Loubard et Perruchet
Luc Richer, Christophe Besse
( épuisé en librairie)


Voici un texte plutôt plaisant quoique un peu trop , à mon goût, linguistiquement correct .Cet album raconte en effet l'affrontement entre deux cultures, celle symbolisée par  la langue fleurie du  maître (ce presque-poéte s'appelle  Vincrilet , Écrivain à l'envers) et celle, oh combien plus créative et poétique! contenue toute entière dans les inventions verbales des deux loubards. Hélas,  la belle langue versifiée du maître gagne à la fin… non pas officiellement , mais juste parce que, expert absolu et apprenant modèle, il parvient à maîtriser, lui, toutes les formes du français.
Les loubards sont un savant mélange  à la fois du Prince de Motordu ( paronymie et mots tordus) de San Antonio ( vocabulaire "racaille" et images argotiques savoureuses ) et du vrai blouson noir tout droit sorti d'un vieux film français des années 50…
Que faire avec cet album?
- Jouer avec les illustrations…  Si certaines sont au ras du texte  et s'avèrent utiles pour identifier personnages et narratrice,  d'autres interprètent les jeux de mots … ( à la façon d' Alain Lesaux)
- Essayer de  faire catégoriser "les langues" des loubards: langage familier, argot, verlan, images, mots tordus, paronymes.. etc comme pour créer une grammaire de la langue familière… ( la comparaison avec la langue du maître est alors terrible: la maître n'est que dans la norme!)
- Comparer les enjeux de ce récit avec celui , sans doute plus "vrai", de Bernard Friot dans "histoires pressées"
Comparer aussi avec "le Prince de Motordu " qui parce qu son monde est un monde de mots en liberté fait entrer ses lecteurs en littérature.
- et puis, réécrire la fin.. Le maître a appris sa leçon, mais les loubards parlent désormais en SMS…
" C 1 fin + drol é – prise 2 têt!"

Texte intégral de l'album.

Monsieur Vincrilet c'est notre instituteur.
Il est chouette, il est cool avec nous.
Moi je l'adore.
Il a un tic, une manie :
quand il nous parle, les mots se cognent
et résonnent ensemble.
Par exemple, le matin,
il dit : « Bonjour, les p'tits amis !
Aujourd'hui, c'est lundi.
Bien remis? Bien dormi? »
Et ainsi de suite, avec des « i ».
Ou bien encore, à la sortie :
« Au revoir, au revoir,
ne traînez pas sur les trottoirs,
et pensez aux devoirs ! »
Et tout en « oir », comme le mot soir »
Nous, on l'écoute avec plaisir :
c'est amusant qu'il parle en vers.
Somme toute, il est heureux.
Enfin presque.
Je dis presque,
parce qu'il y a Loubard et Perruchet...
Loubard est tout petit, tout trapu, très musclé ;
Perruchet est très grand, tout en long, maigrelet.
Tous deux parlent sans cesse à tort et à travers,
et Monsieur Vincrilet ne comprend pas toujours.
Par exemple, le matin :
« Hé, m'sieur, on a vu vot'caisse devant l'école,
qu'est-ce qu'elle craint !
Hé, la peinture, c'est pour les clebs? »
Ou bien encore, à la sortie :
« Bon, Loubard, on s'arrache...
- S'arracher,
Perruchet? dit Monsieur Vincrilet.
Décidément, toi et Loubard,
vous ne pensez qu'à la bagarre !
-Mais non, m'sieur, fait Loubard,
ça veut dire qu'on s'en va.
-Ouais, dit Perruchet, on trisse nos ruines, quoi !
Charlemagne-toi, Loubard, on va être à la bourre...
- Tiens? Loubard au labour? » s'étonne le maître.
Pauvre Monsieur Vincrilet !
Il a bien du mal avec eux :
s'il leur demande de dessiner
soit un triangle, soit un carré,
ils disent : « ça a pas d'forme ».
L'instituteur a beau leur expliquer,
rien à faire, « ça a pas d'forme ».
Et c'est comme ça pour tout...
En plus, figurez-vous que Perruchet
ne comprend rien aux vers de Monsieur Vincrilet.
Alors Loubard traduit pour son fidèle ami :
« Regardez la porte, dit l'instituteur.
- Matez la lourde, traduit Loubard.
-Perruchet, mon ami,
tu n'as pas bien compris...
-La Perruche, mon p'tit pote,
tu pédales dans le yaourt...
-Au lieu de paresser,
il faudrait travailler...
-Tu tires ta flemme un max,
faudrait t'mett' à bosser... »
C'est très pénible,
parce que Loubard traduit tout haut.
Parfois aussi, ils s'insultent.
Loubard lui fait : « Alors, La Perruche,
quand est-ce que tu l'ouvres, ta mercerie? »
Perruchet réagit :
« Hé, m'sieur, il m'traite !
- Il te traite de quoi?
- Ben... de mercenaire ! »
Alors Loubard bondit :
« C'est même pas vrai, m'sieur, j'lai pas traité !
L'écoutez pas, il vous endort,
il vous dit ça pour m'afficher !
-Qui ça, moi? Ça va pas ! fait Perruchet

Est-ce que j'ai une tête à afficher?
- Ouais, la tienne !
Ça f'ra d'la pub pour ta mercerie...
-Hé, m'sieur, il m'traite ! »...
Quand Loubard et Perruchet sont un peu fatigués,
les mots trébuchent dans leurs bouches :
ils confondent
pulmonaire et pull-over,
difficile et des ficelles,
dentifrice et Jean qui frise...
Pour eux, grammaire devient grand-mère
alors ils disent des énormités.
Par exemple : « La grand-mère, c'est pas des ficelles,
c'est quand les adjectifs s'accordent en chair et en os
Et même, assez souvent,
Loubard et Perruchet discutent en verlan
(ou à l'envers, si l'on préfère).
Pour eux, un monstre est un streumon
(c'est bien plus monstrueux, dit Perruchet) ;
tarpé veut dire pétard,
tomber devient béton...
et Monsieur Vincrilet,
puisqu'il nous parle en vers,
c'est Monsieur L'Ecrivain.
L'instituteur est débordé.
Après la classe, un soir,
il a gardé Loubard et Perruchet.
«Pour parler à l'endroit,
répétez après moi :
un beau rat, dit le maître.
- Un rabot, dit Loubard.
-Un long séjour.
-Un jour, c'est long !
-Carotte !
-Tocard ! »
A la fin ils fatiguaient
et, de nouveau, mélangeaient tout :
«Bon, à toi, Perruchet !
Après moi : ricochet.
-Chicorée.
-C'est l'hiver.
-Vermicelle.
-Marignan.
- Y en a marre ! »
Et de plus en plus dingue :
«Une belle corrida.
- Une pelle d'haricots.
- Austerlitz.
- Liz Taylor.
- Ça suffit !
- Salsifis ! »
Le maître s'est fâché :
«Taisez-vous donc, mauvais élèves !
Oh ! La colère en moi s'élève... »
Et Loubard de traduire :
«Ecrasez, bande de taches,
ou j'me mets en tarpé ! »
Moi, je n'aime pas quand le maître est malheureux.
Là, il avait vraiment les boules.
Alors hier au soir, j'ai mis un mot chez lui.
Ou plutôt tous les mots :
« Exagérer devient charrier, étonner se dit tuer,
une heure se dit une plombe et la tête, c'est la tronche...
Et au bas de ma lettre :
« Entrez donc dans le jeu,
sachez parler comme eux !
Signé : Marion. »
Et aujourd'hui, en classe, l'instituteur leur a parlé :
« Bon, les mecs, ça fait deux plombes que vous vous payez
ma tronche, alors j'en ai ras l'cake ! J'veux bien être cool,
mais là vous charriez un max...
Il avait bien appris sa leçon !
Loubard et Perruchet, ça les a tués.
Ça les a tellement sciés qu'ils ont fait une promesse :
ils ont dit qu'à présent ils feraient gaffe à Grand-Mère,
et même que quelquefois ils parleraient... en vers !
Le maître a dit qu'on était tous super

A propos des images…

a) Qui sont ces personnages? Justifie ta réponse par des extraits du texte.


    

Selon toi, que représentent ces deux illustrations?

  

c) Quel épisode illustre cette image. Explique ton choix.