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Né d’un homme et d’une femme
( Le journal d’un monstre)
Matheson.

 

Cette nouvelle bouleverse les élèves : d’abord parce qu’elle parle de la différence, de la violence, et peut-être, plus profondément encore, de l’image de soi  et de la difficulté d’être.
Un compte rendu se doit donc de poser et de proposer un retour sur tous ces problèmes, mais aussi interroger des pratiques langagières qui ouvrent vers le lycée : l’argumentation.

 

X – Aujourd’hui maman m’a appelé monstre. Tu es un monstre elle a dit. J’ai vu la colère dans ses yeux. Je me demande qu’est-ce que c’est qu’un monstre.

Aujourd’hui de l’eau est tombée de là-haut. Elle est tombée partout j’ai vu. Je voyais la terre dans la petite fenêtre. La terre buvait l’eau elle était comme une bouche qui a très soif. Et puis elle a trop bu d’eau et elle a rendu du sale. Je n’ai pas aimé.

Maman est jolie je sais. Ici dans l’endroit où je dors avec tout autour les murs qui font froid j’ai un papier. Il était pour être mangé par le feu quand il est enfermé dans la chaudière. Il y a dessus FILMS et VEDETTES. Il y a des images avec des figures d’autres mamans. Papa dit qu’elles sont jolies. Une fois il l’a dit.

Et il a dit maman aussi. Elle si jolie et moi quelqu’un de comme il faut. Et toi regarde-toi il a dit et il avait sa figure laide de quand il va battre. J’ai attrapé son bras et j’ai dit tais-toi papa. Il a tiré son bras et puis il est allé loin où je ne pouvais pas le toucher.
Aujourd’hui maman m’a détaché un peu de la chaîne et j’ai pu aller voir dans la petite fenêtre. C’est comme ça que j’ai vu la terre boire l’eau de là-haut.

 

XX- Aujourd’hui là-haut était jaune. Je sais quand je le regarde mes yeux ont mal. Quand je l’ai regardé il fait rouge dans la cave.

Je pense que c’était l’église. Ils s’en vont de là-haut. Ils se font avaler par la grosse machine et elle roule et elle s’en va. Derrière il y a la maman petite. Elle est bien plus petite que moi. Moi je suis très grand. C’est un secret j’ai fait partir la chaîne du mur. Je peux voir comme je veux dans la petite fenêtre.

Aujourd’hui quand là-haut n’a plus été jaune j’ai mangé mon plat et j’ai mangé des cafards. J’ai entendu des rires dans là-haut. J’aime savoir pourquoi il y a des rires. J’ai enlevé la chaîne du mur et je l’ai tournée autour de moi. J’ai marché sans faire de bruit jusqu’à l’escalier qui va à là-haut. Il crie quand je vais dessus. Je monte en faisant glisser mes jambes parce que sur l’escalier je ne peux pas marcher. Mes pieds s’accrochent au bois.

Après l’escalier, j’ai ouvert une porte. C’était un endroit blanc comme le blanc qui tombe de là-haut quelquefois. Je suis rentré et je suis resté sans faire de bruit. J’entendais les rires plus forts. J’ai marché vers les rires et j’ai ouvert un peu une  porte et puis j’ai regardé. Je ne vois jamais les gens c’est défendu de les voir. Je voulais être avec eux pour rire aussi.

Et puis maman est venue et elle a poussé la porte sur moi. La porte m’a tapé et j’ai eu mal. Je suis tombé et la chaîne a fait du bruit. J’ai crié. Maman a fait un sifflement en dedans d’elle et elle a mis la main sur sa bouche. Ses yeux sont devenus grands.

Et puis j’ai entendu papa appeler. Qu’est-ce qui est tombé il a dit. Elle a dit rien un plateau. Viens m’aider à le ramasser elle a dit. Il est venu et il a dit c’est donc si lourd que tu as besoin. Et puis quand il m’a vu il est devenu laid. Il y a eu la colère dans ses yeux. Il m’a battu. Mon liquide a coulé d’un bras. Il a fait tout vert par terre. C’était sale.

Papa a dit retourne à la cave. Je voulais y retourner. Mes yeux avaient mal de la lumière. Dans la cave ils n’ont pas mal.

Papa m’a attaché sur mon lit. Dans là-haut il y a eu encore des rires longtemps. Je ne faisais pas de bruit et je regardais une araignée toute noire marcher sur moi. Je pensais à ce que papa a dit. Ohmondieu il a dit. Et il n’a que huit ans.

 

XXX- Aujourd’hui papa a remis la chaîne dans le mur. Il faudra que j’essaie de la refaire partir. Il a dit que j’avais été très méchant de me sauver. Ne recommence jamais il a dit ou je te battrai jusqu’au sang. Après ça j’ai très mal.

J’ai dormi la journée et puis j’ai posé ma tête sur le mur qui fait froid. J’ai pensé à l’endroit blanc de là-haut. J’ai mal.

 

XXXX – J’ai refait partir la chaîne du mur. Maman était dans là-haut. J’ai entendu des petits rires très forts. J’ai regardé dans la fenêtre. J’ai vu beaucoup de gens tout petits comme la maman petite avec aussi des papas petits. Ils sont jolis.

Ils faisaient des bons bruits et ils couraient partout sur la terre. Leurs jambes allaient très vite. Ils sont pareils que papa et maman. Maman dit que tous les gens normaux sont comme ça.

Et puis un des papas petits m’a vu. Il a montré la petite fenêtre. Je suis parti et j’ai glissé le long du mur jusqu’en bas. Je me suis mis en rond dans le noir pour qu’ils ne me voient pas. Je les ai entendus parler près de la petite fenêtre et j’ai entendu les pieds qui couraient. Dans là-haut il y a eu une porte qui a tapé. J’ai entendu la maman petite qui appelait dans là-haut. Et puis j’ai entendu des gros pas et j’ai été vite sur mon lit. J’ai remis la chaîne dans le mur et je me suis couché par-devant.

J’ai entendu maman venir. Elle a dit tu as été à la fenêtre. J’ai entendu la colère. C’est défendu d’aller à la fenêtre elle a dit. Tu as encore fait partir ta chaîne. Elle a pris la canne et elle m’a battu. Je n’ai pas pleuré. Je ne sais pas le faire. Mais mon liquide a coulé sur tout le lit. Elle l’a vu et elle a fait un bruit avec sa bouche et elle est allée loin. Elle a dit ohmondieu mondieu pourquoi m’avez-vous fait ça. J’ai entendu la canne tomber par terre. Maman a couru elle est partie dans là-haut. J’ai dormi la journée.

 

XXXXX – Aujourd’hui il y a eu l’eau une autre fois. Maman était dans là haut et j’ai entendu la maman petite descendre  l’escalier tout doucement. Je me suis caché dans le bac à charbon parce que maman aurait eu colère si la maman m’avait vu.

Elle avait une petite bête vivante avec elle. Elle avait des oreilles pointues. La maman petite lui disait des choses.

Et puis il y a eu que la bête vivante m’a senti. Elle a couru dans le charbon et elle m’a regardé. Elle a levé ses poils. Elle a fait un bruit en colère dans ses dents. J’ai sifflé pour la faire partir mais elle a sauté sur moi.

Je ne voulais pas lui faire de mal. J’ai eu peur parce qu’elle m’a mordu encore plus fort que les rats. Je l’ai attrapée et la maman petite a crié. J’ai serré la bête vivante très fort. Elle a fait des bruits que je n’avais jamais entendus. Et puis je l’ai lâchée. Elle était toute écrasée et toute rouge sur le charbon.

Je suis resté caché quand maman est venue et m’a appelé. J’avais peur de la canne. Et puis elle est partie. Je suis sorti et j’ai emporté la bête. Je l’ai cachée dans mon lit et je me suis couchée dessus. J’ai remis la chaîne dans le mur.

 

X- Aujourd’hui est un autre jour. Papa a mis la chaîne très courte et je ne peux pas m’en aller du mur. J’ai mal parce qu’il m’a battu. Cette fois j’ai fait sauter la canne de ses mains et puis j’ai fait mon bruit. Il s’est sauvé loin et sa figure est devenue toute blanche. Il est parti en courant de l’endroit où je dors et il a fermé la porte à clef.

Je n’aime pas. Toute la journée il y a les murs qui font froid. La chaîne met longtemps à partir. Et j’ai une mauvaise colère pour papa et maman. Je vais leur faire voir. Je vais faire la même chose que l’autre fois. D’abord je ferai mon cri et je ferai des rires. Je courrai après les murs. Après je m’accrocherai la tête en bas par toutes mes jambes et je rirai et je coulerai vert de partout et ils seront très malheureux d’avoir été méchants avec moi.

Et puis s’ils essaient de me battre encore je leur ferai du mal comme j’ai fait à la bête vivante. Je leur ferai très mal.

 

a) Fiche projet 

 

Rédaction du dossier du procès “ L’état contre M et Me Masson, parents de William Masson.

Dans le dossier du procès, il doit y avoir:

·                L’acte d’accusation:

C’est un récit fait par un narrateur externe. Ce récit doit raconter les faits reprochés aux accusés. Pour vous aider, lire la déclaration des droits de l’enfant.

·                Des témoignages:

Nous en avons un: le journal intime du monstre. C’est un témoignage à charge (contre).

On peut imaginer un autre témoignage à charge, celui du policier qui a libéré le “monstre”

On peut aussi faire témoigner des amis du couple ( témoignage à décharge) qui évoquent la gentillesse, l’honnêteté des parents.

·                La plaidoirie du procureur qui accuse les parents. C’est un texte argumentatif en je

·                La plaidoirie de l’avocat de la défense. C’est un texte argumentatif en je.

·                Les pièces à conviction : commentées.( objets maquettes etc…)

 

Le travail sera un travail de groupe avec partage de tâches, co-lecture et correction des textes produits. A chaque séance un membre du groupe fera un rapport sur les activités de  chacun, sur les travaux personnels à faire à la maison. Ce rapport sera rendu au professeur.


Voici les  Personnages principaux.

 

Evelyn Shumway: mère de Williams et de Rébecca, 30 ans. Née dans une famille modeste de six enfants. Enfance heureuse malgré le manque d’argent. Douce et calme. Etudes sérieuses. Bonne élève. A une bourse pour aller à l’université. Etudes d’économie. Rencontre son futur mari lors d’un bal d’université. Fiançailles, mariage un an après. S’installent dans une maison au 37 main street à Roanoke. Travaille dans un bureau de change dans sa ville. Enceinte lors de l’accident de la centrale nucléaire de San  Pedro à quelques kilomètres de la maison. Obligée de quitter son travail, grossesse difficile. Accouchement à la maison par refus de le faire à l’hôpital après une dispute avec le docteur

John Maxwell. Dépression nerveuse. Vit à la maison. S’occupe du catéchisme.

 

John Shumway , mari de Evelyn. 32 ans . Né dans une famille bourgeoise, très catholique de trois enfants, c’est un enfant renfermé qui peut-être violent. Sa mère ne l’aime pas. Seul son père lui accorde de l’intérêt. Etudes correctes, il devient ingénieur. Rencontre sa femme à l’université. Travaille dans la centrale nucléaire de San Pedro. Très bien noté par ses patrons, il s’occupe de l’équipe de foot le dimanche.

 

Rebecca Shumway : fille de la famille 5 ans , bonne élève, mais fait beaucoup de cauchemars. Ne supporte pas le noir ni les cris. A vu un psy à l’école, rien n’a été remarqué. Inquiétude de son institutrice Rosemary Chance.

 

William Shumway : 8 ans

George et Mary Banks : les amis de la famille. Le mari travaille avec John. Font souvent des soirées ensemble.

 

Julian  et Sonia Mereny : voisins de la famille 58 ans . retraités . Accueillent souvent leur petite fille Mélany qui a vu le monstre. Ce sont eux qui dénonceront la famille à la police.

Bill Pronzini : le commissaire chargé de l’enquête.



2
Exemples de productions :
a) une pièce à conviction.

 

Cave où a vécu W. S ( doc n° 152.A)
Sur cette photo seule la partie débarras est visible. On peut remarquer l’étroitesse du lieu.
Dans ces cartons nous avons retrouvé une série de vieilles revues griffonnées de la main de l’enfant prisonnier.
Ont été retrouvées aussi :  des vêtements déchirés visiblement portés par la victime,

des gamelles en plastique ou métal encore en partie remplies de nourriture, des chaînes coupées, des martinets lanières de cuir.
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B) Interrogatoire  Du Docteur Maxwell

A la police de New York Heure : 14 Heures 30

 

Bill Pronzini : Dr Maxwell étiez-vous bien le médecin de Mme Shumway ?

Dr Maxwell : Oui, à vrai dire, je suis le médecin de famille des Shumway depuis qu'ils ont aménagé par ici, c'est à dire depuis cinq ans.

Bill Pronzini : Saviez-vous qu'elle avait un fils ?

Dr Maxwell : Non,je ne le savais pas. Mme Shumway venait régulièrement me voir pour sa fille ou pour elle mais jamais je n'ai eu à faire à son fils.

Bill Pronzini : Elle n'a jamais fait allusion à lui durant vos discussions ?

Dr Maxwell : Jamais à ce que je me souvienne. Vous savez. Madame Shumway était très dépressive. Elle venait me voir pour obtenir des calmants. Je lui ai même prescrit quelques séances chez un psychologue mais elle n'y est jamais allée. Pour autant, je n'ai jamais su la vraie cause de son mal être. Tout d'abord, j'ai émis l'hypothèse que son mari la battait ,car elle venait me voir en ayant parfois des bleus sur tout le corps. Et pour justifier ces violences, elle mentait et me disait soit qu'elle était tombée des escaliers ou de son lit ou qu'elle s'était fait cela toute seule dans un moment de grande colère. Elle était très réservée et mystérieuse.

Bill Pronzini : Etes-vous déjà allé chez eux pour une intervention urgente ou pour autre chose ?

 Dr Maxwell : Oui, une seule fois mais cette fois-ci c'était pour son mari qui avait tenté de se suicider en avalant une boîte de somnifères. Comme vous pouvez vous en apercevoir, c'était une famille assez bizarre.

Bill Pronzini : Je vous remercie. Docteur, ce sera tout pour l'instant.

 

 

c) Une plaidoirie.


Messieurs et Mesdames les Jurés,

Regardez un instant les monstres qui sont devant vous! Regardez les et dites-moi si vous pouvez soutenir leur regard!

Mesdames et Messieurs les jurés,  cet homme et cette femme ont séquestré un enfant , leur enfant, pendant des années, au fond d'une cave, sans lumière, avec pour seule compagnie, des rats! Oui des rats!

Je suppose que dans la salle,  parmi tous ceux qui m'écoutent, il y a  des pères et des mères de familles qui aiment leurs enfants. Moi aussi, je suis père de famille et comme vous, je suis fou amoureux de mes deux enfants. J'adore les voir jouer au soleil, j'adore les voir courir dans les champs , au printemps quand la nature sent le parfum des roses et des cerisiers… Un enfant, un père, une mère. C'est une image du paradis.

Mais ces gens-là,  ceux que vous voyez maintenant écrasés de chagrin au  fond de leur box d'accusés, ceux-là, oui, et je le clame, ceux là ignorent tout de cet amour que nous partageons tous.

Pour moi, aimer un enfant ne signifie pas le battre. Pour moi, pour vous, aimer un enfant ce n'est pas le tenir enfermé et enchaîné à longueur de journée au fin fond d'une cave insalubre. 

Mais pour eux, oui pour eux, aimer c'est enfermer, frapper, haïr.

C'est  là le sens que Monsieur et Madame Shumway donnent à ce verbe merveilleux qu'est le verbe aimer.  Pendant huit ans, ils ont battu et séquestré leur fils William . Nous sommes dans l'horreur! .

Bien-sûr,  il est vrai que William est différent, qu'il fait peur à voir, Mais est-ce une raison pour le maltraiter ainsi ?

Faut-il battre à mort tous les handicapés parce qu'ils sont différents, parce qu'il leur manque un bras, une jambe où qu'ils ne comprennent pas nos phrases? Faut-il les éloigner de la lumière du soleil parce que nos yeux ne les supportent pas?

Je réponds non , non et non! Le devoir des  parents n'est pas de maltraiter ni de séquestrer leur enfant . Au contraire, leur devoir est de  protéger leur descendance, quelle qu'elle soit, belle ou laide, intelligente ou pauvre d'esprit.

Ainsi,  le premier des devoir d'un parents - j'irais même plus loin, le premier des devoirs de tout être humain -  est d'aimer sans crainte, sans poser de questions, sans regarder à la couleur de la peau ou à la forme d'une main.   Aimer devient alors magique: aimer enseigne les vertus de la vie et , par dessus tout, au delà du temps et de l'espace, aimer enseigne à aimer.

Mais, pour nos accusés, rien de tout ce que je peux dire n'a de sens.  Comment voulez-vous que le pauvre enfant  sache ce que veut dire aimer, respecter, bouger en toute liberté?  Pour toute enfance, notre malheureux n'a connu que la violence, la haine et l'infamie..

On dit qu'il est méchant.  C'est vrai, mais peut-il en être autrement? S'il est devenu aussi cruel, si assoiffé de meurtre , à qui la faute ?

A ses parents, à cette mère, à ce père, à cette cave, à ce Monsieur Shumway,  à cette Madame Shumway.

 Je me permets de rêver. Si , tout bébé , ce monstre  avait connu , ne serait-ce qu'une heure de sa triste vie, la simple tendresse d'un père ou  d'une mère , il ne serait jamais devenu ce qu'il est aujourd'hui!  Mais Monsieur et Madame Shumway ne lui ont jamais donné la chance d'une caresse.

Je vous demande donc,  chers Messieurs et Mesdames les Jurés, j 'exige même que vous punissiez  ces parents indignes. Certes rien n'effacera le mal qu'ils ont fait,  mais peut-être que notre âme de parents sera à tout jamais débarassé de ces visions d'horreur!