. Ils habitaient Billy-Berclau, ville très célèbre pour sa collection  privée de boîtes de camembert et son hôpital psychiatrique pour caniches nains. Le père de Marcel était le serveur unique du très fréquenté «Ranch à Léon ». Axel, lui, était l’héritier d’un polisseur de tuyaux  qui travaillait à la Française de Mécanique.

Après avoir payé la vignette de la 4l, la redevance télé, la taxe d’habitation, la TVA, et la taxe foncière, il leur restait une fortune aussi grande que celle d’un gamin de huit ans à la veille de son anniversaire.

 Marcel et Axel n’étaient pas trop laids pour des Billeux-Berclois ou des Billois-Bercleux, cela nous importe peu. Ils allaient au collège et   révisaient leurs devoirs ensemble.  Ils jouaient chez l’un, ils ne faisaient rien chez l’autre.

Un jour, Marcel reçut un paquet par porteur spécial. Il contenait une paire de chaussures CaterpillarÓ, un blouson SchottÓ, un jean Levis 501Ó Stone Washed, et deux paires de chaussettes Bisounours Óen fil d’Ecosse.

Axel ne fut pas jaloux même s’il s’habillait chez Champion par lots de  trois pour dix francs.

Marcel lui, se sentit supérieur et ignora tout le monde. Il passait son temps à se regarder aux vitrines des magasins, aux rétroviseurs des voitures et cherchait son reflet sur les glaces des cabines téléphoniques.

Quelques jours plus tard il reçut un fax de Monsieur son père disant que Monsieur son fils devait le rejoindre à Paris en TGV première classe.

Axel fut attristé par cette nouvelle mais il se réjouit du bonheur de son ami. Il lui fit une jolie carte d’adieu décorée avec des paillettes. Marcel déchira cette lettre et traita Axel de ringard.

Sans doute, voulez-vous savoir  pourquoi et comment le père de Marcel était devenu riche si subitement ?

Un vendredi, un vendredi 13 plus exactement, le père de Marcel  et son épouse Germaine Odette, une  très ancienne Miss Bauvin, durent se rendre  à Paris pour une réunion de débitants de boissons alcoolisées. Lors d’une beuverie mémorable, le père de Marcel rencontra le président de la Française des Jeux qui, un peu éméché, lui dévoila le moyen de gagner à coup sûr la cagnotte du Loto. Une simple manipulation informatique, et le tour était joué. Le père de Marcel ne s’en priva pas. Le lendemain il avait deux cents millions sur son compte.

Il s’empressa d’acheter une particule et se fit appeler  Père Marcel de la Berclautière, en hommage à son village natal. Certains furent jaloux, mais Marcel le Père ne s’en préoccupa pas.

Dès que Marcel  fut arrivé à Paris, ses parents décidèrent de lui donner une éducation digne de son rang. Il firent venir un professeur particulier. Il se nommait Patrice Piment d’Arcoët, et se disait journaliste mondain. Ils l’invitèrent à dîner. C’était un homme remarquable qui brillait dans les salons branchés et qui ne savait rien.(…)

 


c) L’écriture du dossier pédagogique.
Il s’agissait pour les élèves d’expliquer leur démarche et d’analyser leur « lecture » de Voltaire.
Extraits
Nous avons gardé la trame de l’histoire sans rien changer dans ce début. Deux amis se séparent parce que l’un devient riche. Notre texte et celui de Voltaire se ressemblent beaucoup.

Les personnages sont identiques. Voltaire a inventé des personnages qui ressemblent à des marionnettes. Ils n’ont pas de psychologie. Nous avons créé des personnages un  peu plus caricaturaux.  Colin, dans le texte de Voltaire est un peu «neu-neu », un peu mièvre.  Il pleure et écrit des lettres d’adieu. Axel est encore plus «neu-neu » dans notre texte. Il envoie une carte avec des paillettes. Il faut être vraiment mièvre pour avoir l’idée de faire cela.

Ensuite nous avons essayé autant que possible de respecter les figures de style que Voltaire utilise. Souvent, pour provoquer l’humour et la critique, il commence une phrase de façon très positive et la finit de façon très négative.

«  Ils étaient forts jolis… pour des Auvergnats. » Nous, nous avons écrit : «  Ils n’étaient pas trop laids pour des Billeux Berclois » Ici on copie presque le style de Voltaire mais on en rajoute un peu plus.

Mais parfois aussi on invente des phrases sur ce modèle. Voltaire écrit : «  Ils n'étaient pas puissamment riche au bout de l’an » Nous, nous avons écrit quelque chose de plus comique  en reprenant le procédé de Voltaire : «  Il leur restait une fortune aussi grande que celle d’un enfant de huit ans, la veille de son anniversaire. »

Mais parfois aussi, nous avons inventé d’autres phrases, qui en apparence ne servent à rien, mais qui accentuent l’effet comique :

« Ils n’étaient pas trop laids pour des Billeux Berclois ou des Billois Bercleux, cela nous importe peu. »

Ici, on dirait que le narrateur se moque de ses personnages et même de son lecteur.  C’est, d’après le professeur, une technique que Voltaire utilise dans d’autres textes, dans Candide par exemple.  Pour nous  cette trouvaille était due au hasard.

       Dans cette première partie donc, nous avons essayé à la fois de respecter le texte et de le rendre plus facile. Nous avons voulu aussi accentuer l’humour.

d) D’autres démarches ont été menées.

1) Des dialogues argumentatifs,

P . P d'A : Bienvenue sur le plateau de DEBAT . Vont s'opposer aujourd'hui deux personnes, un élève et un expert pour connaître l'utilité du français à l'école. Bonjour Pierre, tu es donc un élève et tu protestes contre l'enseignement du français à l'école.

Pierre : Oui, je trouve qu'apprendre le français est inutile. Les professeurs ne nous enseignent rien de plus que ce que l'on sait déjà naturellement. Entre élèves, nous n'utilisons jamais nos leçons pour communiquer, nous disputer...

Expert : Je t'arrête tout de suite, je prends un exemple: quand tu dis: " Il faut que tu saches faire ceci ou cela," tu sais que tu utilises le subjonctif … Tu arrives tout simplement à bien conjuguer un verbe, et cela, c'est l'école qui te l'a appris..

Pierre : Je suis d'accord avec vous ,mais nous n'employons jamais les formes difficiles du subjonctif pour parler. Le présent nous le savons naturellement ainsi que l'imparfait et le futur. Donc pouvez vous m'expliquer en quoi consistent les cours de français dans les études supérieures ?

Expert : ... Je vais te le dire, il sert à apprendre de belles formes de phrases comme la poésie , les vers et aussi...

Pierre : Est-ce que déjà vous m'avez entendu parler en vers ? Les vers ne servent qu'aux poètes qui voient la vie en rose. On le sait, les poètes vivent dans un autre monde! Mais qu'ils redescendent sur terre ! et ils verront que la vie n'est que tristesse et pauvreté pour certains! Ils apprendront que pour beaucoup de gens la vie est uniquement noire et la poésie ne change rien! Mais bien sûr vous ne connaissez pas cela, vous n'êtes qu'un bourgeois ignorant ! Et...

P . P d'A : Revenons à notre sujet, s'il vous plaît.

Expert : Mais non, laissez le ! Nous sommes toujours dans le débat! Pierre dit juste ce qu'il pense. Mais , je dois dire que je ne suis pas tout à fait d'accord avec lui. J'aurais à ajouter que les poèmes redonnent de la joie à ceux qui les lisent. Ils servent donc aussi à ne plus penser à cette tristesse ou à ce noir . ils permettent d'entrevoir un peu de bonheur.

Pierre : Oui, pour ceux qui savent lire...

Expert : Mais voyons dans ce pays, il n'y a pas beaucoup d'analphabètes.

Pierre : Vous le pensez vraiment ? Et même s'il n'y en avait qu'un?

Expert : Je dois avouer que les poésies ne sont pas tout à fait faite pour ces personnes là ! Je crois qu'il y aurait autre chose à faire avec eux!

Pierre : En interprétant vos phrases, vous dites donc que la poésie apporte de la joie à ceux qui en ont déjà! Vous laissez donc les autres dans leur misère. J'en conclus que les études de lettres ne servent ,en France, que pour les personnes qui n'en ont pas un besoin vital. Vous semblez dire qu'elles ne peuvent pas aider celles qui en auraient bien besoin ! Vous n'êtes qu'un exploiteur… 

(Même émission: deux personnes discutent sur le sport)

Paul: Ben, ouais, quoi! Le sport ne sert à rien! Regardez un peu les courses d'endurance! Quel est l'intérêt qu'il y a à courir en rond pendant une heure et pour n'arriver nulle part. C'est débile!

PPDA: Qu'avez vous à répondre, M Courtoujours?

Prof: D'abord, personne ne court pendant une heure.. Mais sachez surtout que l'on ne court jamais "pour rien". L'endurance a plusieurs effets. D'abord, elle apprend à l'enfant à réguler son effort et à maîtriser son corps. Elle permet aussi d'éliminer les toxines et les graisses accumulées. Voilà bien deux raisons qui justifient de courir en rond comme vous dites.

Paul: Vous avez peut-être raison…mais moi je fais un régime, c'est moins épuisant. Mais qu'allez vous me répondre quand je vous dirais que le foot me paraît débile? Pourquoi se disputer un ballon quand on est 22 dans un stade, alors qu'il suffirait de donner un ballon à chacun. Cela éliminerait la violence sur les stades.

Prof: Ca ne résoudrait rien. La violence vient du manque de solidarité entre les gens. Le foot permet d'apprendre l'esprit d'équipe et le travail en commun. Pour marquer un but, il faut construire une stratégie d'attaque et de défense, et il faut faire cela ensemble!

Paul: Moi sur ma playstation, je marque des buts tout seul…et je ne m'engueule jamais moi-même… Bon sauf quand ma petite sœur veut me piquer la télé pour regarder les dessins animés.

e) des exercices de langue,

 

Dialogue ( d’après Voltaire)

 

 

 

- Vous me demandez d’enseigner le latin à votre fils, mais vous vous moquez ! Le latin est une chose inutile parce que plus personne ne  le parle. On dit bien que c’est une langue morte…

Les dames d’ailleurs ne le parlent pas, elles ont un esprit plus juste qu’un latiniste averti. Les animaux eux même ne le parlent ni ne l’écrivent  car ils connaissent le goût du bonheur vrai. Pourquoi apprendre des déclinaisons insupportables puisqu’on ne joue pas la comédie en latin et que l’on ne chante pas dans cette langue barbare. Il faudrait l’étudier, sous prétexte qu’elle fait partie de la culture ? Foutaises ! Comme on ne fait rien de doux ni de tendre en latin, il n’est pas nécessaire de se torturer la mémoire en étudiant l’ablatif absolu ni le génitif partitif.

-         A écouter toutes ces raisons, j’en conclus que mon fils n’étudiera pas César.

-         Laissez moi vous avouer une chose.  A cause de lui, j’ai perdu mes plus belles années.

Sous  le fallacieux prétexte de devoir engranger des connaissances, j’ai usé mes yeux à lire « DE BELLO GALLICO ». Et qu’en sais-je aujourd’hui.. Rien ou si peu.

-         Cela est donc vrai ?

-         Tout ce qu’il y a de plus vrai. Ecoutez-moi. Imaginez un instant votre fils féru de cette

langue morte. Fermez les yeux . Votre fils est là assis à son bureau. Il aime tellement le latin qu’il a dépensé son dernier sou dans un dictionnaire Gaffiot. Il traduit si vite qu’un livre à peine commencé est déjà achevé. Il a acheté des étagères mais elles sont déjà trop remplies pour qu’elle puissent contenir d’autres volumes. Et vous , désespérée, vous voulez,  malgré tout essayer de faire le ménage . Impossible ! La poussière de cette langue morte est si épaisse qu’aucun balai ne peut en venir à bout. Vous en parlez à votre fils. Mais il lit tant de phrases obscures qu’il ne vous comprend plus. Il vous parle en « us » et en « ae ». Il n’est plus de ce monde. Il aime tellement Cicéron qu’il se détourne des femmes. Il vit un enfer horrible.

-         Quelle vision terrible!

 

 

1.      Dans la première réplique du maître , relevez les expressions qui expliquent :

a)      les raisons de ne pas apprendre le latin.

b)      Les justifications que le maître trouve à ceux qui ne parlent pas latin.

2.      Dans la deuxième réplique, dites quelles sont les expressions qui expliquent que le maître a eu une jeunesse gâchée.

3.      Classez  toutes ces expressions  selon leur construction.

4.      Dans la dernière réplique du maître, dites quelles sont les conséquences de l’étude sur la vie de la famille.

5.      Classez ces expressions selon leur construction.

6.      A l’aide de votre livre de grammaire, faites une fiche outil sur la cause et la conséquence.

7.      A l’opposé de Voltaire, écrivez un petit texte où vous exposerez les objectifs que l’on peut trouver à l’étude du latin.

 

 

F ) et surtout l’écriture de conclusions au conte « plus en accord » avec l’air du temps !

 

fin de Voltaire

Comme il était plongé dans l'accablement du désespoir, il vit avancer une chaise roulante, à l'antique, espèce de tombereau couvert, accompagné de rideaux de cuir, suivi de quatre charrettes énormes toutes chargées. Il y avait dans la chaise un jeune homme grossièrement vêtu; c'était un visage rond et frais qui respirait la douceur et la gaieté. Sa petite femme brune, et assez grossièrement agréable, était cahotée à côté de lui. La voiture n'allait pas comme le char d'un petit-maître: le voyageur eut tout le temps de contempler le marquis immobile, abîmé dans sa douleur. Eh! mon Dieu! s'écria-t-il, je crois que c'est là Jeannot. A ce nom le marquis lève les yeux, la voiture s'arrête: C'est Jeannot lui-même, c'est Jeannot. Le petit homme rebondi ne fait qu'un saut, et court embrasser son ancien camarade. Jeannot reconnut Colin; la honte et les pleurs couvrirent son visage. Tu m'as abandonné, dit Colin; mais tu as beau être grand seigneur, je t'aimerai toujours. Jeannot, confus et attendri, lui conta, en sanglotant, une partie de son histoire. Viens dans l'hôtellerie où je loge me conter le reste, lui dit Colin; embrasse ma petite femme, et allons dîner ensemble.

Ils vont tous trois à pied, suivis du bagage. Qu'est-ce donc que tout cet attirail? vous appartient-il?—Oui, tout est à moi et à ma femme. Nous arrivons du pays; je suis à la tête d'une bonne manufacture de fer étamé et de cuivre. J'ai épousé la fille d'un riche négociant en ustensiles nécessaires aux grands et aux petits; nous travaillons beaucoup; Dieu nous bénit; nous n'avons point changé d'état, nous sommes heureux, nous aiderons notre ami Jeannot. Ne sois plus marquis; toutes les grandeurs de ce monde ne valent pas un bon ami. Tu reviendras avec moi au pays, je t'apprendrai le métier, il n'est pas bien difficile; je te mettrai de part, et nous vivrons gaiement dans le coin de terre où nous sommes nés.

Jeannot éperdu se sentait partagé entre la douleur et la joie, la tendresse et la honte; et il se disait tout bas: Tous mes amis du bel air m'ont trahi, et Colin, que j'ai méprisé, vient seul à mon secours. Quelle instruction! La bonté d'âme de Colin développe dans le coeur de Jeannot le germe du bon naturel, que le monde n'avait pas encore étouffé. Il sentit qu'il ne pouvait abandonner son père et sa mère. Nous aurons soin de ta mère, dit Colin; et quant à ton bon-homme de père, qui est en prison, j'entends un peu les affaires; ses créanciers, voyant qu'il n'a plus rien, s'accommoderont pour peu de chose; je me charge de tout. Colin fit tant qu'il tira le père de prison. Jeannot retourna dans sa patrie avec ses parents , qui reprirent leur première profession. Il épousa une soeur de Colin, laquelle étant de même humeur que le frère, le rendit très heureux. Et Jeannot le père, et Jeannotte la mère, et Jeannot le fils, virent que le bonheur n'est pas dans la vanité.

 

 

 

Fins écrites par les élèves 1

 

Il était là depuis quelques heures quand une sublime Ferrari  s’arrêta devant lui. Elle resplendissait et sa couleur rouge tranchait sur la neige déjà salie des trottoirs. Marcel cacha sa tête dans ses bras. Quelqu’un lui tapota l’épaule. Marcel leva les yeux et reconnut Axel.

-  Oh! Axel, que fais-tu là ? Dieu m’a entendu ? Merci, merci.

Ses yeux s’embuèrent de larmes. Axel s’approcha plus près de son ancien ami. Un sourire illuminait son visage tout bronzé.

-  Mais Marcel, que fais-tu là ? Tu as l’air si triste ! Allez viens avec moi, monte dans la voiture et laisse-moi te présenter ma femme.

Marcel s’installa et vit une jeune fille sympathique, un peu ronde mais qui semblait respirer la joie de vivre.

- Sophie, je te présente Marcel. C’est avec lui que j’ai vécu mes années de collège. Je t’en ai beaucoup parlé.

Sophie tendit sa joue rose. Marcel l’embrassa. Une vague de douceur semblait l’envelopper. Il raconta ses malheurs, le journaliste, les études, les nuits de débauche, Naomie, les actions qui s’effondrent, son père en prison, sa solitude et ses regrets.

Axel l’interrompit.
- Arrête de te faire du mal. Il faut oublier tout cela. Désormais tu resteras avec moi. Tu sais, après le collège, j’ai passé mon bac. J’ai énormément travaillé, quatorze heures par jour. J’ai obtenu un diplôme à l’université. Je suis parti aux USA où j’ai eu la chance d’être recruté chez Microsoft. Je suis revenu, j’ai épousé Sophie, ma voisine de Billy-Berclau. Depuis six mois j’ai monté une entreprise sur Internet et je gagne bien ma vie.

Marcel n’était pas jaloux.

- Voilà ce que je te propose, reprit Axel. Tu sais, il y a beaucoup de travail dans mon entreprise. Je n’ai jamais de week-end. Je n’ai même pas le temps de regarder la télé. Viens, je t’embauche. En quelques semaines, tu auras appris beaucoup. Et puis j’ai le bras long. J’arrangerai les affaires de ton père.

Marcel sentait son cœur gonfler. Il serra son ami dans ses bras et pleura à chaudes larmes.

Le lendemain, ils étaient dans le Nord. Marcel épousa la sœur de Sophie, eut six enfants et acheta une petite maison dans la campagne. Axel venait dîner tous les vendredis soirs. Ils vécurent heureux, loin de Paris et de ses mirages.

 

Fin 2

 

Il était là depuis quelques heures quand une sublime Ferrari  s’arrêta devant lui. Elle resplendissait et sa couleur rouge tranchait sur la neige déjà salie des trottoirs. Marcel cacha sa tête dans ses bras. Quelqu’un lui tapota l’épaule. Marcel leva les yeux et reconnut Axel.
-
Oh ! Axel, que fais-tu là ? Dieu m’a entendu ? Merci, merci.

Ses yeux s’embuèrent de larmes. Axel s’approcha plus près de son ancien ami. Un sourire illuminait son visage tout bronzé.
-
Je suis très heureux de te retrouver. Cela fait des années que j’essayais de te joindre. Mais aujourd’hui tu es là.

Marcel sentit une douce chaleur remplir tout son corps. Axel fouilla dans la poche de sa veste. Il en sortit une enveloppe et la tendit à Marcel.

-         Tiens, ceci est pour toi.

Marcel l’ouvrit. Des paillettes s’envolèrent dans la bise glaciale et un morceau de vieille carte postale déchirée tomba sur la boue du trottoir. Marcel se pencha et lut ces mots écrits d’une main enfantine :

«  Adieu et bonne chance. »

Quand il releva la tête, la Ferrari démarrait en trombe et disparaissait à l’angle de la rue.

 

Fin 3

 

Il était là depuis quelques heures quand une sublime Ferrari  s’arrêta devant lui. Elle resplendissait et sa couleur rouge tranchait sur la neige déjà salie des trottoirs. Marcel cacha sa tête dans ses bras. Quelqu’un lui tapota l’épaule. Marcel leva les yeux et reconnut Axel.
-
Oh ! Axel, que fais-tu là ? Dieu m’a entendu ? Merci, merci.

Ses yeux s’embuèrent de larmes. Axel s’approcha plus près de son ancien ami. Un sourire illuminait son visage tout bronzé.

-   Mais Marcel, que fais-tu là ? Tu as l’air si triste ! Allez viens avec moi, monte dans la voiture et laisse-moi te présenter ma femme.

Marcel s’installa et vit une jeune fille sympathique, un peu ronde mais qui semblait respirer la joie de vivre.
-
Sophie, je te présente Marcel. C’est avec lui que j’ai vécu mes années de collège. Je t’en ai beaucoup parlé.

Sophie tendit sa joue rose. Marcel l’embrassa. Une vague de douceur semblait l’envelopper. Il raconta ses malheurs, le journaliste, les études, les nuits de débauche, Naomie, les actions qui s’effondrent, son père en prison, sa solitude et ses regrets.

Axel l’interrompit.
-
   Arrête de te faire du mal. Il faut oublier tout cela. Désormais tu resteras avec moi. Tu sais, après le collège, j’ai passé mon bac. J’ai énormément travaillé, quatorze heures par jour. J’ai obtenu un diplôme à l’université. Je suis parti aux USA où j’ai eu la chance d’être recruté chez Microsoft. Je suis revenu, j’ai épousé Sophie, ma voisine de Billy-Berclau. Depuis six mois j’ai monté une entreprise sur Internet et je gagne bien ma vie.

Marcel n’était pas jaloux. Mais en regardant par la fenêtre il s’aperçut qu’il avait laissé son pauvre baluchon sur le bord du trottoir. Axel sortit pour le récupérer. Mais au moment où il allait le ramasser, un 33 tonnes glissa sur la chaussée et ce fut l’accident. Axel fut tué sur le coup.

Marcel jaillit de la voiture. Il prit une dernière fois son ami dans ses bras et ne put s’empêcher de dire :

«  Décidément, l’argent ne fait pas le bonheur. »

 

Fin 4

 

Il était là depuis quelques heures quand une vieille 2 chevaux s’arrêta devant lui. Elle faisait un bruit terrible et sa couleur délavée se confondait à la neige déjà salie des trottoirs. Marcel cacha sa tête dans ses bras. Quelqu’un lui tapota l’épaule. Marcel leva les yeux et reconnut Axel.

-  Oh ! Axel, que fais-tu là ? Dieu m’a entendu ? Merci, merci.

Ses yeux s’embuèrent de larmes. Axel s’approcha plus près de son ancien ami. Un sourire illuminait son visage mal rasé.

Il l’emmena dans sa voiture. Marcel raconta ses malheurs, le journaliste, les études, les nuits de débauche, Naomie, les actions qui s’effondrent, son père en prison, sa solitude et ses regrets.

Axel raconta les siens. Le bac, quatorze heures de travail par jour, un diplôme aux USA, un autre en Allemagne, son mariage raté avec sa voisine, deux ans de chômage, le RMI et la galère. Depuis quelques mois, il vivait d’un petit boulot. Axel proposa à Marcel de partager son idée. Il venait de monter une petite entreprise de raccommodage de chaussettes. Il allait de portes en portes, récupérait les chaussettes trouées et les rendait réparées le lendemain. Cela ne rapportait pas beaucoup mais permettait de payer le loyer, un repas correct par jour et un café chaud au bar du coin.

Marcel en fut reconnaissant. La voiture démarra, cala, redémarra et disparut dans la nuit qui venait de tomber.