sommaire
OTTO
Tomi Ungerer.
L'école des loisirs
.

Illustrations du texte


Voici un album d'une très grande richesse. Magnifiquement illustré par l'auteur lui même, il raconte l'autobiographie d'un ours en peluche qui a traversé la seconde guerre mondiale, la Shoa, les ghettos noirs aux USA.. Il raconte aussi une histoire d'amitié au delà de la haine... bref, un texte que j'aime beaucoup...

J'ai compris que j'étais vieux le jour où je me suis retrouvé dans la vitrine d'un antiquaire.
J'ai été fabriqué en Allemagne. Mes tout premiers souvenirs sont assez douloureux. J'étais dans un atelier et l'on me cousait les bras et les jambes pour m'assembler.
Quand mes yeux furent cousus à leur tour, j' eus mon premier aperçu d'un être humain. Une femme souriante me tenait dans ses mains. Elle disait : «Regardez-moi celui-là, s'il n'est pas mignon ! » Puis je fus emballé et mis dans une boîte.
Le second visage dont je me souvienne est celui d'un petit garçon qui sourit en me serrant contre lui. Je compris ensuite que ce garçon s'appelait David, que c'était son anniversaire et que j'étais son cadeau.
Oskar, le meilleur ami de David, habitait sur le même palier. Ils passaient la plupart de leur temps ensemble, à jouer et à échanger des histoires et des blagues. Ils me baptisèrent Otto.
Un jour, ils se mirent en tête de m'apprendre à écrire. Mais avec mes pattes maladroites je renversai l'encrier et m'éclaboussai la figure d'encre violette. J'allais garder cette tache le restant de ma vie. Comme cette tentative était un échec, les garçons allèrent chercher la machine à écrire du père de David, qui était plus facile à manier.
On s'amusait bien. J'étais utile aux garçons pour toutes sortes de bonnes blagues. Ils me déguisaient en fantôme, me suspendaient à une corde et me promenaient devant la fenêtre de Madame Schmidt, la vieille dame du dessous.
Un jour, David arriva avec une étoile jaune sur sa veste. Oskar demanda à sa maman : " Mutti, regarde l'étoile de David, est-ce que tu pourrais m'en faire une comme ça?"
"C'est impossible", répondit-elle. "Parce que tu n'es pas juif."
"C'est quoi, être juif?" demanda Oskar.
"Les juifs sont différents, ils ont une autre religion, le gouvernement est contre eux et leur rend la vie très difficile. C'est injuste et très triste, on les oblige à porter cette étoile pour les reconnaître".
Et ce fut un jour atrocement triste lorsque des hommes en manteau de cuir noir et d'autres en uniforme vinrent chercher David et ses parents. Juste avant d'être emmené, David me donna à son meilleur ami, Oskar.
Du haut du balcon, Oskar et moi nous vîmes David et bien d'autres gens qui portaient des étoiles jaunes. Ils furent poussés dans des camions et emportés vers une destination inconnue.
Oskar se sentait désormais très seul. Chaque soir, il me demandait: "Tu sais où est David?" Et il se mettait à parler de tous les bons moments que nous avions passés ensemble.
Un autre jour de tristesse fut celui où nous allâmes tous a la gare dire au revoir au père d'Oskar. Appelé par l'armée, il partait pour le front où la guerre faisait rage.
Puis les bombardements commencèrent. Les sirènes donnaient l'alerte du haut des toits et nous devions descendre aussi vite que nous le pouvions nous mettre a l'abri dans la cave.
Des quartiers entiers étaient pulvérisés. Au milieu des ruines et des incendies gisaient d'innocentes victimes. Un jour, une explosion soudaine me projeta en l'air dans un nuage de fumée. Je perdis connaissance.
Au bout de combien de jours ai-je retrouvé mes esprits ? Je me suis réveillé sur une pile de débris carbonisés. Tout autour de moi il n'y avait que des ruines. Arrivèrent des tanks et des soldats. J'entendis des fusillades. J'étais au milieu d'un violent combat. Soudain un soldat avec un visage très sombre s'arrêta devant moi et me regarda, l'air saisi.
Il me souleva.
A cet instant précis, je sentis une douleur fulgurante me traverser le corps.
Le soldat, qui me tenait contre sa poitrine, s'effondra en gémissant. Nous avions été touchés par la même balle.
Deux hommes arrivèrent et nous emmenèrent sur un brancard. Le soldat blessé, un G.I. américain, m'étreignait toujours contre sa poitrine ensanglantée.
Il s'appelait Charlie...
On nous emmena dans un hôpital et il me garda près de lui. Son état s'étant amélioré, il recousit la déchirure causée par la balle... Il disait à tout le monde : "Regardez cet ours en peluche, croyez-le ou non, il m'a sauvé la vie ! "
Quand le G.I. Charlie fut finalement décoré, il épingla sa médaille sur ma poitrine. L'histoire fit le tour des journaux, on voyait ma photo partout. Je fus très fier de toute cette attention. Charlie me rebaptisa Alamo et je devins la mascotte de son régiment.
Quand la guerre fut finie, Charlie rentra chez lui en Amérique. (J'avais alors appris assez d'anglais pour comprendre ce qui se passait autour de moi.)
Il me sortit de son sac et me donna en cadeau a sa petite fille Jasmine. Elle fut absolument ravie.
J'avais trouvé un nouveau foyer. Jasmine me cajolait, me berçait et me chantait à l'oreille des chansons que je n'avais jamais entendues. Elle m'avait confectionné un lit dans une boîte en carton. C'était le Paradis après l'Enfer.
Mon bonheur douillet prit fin brutalement, un jour où Jasmine me faisait faire une petite promenade dans le quartier. Je fus soudain arraché à elle par deux sales gosses.
Ils se servirent de moi comme d'une balle. Ils me donnèrent des coups de pied, me frappèrent avec une batte et me piétinèrent dans le caniveau. Je pouvais entendre les cris de Jasmine qui appelait désespérément à l'aide. A moitié aveugle, un œil arraché, meurtri, déchiré par endroits, couvert de boue j'atterris dans les ordures.
Le lendemain matin, je fus ramassé par une vieille femme qui faisait les poubelles. Elle me mit dans une poussette bancale pleine de vieilles loques et de bouteilles vides.
Elle me vendit à l'antiquaire, qui remplaça mon œil, gratta la boue, me raccommoda et me lava. "Ça tentera bien un collectionneur" se dit-il à lui-même en m'installant dans la vitrine de son magasin. Et je restai assis là, à regarder le monde passer.
J'avais tout de même l'air d'une épave et mon air pitoyable n'attirait personne.
Des années et des années passèrent, jusqu'à un soir pluvieux où un gros monsieur s'arrêta devant la vitrine et m'examina attentivement. Il entra dans la boutique et dit au marchand avec un fort accent allemand : "Zet ours en beluche dans la fitrine, z'était le mien quand j'étais betit! Je le zais à cause de la tache fiolette zur la figure. Combien il coûte?" Cet acheteur était mon vieil ami Oskar! Je ne l'aurais jamais reconnu.
Oskar m'emmena dans sa chambre d'hôtel. La presse eut vent de mon histoire, et pour la seconde fois, j'eus ma photo dans les journaux. "Un touriste allemand, survivant de la guerre, retrouve son ours en peluche chez un antiquaire américain."
Le jour qui suivit la publication de ma photo, le téléphone sonnait dans la chambre d'hôtel d'Oskar. Voici ce que j'entendis : « Allô ? Qui ?... Quoi ?... Z'est imbozible... Toi, David, tu es dans zette ville... Oui, Otto est là afec moi, oui... J'arriffe tout de zuite, donne l'adresse...»
Nous prîmes un taxi et, une heure plus tard, nous étions tous les trois réunis et fêtions nos retrouvailles.
Ce que j'entendis me peina profondément. David et ses parents avaient été déportés dans un camp de concentration. Ses parents étaient morts là-bas, dans une chambre à gaz. David avait survécu, malade et affamé.
Le père d'Oskar avait été tué sur le front, et sa mère était morte également, pendant un bombardement, écrasée sous les décombres d'un mur. Oskar avait survécu malgré ses blessures.
Comme ils menaient tous deux une vie solitaire, Oskar décida de s'installer chez David. Nous trois réunis, la vie fut enfin ce qu'elle devrait toujours être, normale, paisible.
Pour m'occuper, j'ai écrit cette histoire en la tapant comme je pouvais sur la machine à écrire de David. Et la voici...

Démarches.

En troisième.
J'ai donné cet album à lire au cours d'une séquence qui s'intitulait " dire la guerre", parmi d'autres documents dont le point commun était " comment parler de la guerre aux enfants".
J'ai donc proposé ce groupement quasiment en lecture cursive et comparative.
Après avoir parcouru tous les textes, chaque groupe ensuite "s'occupait" d'un document en particulier et devait répondre à ces questions vastes mais communes à tout le groupement:

Comment l'auteur prend-il en compte ses jeunes lecteurs pour leur parler de la guerre ?
( type de texte, genre, présentation, point de vue: qui parle?, rôle des illustrations, référence à l'univers de l'enfance ...etc..)
Selon vous, arrive-t-il à atteindre ce but? Sinon que devrait-il faire pour l'atteindre?


Le groupe qui a travaillé sur OTTO, a proposé ces réponses: (extraits)

" L'autobiographie en "je" permet de bien entrer dans le texte.Les mots sont simples.
Le choix du narrateur "nounours" fait référence à l'enfance.Tout le monde a un nounours...
Les illustrations expliquent bien ce qui est raconté . Elles sont très réalistes. (...)

Mais, si on ne connaît pas bien la guerre de 40 et les camps de concentration, ce livre demande des explications..
"

D'où la consigne suivante donnée à toute la classe:

"Relisez l'album Otto. Vos camarades ont trouvé que le texte risquait de ne pas être bien compris si on n'expliquait pas le contexte historique aux petits lecteurs.
Je vous propose de réaliser ce travail mais vous devrez respecter le ton du texte original: c'est OTTO lui même qui devra être le narrateur de votre texte explicatif"


Moment de recherche orale collective:
Que doit-on expliquer?
(Hitler, l'étoile jaune, les camps de concentration , le débarquement, le rôle des états Unis etc..)

Recherche dans le manuel d'histoire d'élements explicatifs.
Rédaction du livret d'accompagnement: chaque groupe doit rédiger une partie de ce document.
exemple: la montée du nazisme:
recherche de documents ( en groupe) ,
mise au point sur ce qui doit être dit ( en groupe) ,
écriture individuelle, co-lecture, amélioration

Voici l'état final du travail.


Laisse-moi d’abord t’expliquer comment était ma ville avant la guerre. Je vivais en Allemagne. C'était un beau pays où l’on s'amusait bien, les gens étaient heureux, les enfants jouaient tous dans la même rue, dans les mêmes jardins. Ils dansaient, chantaient, … et personne ne parlait de différences ni de haine..
D’ailleurs, j’ai fait plein de bêtises avec mes copains surtout quand on faisait peur à Mme SCHMIDT ! C’était très amusant ! On était heureux.


Mais un jour, un homme , un méchant qui s'appelait Hitler, a pris le pouvoir. Tout de suite il a voulu séparer les Juifs des Allemands. Il pensait que ces derniers étaient les meilleurs , les plus grands, les plus forts du monde.
Mais il disait aussi que les Juifs étaient des faibles, des nuls, et qu’il fallait les éliminer.
C’était absurde !
C’était absurde mais tout le monde l’a cru !
C’est pour cela que la police a obligé David et sa famille a porter une étoile jaune sur leurs vêtements .
Ils étaient marqués comme des bêtes . C'est à partir de ce moment que les Allemands se sont mis à les insulter et à les empêcher de vivre.

A un moment donné, je raconte dans mon histoire que David et ses parents ont été amenés par des hommes vêtus de noir. Sache que ces hommes-là étaient terrifiants. Ils pouvaient arrêter les gens sans raison apparente.
Et ils ont arrêté David et sa famille simplement parce qu'ils étaient juifs. Ils les ont poussés dans un camion. Ensuite ils les ont entassés avec des milliers d'autres dans des wagons à bestiaux. David et sa famille ont voyagé des jours et des nuits sans eau , sans lumière , la faim et la peur au ventre.
Ensuite pour eux tous, l'horreur a commencé. Ils ont été parqués dans des camps, des camps de concentration , c'est comme ça qu'on les appelle . On les a laissé mourir dans des pires souffrances. Je n'ose pas te dire lesquelles. J'en ai la chair de poule. C'était un enfer.

Vers la fin de la guerre plusieurs pays ont décidé enfin de se révolter contre l'Allemagne.
Ces quatre pays étaient la France , les Etats-Unis, l'Angleterre et l'URSS. Un jour, ils ont bombardé la ville de Berlin pour arrêter Hitler et sa folie de guerre.
Des bombes explosaient tout autour de moi.
Berlin a été rasée, ce n'était plus qu'une ruine.
Ma maison elle aussi a été détruite durant les bombardements. J'étais là tout seul au milieu de la route à moitié défoncée. Des centaines de soldats des quatre armées ont alors envahi Berlin pour empêcher les derniers nazis de continuer à tuer des personnes innocentes.
C'est donc comme cela que j'ai été retrouvé par un soldat noir américain.

Pendant la guerre, les juifs ont tout perdu. Beaucoup sont morts dans ces camps de concentration.
Ceux qui ont survécu à ce calvaire, n’avaient plus rien du tout.
Leur seule solution : partir !
Certains ont quitté l’Allemagne pour l’Amérique.
Un pays libre, sans guerre !
A la fin de la guerre, David ,tout comme Oskar, s'est retrouvé seul au monde et l’Amérique est devenue pour lui un refuge…un moyen de recommencer une seconde vie .
David aurait enfin une vie plus belle, avec de la nourriture, de l’électricité et beaucoup de choses encore qu’il avait perdues pendant la guerre.

En sixième

Le travail est différent. Il est necessaire d'acompagner la lecture
. Le début est construit sur un flash back. Je propose donc de bien anlyser le début et la fin du texte.

J'ai compris que j'étais vieux le jour où je me suis retrouvé dans la vitrine d'un antiquaire.
J'ai été fabriqué en Allemagne. Mes tout premiers souvenirs sont assez douloureux. J'étais dans un atelier et l'on me cousait les bras et les jambes pour m'assembler.
(...)
Fin du texte:
Pour m'occuper, j'ai écrit cette histoire en la tapant comme je pouvais sur la machine à écrire de David. Et la voici...

Qui parle?
Quel rapport faites vous entre la première phrase et les 3 suivantes?
Entre la première phrase et la dernière du livre?

Ensuite lecture du texte intégral.
Le texte est donné et les illustations distribuées à part. Les élèves doivent découper le texte et reconstituer l'album. ( On peut donner les images dans le désordre, mais la tâche est trop lourde. Pour l'alléger on ne donne que quelques images)

Mise en projet

Vous êtes un journaliste. Et vous venez de découvrir , dans la maison d'Oskar et de David, l'autobiographie d'OTTO. Vous décidez de publier un dossier complet sur cette histoire qui vous a bouleversé.

a) Pour ce faire vous décidez d'abord de reconstruire la frise chronologique de la vie d'Otto. Vous y rajouterez les commenatires des élèves de troisième

1931 1940 1945 1950 1960 1960 -1985 1985
avant la guerre
Allemagne
début de la guerre
Allemagne
fin de la guerre
Allemagne
Etats unis Etats Unis Etats Unis Etats Unis
Naissance d'Otto     Otto arrive aux USA   OTTO chez l'antiquaire  
Je vivais en Allemagne. C'était un beau pays où l’on s'amusait bien, les gens étaient heureux, les enfants jouaient tous dans la même rue, dans les mêmes jardins. Ils dansaient, chantaient, … et personne ne parlait de différences ni de haine..
D’ailleurs, j’ai fait plein de bêtises avec mes copains surtout quand on faisait peur à Mme SCHMIDT ! C’était très amusant ! On était heureux.
           

b) Vous interviewez aussi David et Oskar. Vous leur demandez de raconter leur vie. Vous pouvez vous aider de la fiche rédigée par vos camarades de 3°.
David. "Je suis né à Berlin en 1931…
Oskar ; " Je suis né aussi à Berlin en 1931..

c) Vous retrouvez les articles de journaux qui ont parlé de cette affaire. Il y en a deux à écrire. Pour le deuxième, vous avez déjà le titre de l'article écrit dans l'histoire.

d) Bien sûr vous pouvez faire d'autres interviews: Charlie, sa petite fille, la clocharde, l'antiquaire. Vous pouvez aussi inventer d'autres documents.