Sommaire
Façons de parler.
Bernard Friot
Papa, il est prof de français…Oh, pardon : mon père enseigne
la langue et la littérature françaises. C’est pas marrant tous les
jours ! Je veux dire : parfois, la profession de mon père
est pour moi cause de certains désagréments.
L’autre jour , par exemple. En sciant du bois, je me suis coupé le pouce.
Profond ! J’ai couru trouver papa qui lisait dans le salon.
- Papa, papa ! Va vite chercher un pansement, je pisse le sang !
ai-je hurlé en tendant mon doigt blessé.
- Je te prie de bien vouloir t’exprimer correctement, a répondu mon
père sans même lever le nez de son livre.
- Très cher père, ai-je corrigé, je me suis entaillé le pouce
et le sang s'écoule abondamment de la plaie!
- Voilà un exposé des faits clair et précis, a déclaré papa.
- Mais grouille-toi, ça fait vachement mal! ai-je
lâché, n'y tenant plus
- Luc je ne comprends pas ce langage, a répliqué
papa, insensible.
-
La douleur est intolérable, ai-je
traduit, je te serais donc extrêmement reconnaissant de bien m’accorder
sans délai les soins nécessaires.
-
Ah, voilà qui est mieux, a
commenté papa satisfait. Examinons d’un peu plus
près
cette égratignure.
Il a baissé son livre et m’a aperçu, grimaçant de douleur et serrant
mon pouce sanguinolent.
-
Mais t’es cinglé ou quoi ? a-t-il hurlé, furieux. Veux-tu foutre
le camp , tu pisses le sang ! Tu as dégueulassé la moquette !
File à la salle de bains et démerde-toi ! Je ne veux pas voir cette
boucherie !
-
J’ai failli répondre : « Très cher papa, votre façon de
parler m’est complètement étrangère. Je vous saurais gré de bien vouloir
vous exprimer en français.» Mais j’ai préféré ne rien dire.
De toute façon, j’avais parfaitement compris. Je suis doué pour les
langues , moi.
Le texte manipulé.
Façons de parler.
Papa,
il est prof de français…Oh, pardon : mon père enseigne
la langue et la littérature françaises.
C'est pas marrant tous les jours ! Je veux dire : parfois,
la profession de mon père est pour moi cause de certains
désagréments.
L'autre
jour , par exemple. En sciant du bois, je me suis coupé le
pouce. Profond ! J'ai couru trouver papa qui lisait dans
le salon.
-
Papa, papa ! Va vite chercher un pansement, je pisse le
sang ! ai-je hurlé en tendant mon doigt blessé.
-
Je te prie de bien vouloir t'exprimer correctement, a répondu
mon père sans même lever le nez de son livre.
-
Voilà un exposé des faits clair et précis,
a déclaré papa.
- Luc je ne comprends pas ce langage,
a répliqué papa, insensible.
-
La douleur est intolérable, ai-je
traduit, je te serais donc extrêmement reconnaissant
de bien m'accorder sans délai les soins nécessaires.
- Ah,
voilà qui est mieux, a commenté papa satisfait.
Examinons d'un peu plus
près
cette égratignure.
Il
a baissé son livre et m'a aperçu, grimaçant
de douleur et serrant mon pouce sanguinolent.
-
Mais t'es cinglé ou quoi ? a-t-il hurlé,
furieux. Veux-tu foutre le camp , tu pisses le sang !
Tu as dégueulassé la moquette ! File à la
salle de bains et démerde-toi ! Je ne veux pas
voir cette boucherie !
-
J'ai failli répondre : « Très
cher papa, votre façon de parler m'est complètement étrangère.
Je vous saurais gré de bien vouloir vous exprimer en
français.» Mais j'ai préféré ne
rien dire.
De
toute façon, j'avais parfaitement compris. Je suis doué pour
les langues , moi.
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Démarche.
La démarche vise à faire construire le concept de niveau de langue,
non pas seulement de façon mécaniste ni bêtement « sociologique »,
mais en essayant de le raccrocher à la situation d’énonciation
a) Début du texte :
« Papa, il est prof de français…Oh, pardon : mon père enseigne
la langue et la littérature françaises. C’est pas marrant tous les
jours ! Je veux dire : parfois, la profession de mon père
est pour moi cause de certains désagréments. »
Pourquoi
le narrateur dit-il : « C’est pas marrant tous les jours ? »
Le narrateur possède deux « façons de parler, deux langues françaises » :
Comment les appelleriez vous ?
b) suite de l’histoire.
Le professeur propose alors d'écrire dans les blancs du texte.
Lorsque le travail sur table est terminé, quatre élèves
sont envoyés au tableau en même temps. Chacun écrit
ses productions et un travail de comparaison peut commencer. Pour que
ce travail soit riche, il est nécessaire de choisir des élèves
qui ont produit des textes divers, parfois "fautifs" afin
que le débat puisse s'installer.
En effet, il est intéressant de noter combien les représentations
des élèves quant à la langue soutenue par exemple,
sont variées et parfois surprenantes. Pour l'un la transformation
de "papa" en "père" ou le passage du "tu"
au "vous" suffisent à marquer le changement de niveau
de langue. Pour d'autres le choix d'un vocabulaire plus "riche"
marquera ce passage. Rares sont ceux qui modifient l'organisation de
la phrase en même temps qu'ils choisissent un vocabulaire adapté.
C'est dans la confrontation de ces diverses conceptions que peuvent
- collectivement- se construire, d'abord les caractéristiques
du langage soutenu, ensuite celui du langage familier… et celui du langage
courant.
c)
Lecture de la fin du texte :
Que se passe-t-il ?
Pourquoi le papa parle-t-il ainsi ?
Pourquoi le narrateur dit-il : « -
J’ai failli répondre : « Très cher papa, votre façon de parler
m’est complètement étrangère. Je vous saurais gré de bien vouloir vous
exprimer en français.» Mais j’ai préféré ne rien dire. »
A ce moment de l'activité,
juste après l'éclat de rire gêné et général
de la classe," Un prof parle comme ça ? Et vous , Monsieur,
ça vous arrive de dire des gros mots ?" les élèves
découvrent qu'une langue varie non pas selon la catégorie
sociale à laquelle on appartient, mais plutôt selon la
situation d'énonciation dans laquelle se trouve son locuteur...
Et un locuteur, même professeur de langue française, peut
se mettre en colère.
d) synthèse
« Nous sommes tous doués pour les langues »
Qui parle familièrement ? Dans quelles circonstances ?
Essayez de trouver des situations où vous parlez en langage courant,
soutenu, familier…
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