Voici un album d'une très grande richesse. Magnifiquement illustré
par l'auteur lui même, il raconte l'autobiographie d'un ours en
peluche qui a traversé la seconde guerre mondiale, la Shoa, les
ghettos noirs aux USA.. Il raconte aussi une histoire d'amitié
au delà de la haine... bref, un texte que j'aime beaucoup...
J'ai compris que j'étais vieux le jour où je me suis retrouvé
dans la vitrine d'un antiquaire.
J'ai été fabriqué en Allemagne. Mes tout premiers
souvenirs sont assez douloureux. J'étais dans un atelier et l'on
me cousait les bras et les jambes pour m'assembler.
Quand mes yeux furent cousus à leur tour, j' eus mon premier aperçu
d'un être humain. Une femme souriante me tenait dans ses mains.
Elle disait : «Regardez-moi celui-là, s'il n'est pas mignon
! » Puis je fus emballé et mis dans une boîte.
Le second visage dont je me souvienne est celui d'un petit garçon
qui sourit en me serrant contre lui. Je compris ensuite que ce garçon
s'appelait David, que c'était son anniversaire et que j'étais
son cadeau.
Oskar, le meilleur ami de David, habitait sur le même palier. Ils
passaient la plupart de leur temps ensemble, à jouer et à
échanger des histoires et des blagues. Ils me baptisèrent
Otto.
Un jour, ils se mirent en tête de m'apprendre à écrire.
Mais avec mes pattes maladroites je renversai l'encrier et m'éclaboussai
la figure d'encre violette. J'allais garder cette tache le restant de
ma vie. Comme cette tentative était un échec, les garçons
allèrent chercher la machine à écrire du père
de David, qui était plus facile à manier.
On s'amusait bien. J'étais utile aux garçons pour toutes
sortes de bonnes blagues. Ils me déguisaient en fantôme,
me suspendaient à une corde et me promenaient devant la fenêtre
de Madame Schmidt, la vieille dame du dessous.
Un jour, David arriva avec une étoile jaune sur sa veste. Oskar
demanda à sa maman : " Mutti, regarde l'étoile de David,
est-ce que tu pourrais m'en faire une comme ça?"
"C'est impossible", répondit-elle. "Parce que tu
n'es pas juif."
"C'est quoi, être juif?" demanda Oskar.
"Les juifs sont différents, ils ont une autre religion, le
gouvernement est contre eux et leur rend la vie très difficile.
C'est injuste et très triste, on les oblige à porter cette
étoile pour les reconnaître".
Et ce fut un jour atrocement triste lorsque des hommes en manteau de cuir
noir et d'autres en uniforme vinrent chercher David et ses parents. Juste
avant d'être emmené, David me donna à son meilleur
ami, Oskar.
Du haut du balcon, Oskar et moi nous vîmes David et bien d'autres
gens qui portaient des étoiles jaunes. Ils furent poussés
dans des camions et emportés vers une destination inconnue.
Oskar se sentait désormais très seul. Chaque soir, il me
demandait: "Tu sais où est David?" Et il se mettait à
parler de tous les bons moments que nous avions passés ensemble.
Un autre jour de tristesse fut celui où nous allâmes tous
a la gare dire au revoir au père d'Oskar. Appelé par l'armée,
il partait pour le front où la guerre faisait rage.
Puis les bombardements commencèrent. Les sirènes donnaient
l'alerte du haut des toits et nous devions descendre aussi vite que nous
le pouvions nous mettre a l'abri dans la cave.
Des quartiers entiers étaient pulvérisés. Au milieu
des ruines et des incendies gisaient d'innocentes victimes. Un jour, une
explosion soudaine me projeta en l'air dans un nuage de fumée.
Je perdis connaissance.
Au bout de combien de jours ai-je retrouvé mes esprits ? Je me
suis réveillé sur une pile de débris carbonisés.
Tout autour de moi il n'y avait que des ruines. Arrivèrent des
tanks et des soldats. J'entendis des fusillades. J'étais au milieu
d'un violent combat. Soudain un soldat avec un visage très sombre
s'arrêta devant moi et me regarda, l'air saisi.
Il me souleva.
A cet instant précis, je sentis une douleur fulgurante me traverser
le corps.
Le soldat, qui me tenait contre sa poitrine, s'effondra en gémissant.
Nous avions été touchés par la même balle.
Deux hommes arrivèrent et nous emmenèrent sur un brancard.
Le soldat blessé, un G.I. américain, m'étreignait
toujours contre sa poitrine ensanglantée.
Il s'appelait Charlie...
On nous emmena dans un hôpital et il me garda près de lui.
Son état s'étant amélioré, il recousit la
déchirure causée par la balle... Il disait à tout
le monde : "Regardez cet ours en peluche, croyez-le ou non, il m'a
sauvé la vie ! "
Quand le G.I. Charlie fut finalement décoré, il épingla
sa médaille sur ma poitrine. L'histoire fit le tour des journaux,
on voyait ma photo partout. Je fus très fier de toute cette attention.
Charlie me rebaptisa Alamo et je devins la mascotte de son régiment.
Quand la guerre fut finie, Charlie rentra chez lui en Amérique.
(J'avais alors appris assez d'anglais pour comprendre ce qui se passait
autour de moi.)
Il me sortit de son sac et me donna en cadeau a sa petite fille Jasmine.
Elle fut absolument ravie.
J'avais trouvé un nouveau foyer. Jasmine me cajolait, me berçait
et me chantait à l'oreille des chansons que je n'avais jamais entendues.
Elle m'avait confectionné un lit dans une boîte en carton.
C'était le Paradis après l'Enfer.
Mon bonheur douillet prit fin brutalement, un jour où Jasmine me
faisait faire une petite promenade dans le quartier. Je fus soudain arraché
à elle par deux sales gosses.
Ils se servirent de moi comme d'une balle. Ils me donnèrent des
coups de pied, me frappèrent avec une batte et me piétinèrent
dans le caniveau. Je pouvais entendre les cris de Jasmine qui appelait
désespérément à l'aide. A moitié aveugle,
un œil arraché, meurtri, déchiré par endroits,
couvert de boue j'atterris dans les ordures.
Le lendemain matin, je fus ramassé par une vieille femme qui faisait
les poubelles. Elle me mit dans une poussette bancale pleine de vieilles
loques et de bouteilles vides.
Elle me vendit à l'antiquaire, qui remplaça mon œil,
gratta la boue, me raccommoda et me lava. "Ça tentera bien
un collectionneur" se dit-il à lui-même en m'installant
dans la vitrine de son magasin. Et je restai assis là, à
regarder le monde passer.
J'avais tout de même l'air d'une épave et mon air pitoyable
n'attirait personne.
Des années et des années passèrent, jusqu'à
un soir pluvieux où un gros monsieur s'arrêta devant la vitrine
et m'examina attentivement. Il entra dans la boutique et dit au marchand
avec un fort accent allemand : "Zet ours en beluche dans la fitrine,
z'était le mien quand j'étais betit! Je le zais à
cause de la tache fiolette zur la figure. Combien il coûte?"
Cet acheteur était mon vieil ami Oskar! Je ne l'aurais jamais reconnu.
Oskar m'emmena dans sa chambre d'hôtel. La presse eut vent de mon
histoire, et pour la seconde fois, j'eus ma photo dans les journaux. "Un
touriste allemand, survivant de la guerre, retrouve son ours en peluche
chez un antiquaire américain."
Le jour qui suivit la publication de ma photo, le téléphone
sonnait dans la chambre d'hôtel d'Oskar. Voici ce que j'entendis
: « Allô ? Qui ?... Quoi ?... Z'est imbozible... Toi, David,
tu es dans zette ville... Oui, Otto est là afec moi, oui... J'arriffe
tout de zuite, donne l'adresse...»
Nous prîmes un taxi et, une heure plus tard, nous étions
tous les trois réunis et fêtions nos retrouvailles.
Ce que j'entendis me peina profondément. David et ses parents avaient
été déportés dans un camp de concentration.
Ses parents étaient morts là-bas, dans une chambre à
gaz. David avait survécu, malade et affamé.
Le père d'Oskar avait été tué sur le front,
et sa mère était morte également, pendant un bombardement,
écrasée sous les décombres d'un mur. Oskar avait
survécu malgré ses blessures.
Comme ils menaient tous deux une vie solitaire, Oskar décida de
s'installer chez David. Nous trois réunis, la vie fut enfin ce
qu'elle devrait toujours être, normale, paisible.
Pour m'occuper, j'ai écrit cette histoire en la tapant comme je
pouvais sur la machine à écrire de David. Et la voici...
Démarches.
En troisième.
J'ai donné cet album à lire au cours d'une séquence
qui s'intitulait " dire la guerre", parmi d'autres documents
dont le point commun était " comment parler de la
guerre aux enfants".
J'ai donc proposé ce groupement quasiment en lecture cursive et
comparative.
Après avoir parcouru tous les textes, chaque groupe ensuite "s'occupait"
d'un document en particulier et devait répondre à ces questions
vastes mais communes à tout le groupement:
Comment l'auteur prend-il en compte ses jeunes lecteurs pour
leur parler de la guerre ?
( type de texte, genre, présentation, point de vue: qui parle?,
rôle des illustrations, référence à l'univers
de l'enfance ...etc..)
Selon vous, arrive-t-il à atteindre ce but? Sinon que devrait-il
faire pour l'atteindre?
Le groupe qui a travaillé sur OTTO, a proposé ces réponses:
(extraits)
" L'autobiographie en "je" permet
de bien entrer dans le texte.Les mots sont simples.
Le choix du narrateur "nounours" fait référence
à l'enfance.Tout le monde a un nounours...
Les illustrations expliquent bien ce qui est raconté . Elles sont
très réalistes. (...)
Mais, si on ne connaît pas bien la guerre de 40 et les camps de
concentration, ce livre demande des explications.."
D'où la consigne suivante donnée à
toute la classe:
"Relisez l'album Otto. Vos camarades ont trouvé
que le texte risquait de ne pas être bien compris si on n'expliquait
pas le contexte historique aux petits lecteurs.
Je vous propose de réaliser ce travail mais vous devrez respecter
le ton du texte original: c'est OTTO lui même qui devra être
le narrateur de votre texte explicatif"
Moment de recherche orale collective:
Que doit-on expliquer?
(Hitler, l'étoile jaune, les camps de concentration ,
le débarquement, le rôle des états Unis etc..)
Recherche dans le manuel d'histoire d'élements explicatifs.
Rédaction du livret d'accompagnement: chaque groupe
doit rédiger une partie de ce document.
exemple: la montée du nazisme:
recherche de documents ( en groupe) ,
mise au point sur ce qui doit être dit ( en groupe) ,
écriture individuelle, co-lecture, amélioration
Voici l'état
final du travail.

Laisse-moi d’abord t’expliquer comment était
ma ville avant la guerre. Je vivais en Allemagne. C'était
un beau pays où l’on s'amusait bien, les gens étaient
heureux, les enfants jouaient tous dans la même rue, dans
les mêmes jardins. Ils dansaient, chantaient, … et
personne ne parlait de différences ni de haine..
D’ailleurs, j’ai fait plein de bêtises avec
mes copains surtout quand on faisait peur à Mme SCHMIDT
! C’était très amusant ! On était heureux.
Mais un jour, un homme , un méchant qui s'appelait Hitler,
a pris le pouvoir. Tout de suite il a voulu séparer les Juifs
des Allemands. Il pensait que ces derniers étaient les meilleurs
, les plus grands, les plus forts du monde.
Mais il disait aussi que les Juifs étaient des faibles, des
nuls, et qu’il fallait les éliminer.
C’était absurde !
C’était absurde mais tout le monde l’a cru !
C’est pour cela que la police a obligé David et sa
famille a porter une étoile jaune sur leurs vêtements
.
Ils étaient marqués comme des bêtes . C'est
à partir de ce moment que les Allemands se sont mis à
les insulter et à les empêcher de vivre.
A un moment donné, je raconte dans mon histoire que David
et ses parents ont été amenés par des hommes
vêtus de noir. Sache que ces hommes-là étaient
terrifiants. Ils pouvaient arrêter les gens sans raison apparente.
Et ils ont arrêté David et sa famille simplement parce
qu'ils étaient juifs. Ils les ont poussés dans un
camion. Ensuite ils les ont entassés avec des milliers d'autres
dans des wagons à bestiaux. David et sa famille ont voyagé
des jours et des nuits sans eau , sans lumière , la faim
et la peur au ventre.
Ensuite pour eux tous, l'horreur a commencé. Ils ont été
parqués dans des camps, des camps de concentration , c'est
comme ça qu'on les appelle . On les a laissé mourir
dans des pires souffrances. Je n'ose pas te dire lesquelles. J'en
ai la chair de poule. C'était un enfer.
Vers la fin de la guerre plusieurs pays ont décidé
enfin de se révolter contre l'Allemagne.
Ces quatre pays étaient la France , les Etats-Unis, l'Angleterre
et l'URSS. Un jour, ils ont bombardé la ville de Berlin pour
arrêter Hitler et sa folie de guerre.
Des bombes explosaient tout autour de moi.
Berlin a été rasée, ce n'était plus
qu'une ruine.
Ma maison elle aussi a été détruite durant
les bombardements. J'étais là tout seul au milieu
de la route à moitié défoncée. Des centaines
de soldats des quatre armées ont alors envahi Berlin pour
empêcher les derniers nazis de continuer à tuer des
personnes innocentes.
C'est donc comme cela que j'ai été retrouvé
par un soldat noir américain.
Pendant la guerre, les juifs ont tout perdu. Beaucoup sont morts
dans ces camps de concentration.
Ceux qui ont survécu à ce calvaire, n’avaient
plus rien du tout.
Leur seule solution : partir !
Certains ont quitté l’Allemagne pour l’Amérique.
Un pays libre, sans guerre !
A la fin de la guerre, David ,tout comme Oskar, s'est retrouvé
seul au monde et l’Amérique est devenue pour lui un
refuge…un moyen de recommencer une seconde vie .
David aurait enfin une vie plus belle, avec de la nourriture, de
l’électricité et beaucoup de choses encore qu’il
avait perdues pendant la guerre.
|
En sixième
Le travail est différent. Il est necessaire d'acompagner la lecture
. Le début est construit sur un flash back. Je propose donc de
bien anlyser le début et la fin du texte.
J'ai compris que j'étais vieux le jour où je me suis
retrouvé dans la vitrine d'un antiquaire.
J'ai été fabriqué en Allemagne. Mes tout premiers
souvenirs sont assez douloureux. J'étais dans un atelier et
l'on me cousait les bras et les jambes pour m'assembler.
(...)
Fin du texte:
Pour m'occuper, j'ai écrit cette histoire en la tapant comme
je pouvais sur la machine à écrire de David. Et la voici...
|
Qui parle?
Quel rapport faites vous entre la première phrase et les 3 suivantes?
Entre la première phrase et la dernière du livre?
Ensuite lecture du texte intégral.
Le texte est donné et les illustations distribuées
à part. Les élèves doivent découper le texte
et reconstituer l'album. ( On peut donner les images dans le désordre,
mais la tâche est trop lourde. Pour l'alléger on ne donne
que quelques images)
Mise en projet
Vous êtes un journaliste. Et vous venez
de découvrir , dans la maison d'Oskar et de David, l'autobiographie
d'OTTO. Vous décidez de publier un dossier complet sur cette histoire
qui vous a bouleversé.
a) Pour ce faire vous décidez d'abord de reconstruire la frise
chronologique de la vie d'Otto. Vous y rajouterez les commenatires des
élèves de troisième
1931 |
1940 |
1945 |
1950 |
1960 |
1960 -1985 |
1985 |
avant la guerre
Allemagne |
début de la guerre
Allemagne |
fin de la guerre
Allemagne |
Etats unis |
Etats Unis |
Etats Unis |
Etats Unis |
Naissance d'Otto |
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Otto arrive aux USA |
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OTTO chez l'antiquaire |
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Je vivais en Allemagne. C'était un beau pays
où l’on s'amusait bien, les gens étaient heureux,
les enfants jouaient tous dans la même rue, dans les mêmes
jardins. Ils dansaient, chantaient, … et personne ne parlait
de différences ni de haine..
D’ailleurs, j’ai fait plein de bêtises avec mes
copains surtout quand on faisait peur à Mme SCHMIDT ! C’était
très amusant ! On était heureux. |
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b) Vous interviewez aussi David et Oskar. Vous leur demandez
de raconter leur vie. Vous pouvez vous aider de la fiche rédigée
par vos camarades de 3°.
David. "Je suis né à Berlin en 1931…
Oskar ; " Je suis né aussi à Berlin en 1931..
c) Vous retrouvez les articles de journaux qui ont parlé
de cette affaire. Il y en a deux à écrire. Pour le deuxième,
vous avez déjà le titre de l'article écrit dans l'histoire.
d) Bien sûr vous pouvez faire d'autres interviews:
Charlie, sa petite fille, la clocharde, l'antiquaire. Vous pouvez aussi
inventer d'autres documents.
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