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Les chevaliers, ces super héros,

ou comment aborder les textes du Moyen Age.
Alexia Deccotignies

 

            Entrer dans une texte du Moyen Age n'est pas chose facile, pour les professeurs et a fortiori pour les élèves : le vocabulaire et la syntaxe sont complexes, l'univers codifié du roman de chevalerie creuse l'écart culturel, enfin la situation sur un axe chronologique laisse souvent perplexe, tout ce qui n'est pas contemporain faisant souvent partie, pour les élèves, d'une temporalité indifférenciée nommée « Moyen Age ».

            Pourtant le Moyen Age occupe une part non négligeable du « programme », et sans y vouer un culte déplacé, son étude peut apporter beaucoup, en terme de compréhension des références culturelles (le Moyen Age est partout, dans la publicité, au cinéma, dans le parler « troubadour », dans la littérature, dans les fêtes populaires – Halloween - et j'en passe), de compréhension de ce que les codes socio-culturels ont de relatif (les valeurs du Moyen Age nous paraissent complètement étrangères, et pourtant elles ont forgé une littérature, et nous en sommes les héritiers), de compréhension de la fascination pour une période encore récemment décriée et stigmatisée comme le symbole de l'obscurantisme.

            Comment donc aborder un texte du Moyen Age, sans conduire les élèves au rejet et à l'échec ? Claire Felliers donne une analyse éclairante de ce qu'apporte l'étude d'un texte du Moyen Age : « On prend trop souvent la littérature du Moyen Age avec distance sans se rendre compte que les personnages sont d'une proximité étonnante avec les stéréotypes que nous connaissons en classe. Je trouve aussi assez drôles un certain nombre de situations, mais la drôlerie est très culturellement codée et assez individuelle. » A notre charge de trouver une activité qui fasse accéder au sens du texte. En voici une, elle offre une entrée possible, qui est, par essence réductrice, mais qui a l'avantage d'amener les élèves à entrer dans la lecture.

 

Distribution d'une fiche d'exercice aux élèves : Les super héros (en annexes dans ce document) : il s'agit de reconstituer l'histoire et les caractéristiques des héros modernes, les super héros. L'activité est très simple, elle valorise tout le monde, amuse, interroge. Toutes les conditions sont remplies pour que les élèves abordent le nouveau sans y mettre des barrières.

 

Distribution d'un extrait du Chevalier de la Charrette de Chrétien de Troyes (en annexes dans ce document ou sur le manuel « Séquences et expression » ; Belin ; p. 90-91). Les élèves lisent le texte et repèrent les points communs et les différences avec les super héros. Un premier pont est jeté. Puis ils remplissent un tableau avec l'histoire et les caractéristiques des chevaliers du texte, comme dans l'exercice proposé.

 

Ecriture d'un combat de super héros, en reprenant les étapes du combat de Chrétien de Troyes. Les élèves repèrent d'abord les étapes, puis écrivent en groupe un récit de combat. Après avoir lu un texte, ils se le réapproprient, ils écrivent avec leurs codes, en s'aidant de leur univers fantasmatique.

 

Correction des textes en privilégiant un aspect. J'ai choisi de travailler sur les reprises, car leurs textes offraient beaucoup de répétitions. On peut travailler également sur l'hyperbole, qui est présente chez Chrétien de Troyes, sur les valeurs des temps (présent de narration et passé simple – imparfait), ou toute autre chose en rapport avec leurs productions.

 

Suite de la séquence

 

Après cette première approche, je choisis de mettre en valeur ce qui, dans la culture médiévale, va permettre de comprendre ce que l'on en gardé aujourd'hui. Voici la fin de ma séquence, pour information.

 

Lecture de textes du Moyen Age. Je privilégie le merveilleux, la présentation des codes (l'adoubement), l'histoire des textes célèbres (La Chanson de Roland par exemple, impératif pour la suite de la séquence).

 

Ecriture d'un récit de chevaliers adapté d'une rencontre de super héros. Une fois que les élèves se sont imprégnés de textes médiévaux, ils peuvent jouer de certains codes, pour écrire une parodie, ou non. Il ne s'agit pas d'écrire de nouveaux textes médiévaux, ce serait ridicule, mais de comprendre comment on utilise ses codes (à mettre en rapport avec ce qui est proposé au cinéma…).

 

Etude d'extraits cinématographiques pour lesquels la référence au Moyen Age est éclairante. Le combat entre le roi Arthur et le Chevalier Noir dans Sacré Graal des Monty Python : il  parodie le « rude combat » de Lancelot contre Gornemant; la mort de Boromir à la fin du premier épisode du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson : elle cite la mort de Roland à Roncevaux. Il doit être possible également de tirer parti de films comme La Guerre des Etoiles , Les Visiteurs ou de publicités).

 

Points grammaticaux au fur et à mesure des besoins ou des problèmes rencontrés.

 

Lecture cursive d'un roman jeunesse portant sur le Moyen Age en parallèle.

Compte-rendu de lecture sous forme de bande-annonce.

 

Annexes

 

Un rude combat

 

Déjà vainqueur à deux reprises de Méléagant, à qui il a laissé la vie sauve, Lancelot doit affronter une dernière fois son ennemi juré qui l'avait emprisonné pour l'empêcher de tenir sa promesse de venir au combat. . .  Lancelot a réussi à s'échapper: c'est donc d'un combat à mort qu'il va s'agir cette fois-ci. . .

 

            Lancelot fond sur Méléagant avec une fureur bien digne de sa haine. Avant de l'attaquer, il lui crie  cependant d'une voix menaçante :

- Venez par là: je vous fais un défi et tenez pour certain que  je ne voudrai pas vous épargner.         

            Il éperonne alors son destrier[1] et retourne en arrière à une portée d'arc pour prendre un peu de champ[2]. Puis les deux com­battants se précipitent l'un sur l'autre au plus grand galop des chevaux. De leurs lances bientôt ils ont heurté si fort leurs solides écus[3] qu'ils les ont transpercés. [. . .] Étriers[4], sangle, courroies, rien ne put empêcher leur chute : il leur fallut vider leur selle[5] et par-dessus les croupes[6] des chevaux tomber sur le sol nu. Les coursiers[7] fous de peur errent de tous côtés; en ruant, en mor­dant, ils voudraient eux aussi s'entre-tuer.

            Les chevaliers jetés à bas se sont bien vite relevés d'un bond. Ils tirent leurs épées où des devises sont gravées. L'écu à la hauteur de leur visage, ils pensent désormais au moyen le meilleur de se faire du mal avec l'acier tranchant. Lancelot n'avait pas la moindre crainte : il s'entendait deux fois plus que Méléa­gant à jouer de l'épée, car il avait appris cet art dans son enfance.

            Ils frappent tous les deux si bien sur leurs écus et sur leurs heaumes[8] lamés d'or que les voilà fendus et bosselés. Mais Lancelot de plus en plus presse Méléagant : d'un coup puissant il tranche le bras droit pourtant bardé de fer que l'imprudent aventurait à découvert par-devant son écu. En se sentant si ma1mené, Méléagant [ . . . ] est presque insensé de rage et de douleur.

            Il s'estime bien peu, s'il n'a recours à quelque fourberie. Il fond sur l'adversaire en comptant le surprendre. Mais Lancelot se donne garde : avec sa bonne épée, [ . . . ] il le frappe en effet au nasal[9] qu'il lui enfonce dans la bouche en lui brisant trois dents. Dans sa souffrance et sa fureur Méléagant ne peut dire un seul mot. Il ne daigne non plus implorer la pitié, attendu que son coeur, en mauvais conseiller, l'enferme dans les rets[10] de son aveugle orgueil. Son vainqueur vient sur lui : il délace son heaume et lui tranche la tête. Méléagant ne jouera plus de mauvais tour à Lancelot : le voilà tombé mort.

 

Chrétien de Troyes, Le Chevalier de la Charrette, trad. J. Frappier, éd. Champion, 1982.

 

 

Les supers héros

 

Consigne : Relie chaque super héros à son histoire et à ses caractéristiques.