POURQUOI. EN CUISINE, LES PRÉPARATIONS DITES «INSTANTANÉES» NE SONT-ELLES JAMAIS RÉELLEMENT INSTANTANÉES ?
Permettez-moi de m:adresser en priorité aux véritables cordons bleus qui ont tout. le temps, pendant que le rôti mijote, de lire des livres. Quelque chose a dû vous frapper vous aussi: pour réaliser une purée en sachet prétendument instantanée, il faut compter un bon petit quart d'heure. C'est ordonné sur le carton. 1/ Mesurer un demi-litre d'eau et un quart de litre de lait. 21 Mélanger. 31 Faire bouillir dans une casserole. 41 Une fois que le mélange a bouilli, le retirer du feu et le laisser refroidir pendant trois minutes montre en main. SI Verser ensuite la purée en poudre. 61 Ne surtout pas mélanger immédiatement! 7/ Attendre deux minutes avant de touiller avec une spatule - en bois et rien qu'en bois, s'il vous plaît. 8/ Ajouter au choix une noisette de beurre, ou un jaune d'œuf, ou du fromage râpé. 91 Enfin, disposer dans une assiette creuse et,.. man- ger sa purée. Idem pour la mousse au chocolat. Rien n'est jamais vraiment instantané. À l'heure du fax et du TGV, pourquoi ne fait-on pas plus simple: verser les flocons dans de l'eau chaude, et hop, le tour serait joué. C'est ce que souhaitent les femmes actives, non? Non. Si les préparations instantanée.., étaient réellement instantanées.. en dépit des apparences, elles se vendraient moins bien. Au début des années 60, quand les fabricants ont lancé les produits instantanés (la première purée - Mousline - date de 1963), leurs préparations étaient parfaitement au point. Il n'y avait quasiment rien à faire pour réussir sa mousse au chocolat. Tant et si bien... que ça n'a pas marché. Les femmes n'en ont pas voulu. Pourquoi? Paradoxalement parce que, justement, ces préparations étaient instantanées. Inconsciemment, les ménagères culpabilisaient de n'avoir rien à faire. Elles avaient l'impression de ne plus remplir leur rôle de maîtresse de maison. Il a fallu de longues études de marketing pour que les fabricants prennent la mesure de la complexité de l'esprit féminin. (Pardonnez le sexisme apparent du raisonnement, mais c'est d'abord les femmes que visent les marchands de soupe.) Cuisiniers et ingénieurs de l'agroalimentaire ont volontairement compliqué la réalisation des préparations et, surtout, ils ont rajouté au dos du paquet un simulacre de recette: Depuis, la mauvaise conscience des cuisinières a disparu. Elles peuvent enfin rater leurs Bolinos. Jusqu'à preuve du contraire...
POURQUOI SE DECOUVRE T’ON TRES SOUVENT UN AMI COMMUN AVEC UN INCONNU ?
La plupart des gens, notamment lors d'un voyage à J'autre bout du monde, sont estomaqués quand ils se découvrent un ami commun avec un inconnu. «Quoi? Mais c'est incroyable! Vous connaissez madame Poulie? La nièce de la petite vieille qui vent du thé rue Laplace? J'ai très bien connu son fils! Bernard! Mais oui, Bernard 1 On jouait au foot ensemble, avant son ampu- tation des deux jambes! Ah ça, forcément... etc.» Chaque fois surgit un étrange sentiment, entre l'invrai- semblable et le familier. Vous vous dites que le monde est petit. Erreur: c'est vous qui êtes grand. Des sociologues ont établi que deux individus pris. au hasard connaissent en moyenne 1 000 personnes chacun, Ce qui donne pour une population de 50 millions d'habitants, 1 chance sur 50000 pour qu'ils se connaissent. La probabilité pour que ces deux personnes aient un ami commun augmente brusquement de 1 à 50. Et la probabilité pour qu'ils soient reliés par une chaîne de deux personnes est supérieure à 99 sur 100. Autrement dit, il est presque certain que monsieur Durand connaîtra quelqu'un qui connaît quelqu'un que madame Bernard connaît. Cherchez autour de vous. Je suis sûr que vous connaissez quelqu'un qui connaît quelqu'un qui connaît François Mitterrand. Ou PPDA. Ou Landru. Et pourquoi pas Vanessa Paradis? Jusqu'à preuve du contraire...
POURQUOI COGNE-T-ON LES VERRES POUR TRINQUER?
Vous appréciez comme moi ce rituel cordial. On approche nos verres: «tching», ça fait un joli bruit, et hop! on rince les dents du fond. Mais, pris de remords, le buveur s'interroge pourquoi cogne-t-on les verres au fait? Pour vérif- hips !... pour vérifier qu’ils sont solides? Pas du tout. Mieux aurait valu faire le test avant de servir ce bourbon millésimé. D'ailleurs, la coutume nous arrive du Moyen Age, ml les verres n'étaient même pas en verre. Il s'agissait de timbales en bois ou en métal. Au Moyen Âge donc, les mœurs étaient rudes. On empoisonnait son voisin et ses cousins pour un oui pour un non, surtout pour un non, d'ailleurs. Com- ment? On invitait la victime à boire une p'tite eau- de-vie qu’vous m'en direz des nouvelles, on versait dans sa timbale un soupçon d'arsenic (ou tout autre élixir équivalent), et le tour était joué - ou plutôt: le fâcheux était occis. Heureusement, les preux chevaliers, et même les pas preux, ont fini par trouver une parade pour éviter l'empoisonnement. Mieux qu'un antidote. Quand vous invitiez quel- qu'un à boire un coup, votre «ami" vous versait une lichette du contenu de son propre verre dans le votre. Et réciproquement. Ainsi, si votre belle-sœur avait décidé de vous expédier dans l'autre monde, la méchante se retrouvait, elle aussi, du voyage. Ça ne console pas, certes. Mais ça dissuade. Le geste a traversé les siècles relativement intact. Aujourd'hui on entrechoque encore chaleureusement les verres, sans toutefois échanger les liquides. On voit par là que la confiance règne. Jusqu'à preuve du contraire...
AVANT -PROPOS
Pourquoi «POURQUOI»? Pourquoi les grandes personnes ne se font-elles. pas gronder quand elles ont fait une bêtise? Pourquoi les rivières coulent-elles toujours dans le même sens? PourquoI aujourd'hui n'est pas hier?» Lorsque nous étions enfants, d'admirables livres épanchaient notre soif de savoir. Ils soulageaient aussi les parents, ulcérés par nos questions incessantes. Et puis, plus rien. Aucun ouvrage pour les grandes per- sonnes ne traite méthodiquement les interrogations essentielles, cruciales, de celles qui empêchent le jésuite de dormir. . Vous-même: vous vous êtes cent fois demandé pourquoi les flamants roses sont roses? Pourquoi les serviettes de toilette sentent-elles mauvais, alors qu'elles sont uniquement en contact avec de la peau propre? Pourquoi le sourire de la Joconde est-il si mystérieux? Pourquoi le cousin Roger prétend-il que les phoques ont des penchants homosexuels? Pourquoi l'ordre des touches de votre machine à écrire est-il AZERTYUIOP? Au bureau, au bistrot, on se gratte la tête des heures durant. Au fait: pourquoi y a-t-il 60 minutes dans une heure? Et pourquoi nous grattons-nous quand quelque chose nous gratte?.. Les mauvais jours, à force de scruter le néant, ces mystères conduisent à l'abattement. On ouvre le Manuel des Castors Juniors, faute de pouvoir se rabattre sur Kant : «Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?» N'incriminez pas injustement la science. On sait ce que cherchent les chercheurs. «La science, disait l'un d'entre eux, n'a pas pour mission de répondre aux questions. Mais de les poser.» C'est la raison d'être de ce recueil. Les savants n'aiment pas livrer des réponses claires. Nous le ferons à leur place. Sans orgueil ni prétention. Nous avons emprunté aux plus grands, contacté le. spécialistes, compulsé frénétiquement les encyclopédies le. plus épaisses. Contrairement à des jumeaux célèbres, nous citons humblement nos sources en fin d'ouvrage. Pour en savoir plus, n'hésitez pas à les consulter (les sources, pas les jumeaux). Ami lecteur, il n'est pas indispensable de décliner tous les POURQUOI d'une seule traite et dans l'ordre. Le bon sens recommande de prendre son temps pour assimiler les nouveautés : choisir, picorer, et s'amuser au passage. Jusqu'à preuve du contraire... Cette formule fascine le béotien et terrifie le dogmatique. Nous l'avons découverte en essayant d'apprendre quelques rudiments de physique en classe de seconde. Newton avait raison. Mais pas pour l'éternité. Jusqu'à ce qu'Einstein rem- place la pomme tombée de l'arbre par un proton catapulté à la vitesse de la lumière. Notre professeur traça au tableau noir: «E = mc2 jusqu'à preuve du contraire… Tant de modestie pédagogique confond l'entendement humain. Jusqu'à preuve du contraire...
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