Sommaire
Les
Hommes sont différents
Alan Bloch

 

 Voici une très courte nouvelle sur le point de vue inversé. C’est un robot qui parle, comme un homme, des hommes qu’il étudie.
la nouvelle est transparente et ne pose aucun problème de lecture.
Pour la rendre plus problématique, je l’ai volontairement obscurcie en gommant au maximum les explications données par l’auteur ( voir le texte manipulé).
Après lecture, on peut demander aux élèves de dessiner les deux personnages et d’en donner les caractéristiques.
Ensuite, lecture du  texte original , aux élèves ensuite d’expliquer pourquoi le lecteur a été trompé.


Je suis archéologue, spécialisé dans l'étude des Hommes. Je me demande cependant si toutes ces recherches sur les planètes mortes nous apprendront jamais ce qu'étaient les Hommes - nous apprendront réellement, veux-je dire, en quoi les Hommes étaient différents de nous autres Robots. Voyez-vous, j'ai vécu en compagnie d'un Homme pendant quelque temps, et je sais que les choses ne sont pas aussi simples qu'on nous l'avait appris à l'école.

Nous possédons quelques archives, bien sûr, et d'autres Robots s'efforcent comme moi de combler certaines lacunes, mais je pense maintenant que nous ne faisons aucun progrès réel. Nous savons - c'est du moins ce qu'affirment les historiens - que les Hommes venaient d'une planète appelée Terre. Nous savons aussi qu'ils s'étaient aventurés vaillamment d'étoile en étoile, et qu'ils avaient établi des colonies partout où ils s'étaient arrêtés - des colonies d'Hommes, de Robots, et parfois des deux - en prévision de leur retour. Mais ils ne sont jamais revenus.

Le monde connaissait alors des jours glorieux. Sommes-nous si vieux, à présent ? Les Hommes avaient en eux une flamme ardente - l'ancien mot est «  divine », je crois - qui les faisait s'élancer vers les profondeurs des cieux nocturnes. Mais nous avons perdu le fil de la toile qu'ils avaient tissée.

Nos experts scientifiques nous disent que les Hommes nous res­semblaient beaucoup ; le squelette de l'Homme est en effet presque identique à celui du Robot, sauf qu'il est constitué d'une sorte de composé calcique au lieu de titane. Ils parlent savamment d'une «  pression démographique » qui aurait été la «  force motrice de l'ex­ploration du cosmos ». Quoi qu'il en soit, il y a d'autres différences.

C'est au cours de mon dernier voyage d'étude sur l'une des planètes intérieures que j'ai rencontré l'Homme. Il devait être le dernier Homme du système, et il était seul depuis si longtemps qu'il avait oublié toute forme de langage. Une fois qu'il eut appris le nôtre, cependant, nous nous entendîmes si bien que je fis le projet de le ramener avec moi. Mais il lui arriva quelque chose.

Un jour, sans aucune raison, il s'est plaint de la chaleur. J'ai vérifié sa température et en ai conclu que ses circuits thermostatiques étaient grillés. Comme j'avais avec moi des pièces de rechange et qu'il était manifestement détraqué, je me suis mis au travail. Je l'ai désactivé sans aucun problème. Quand je lui ai enfoncé l'aiguille dans le cou pour actionner le coupe-circuit, il a cessé de bouger, exactement comme un Robot. Mais je me suis aperçu en l'ouvrant qu'il était différent à l'intérieur, et je ne suis pas parvenu à le remettre en marche après l'avoir remonté. Puis il s'est pour ainsi dire désagrégé ; au moment de quitter la planète, environ un an plus tard, il ne restait rien de lui que des os. C'est vrai, les Hommes sont différents.

 

Alan Bloch  Les Hommes sont différents- traduit de l'anglais par Jacques Polanis.

 

Texte manipulé.



Je suis archéologue, spécialisé dans l'étude des Wulma-ters. Je me demande cependant si toutes ces recherches sur les planètes mortes nous apprendront jamais ce qu'étaient les Wulma-ters - nous apprendront réellement, veux-je dire, en quoi les Wulma-ters étaient différents de nous. Voyez-vous, j'ai vécu en compagnie d'un Wulma-ter pendant quelque temps, et je sais que les choses ne sont pas aussi simples qu'on nous l'avait appris à l'école.

Nous possédons quelques archives, bien sûr, et d'autres s'efforcent comme moi de combler certaines lacunes, mais je pense maintenant que nous ne faisons aucun progrès réel. Nous savons - c'est du moins ce qu'affirment les historiens - que les Wulma-ters venaient d'une planète lointaine. Nous savons aussi qu'ils s'étaient aventurés vaillamment d'étoile en étoile, et qu'ils avaient établi des colonies partout où ils s'étaient arrêtés - des colonies de Wulma-ters, de Robots, et parfois des deux - en prévision de leur retour. Mais ils ne sont jamais revenus.

Le monde connaissait alors des jours glorieux. Sommes-nous si vieux, à présent ? Les Wulma-ters avaient en eux une flamme ardente - l'ancien mot est «  divine », je crois - qui les faisait s'élancer vers les profondeurs des cieux nocturnes. Mais nous avons perdu le fil de la toile qu'ils avaient tissée.

Nos experts scientifiques nous disent que les Wulma-ters nous res­semblaient beaucoup ; le squelette de l'Wulma-ter est en effet presque identique au nôtre, sauf qu'il est constitué d'une sorte de composé calcique au lieu de titane. Ils parlent savamment d'une «  pression démographique » qui aurait été la «  force motrice de l'ex­ploration du cosmos ». Quoi qu'il en soit, il y a d'autres différences.

C'est au cours de mon dernier voyage d'étude sur l'une des planètes intérieures que j'ai rencontré le Wulma-ter. Il devait être le dernier Wulma-ter du système, et il était seul depuis si longtemps qu'il avait oublié toute forme de langage. Une fois qu'il eut appris le nôtre, cependant, nous nous entendîmes si bien que je fis le projet de le ramener avec moi. Mais il lui arriva quelque chose.

Un jour, sans aucune raison, il s'est plaint de la chaleur. J'ai vérifié sa température et en ai conclu que ses circuits thermostatiques étaient grillés. Comme j'avais avec moi des pièces de rechange et qu'il était manifestement détraqué, je me suis mis au travail. Je l'ai désactivé sans aucun problème. Quand je lui ai enfoncé l'aiguille dans le cou pour actionner le coupe-circuit, il a cessé de bouger, exactement comme nous. Mais je me suis aperçu en l'ouvrant qu'il était différent à l'intérieur, et je ne suis pas parvenu à le remettre en marche après l'avoir remonté. Puis il s'est pour ainsi dire désagrégé ; au moment de quitter la planète, environ un an plus tard, il ne restait rien de lui que des os. C'est vrai, les Wulma-ters sont différents.