Sommaire
LES EMBOUTEILLAGES
Philippe Cousin 
«Tu m'aimes?», éd. Atelier du Gué.

 


Ce  petit texte de Philippe Cousin est une fable moderne qui  dénonce violemment  les méfaits de la voiture et sa toute puissance.
La démarche présentée est  un celle d’un texte lacunaire à dévoilement progressif . L’objectif est de faire  repérer aux élèves  comment à partir d’une structure  narrative très simple, il est possible de construire un univers  à la fois fantastique et  terriblement polémique..

 

Texte original.

     Mes parents se sont connus dans l'embouteillage du treize avril au vingt-huit septembre 1973. Un fameux embouteillage, qui allait de la Concorde jusqu'à Melun. Ma mère avait une petite Austin, marron comme ses yeux; et mon père une Volvo, qui allait à son tempérament de rustaud. En ce temps-là, les gens ne se méfiaient pas encore les uns des autres: ma mère amarra sa petite anglaise au gros pare-chocs de mon père et monta dans la Volvo. Il lui fit sur la voie express rive droite un enfant sans plus tarder. Moi.
Ma mère accoucha dans un camion de laitier, du côte de la rue François 1er, et l'on me mit en nourrice dans une Peugeot garée rue Lincoln. Un peu plus loin, mes parents eurent un terrible accident dont ils ne réchappèrent ni l'un ni l'autre.
J'ai grandi dans une nappe de fumée et j'ai passé mon baccalauréat dans le bus Etoile-Passy. L'embouteillage commençait à gagner la France tout entière et le pays s'organisait pour vivre autour de son cancer. J'ai fait de petits métiers pour vivre et trois ans de service militaire dans un char en panne, rue de Ponthieu. Un beau jour, c'était dans l'embouteillage du quinze mai 1996 au trente décembre 2002, j'ai rencontré ma femme. Elle avait cette année-là un jeune motard pour amant : j'écrasai la moto, et le jeune type. Le temps qu'arrivent les flics, huit mois plus tard, j'avais bien avancé de trois mètres: on ne put rien prouver. Nous nous mariâmes sept ans plus tard, dans le terrible embouteillage des Pâques mortelles. Déjà, plus personne ne se parlait; la horde des voitures, immobilisée, digérait l'Europe tout entière. 
Aujourd'hui, ce troupeau de monstres innombrables patauge sous les pluies acides du mois de septembre, rissole au soleil poussiéreux, durcit aux premiers gels. Il monte de ce peuple de caisses une rumeur hostile, un souffle bleu d'agonie. Le temps d'aller au bureau, on est déjà le 31 décembre, nous fêtons le Nouvel An dans les embouteillages de Valence. Hier, j'ai reçu une lettre urgente: ça faisait dix mois que je voyais le camion des Postes approcher. Aujourd'hui, je sors de ma voiture, aujourd'hui je suis fou, aujourd'hui je marche, je marche sur les trottoirs déserts, je marche et des millions de regards haineux me mettent en charpie, mais ça ne fait rien, j'avance, je marche, je double comme un fou, je double, les yeux pleins de larmes, des orchestres plein la gorge, mon dieu, je double, j'avance, dans trois heures je suis en Amérique en marchant sur le toit des bagnoles...

Philippe Cousin «Tu m'aimes?», éd. Atelier du Gué.

 

Démarche


a) Première partie : on donne le texte caviardé suivant.
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     Mes parents se sont connus le vingt-huit septembre 1973... Ma mère avait une petite Austin, marron comme ses yeux; et mon père une Volvo, qui allait à son tempérament de rustaud .En ce temps-là, les gens ne se méfiaient pas encore les uns des autres. Ma mère monta dans la Volvo.  Il lui fit un enfant sans plus tarder. Moi.

       Ma mère accoucha, et l'on me mit en nourrice. Mes  parents eurent un terrible accident dont ils ne réchappèrent ni l'un ni l'autre.

        J'ai grandi et j'ai passé mon baccalauréat. J'ai fait de petits métiers pour vivre et trois ans de service militaire. Un beau jour, c'était le quinze mai 1996, j'ai rencontré ma femme. Elle avait cette année-là un jeune motard pour amant. Nous nous mariâmes sept ans plus tard.

 


Que raconte ce texte ? Qu’en pensez-vous ?
Les élèves, bien sûr, le trouvent bien plat, bien banal…

 

b) Ensuite on propose un  extrait de la suite ( sans préciser qu’il s’agit de la suite)

         Aujourd'hui, ce troupeau de monstres innombrables patauge sous les pluies acides du mois de septembre, rissole au soleil poussiéreux, durcit aux premiers gels. Il monte de ce peuple de caisses une rumeur hostile, un souffle bleu d'agonie. Le temps d'aller au bureau, on est déjà le 31 décembre…


De quoi parle cet extrait ? Quel rapport peut-on faire avec le premier texte et celui-ci ?

 

c)  Enfin le titre de la nouvelle.


LES EMBOUTEILLAGES

 

 

Voici le titre de la nouvelle. Qu’apporte-t-il aux deux textes précédents ? Quelles hypothèses désormais peut-on faire sur le texte en entier ?

 

d)  On propose le début original.

     
Mes parents se sont connus dans l'embouteillage du treize avril au vingt-huit septembre 1973. Un fameux embouteillage, qui allait de la Concorde jusqu'à Melun. Ma mère avait une petite Austin, marron comme ses yeux; et mon père une Volvo, qui allait à son tempérament de rustaud. En ce temps-là, les gens ne se méfiaient pas encore les uns des autres: ma mère amarra sa petite anglaise au gros pare-chocs de mon père et monta dans la Volvo. Il lui fit sur la voie express rive droite un enfant sans plus tarder. Moi.


e)  Travail d’écriture, pour rendre la cohérence au texte, écrire dans les blancs de la nouvelle.

 

 

     

Ma mère accoucha…………………. et l'on me mit en nourrice………………. Mes  parents eurent un terrible accident dont ils ne réchappèrent ni l'un ni l'autre.

        J'ai grandi ……………………..et j'ai passé mon baccalauréat. J'ai fait de petits métiers pour vivre et trois ans de service militaire…………………………. Un beau jour, c'était le quinze mai 1996, j'ai rencontré ma femme. Elle avait cette année-là un jeune motard pour amant. …………………………….
Nous nous mariâmes sept ans plus tard.

 

f) inventer une fin ?

 

Aujourd'hui, ce troupeau de monstres innombrables patauge sous les pluies acides du mois de septembre, rissole au soleil poussiéreux, durcit aux premiers gels. Il monte de ce peuple de caisses une rumeur hostile, un souffle bleu d'agonie. Le temps d'aller au bureau, on est déjà le 31 décembre, nous fêtons le Nouvel An dans les embouteillages de Valence. Hier, j'ai reçu une lettre urgente: ça faisait dix mois que je voyais le camion des Postes approcher. Aujourd'hui, je sors de ma voiture,……………..