Robot
 
Bernard Friot

 

 

J'ai un robot. C'est moi qui l'ai inventé. J'ai mis longtemps, mais j'y suis arrivé.

Je ne le montre à personne. Même pas à maman. Il est caché dans la chambre du fond, celle où l'on ne va jamais, celle dont les volets sont toujours fermés.

Il est grand, mon robot. Il est très fort aussi, mais pas trop. J'aime bien sa voix.

Il sait tout faire, mon robot. Quand j'ai des devoirs, il m'explique. Quand je joue aux Lego, il m'aide. Un jour, on a construit une fusée et un satellite.

L'après-midi, quand je rentre de l'école, il est là. Je n'ai pas besoin de sortir la clef attachée autour de mon cou. C'est lui qui m'ouvre la porte.

Après, il me prépare à goûter, une tartine de beurre avec du cacao par-dessus. Et moi, je lui raconte l'école, les copains, tout…

Un jour, je suis arrivé en retard. Il y avait un accident près de l'école, une moto renversée par un autobus. J'ai regardé les infirmiers mettre le blessé dans l'ambulance. Quand je suis rentré, il était presque six heures.

Il m'attendait au bas de l'escalier. Quand il m'a vu, il s'est précipité. Il m'a agrippé par les épaules et il m'a secoué. Il criait :

-         Tu as vu l'heure, non ? Mais tu as vu l'heure qu'il est ? Où étais-tu ? Tu aurais pu me prévenir…

Je n'ai rien dit. J'ai baissé la tête. Alors, il s'est accroupi et il m'a dit, doucement :

-         Comprends-moi, je me faisais du souci…

Je l'ai regardé. Droit dans les yeux. Et c'est vrai, j'ai vu le souci, dans ses yeux. Et presque plus de colère. Alors, j'ai mis mes bras autour de son cou. Il m'a soulevé et m'a emporté jusque chez nous.

Je l'aime bien, mon robot.

Je lui ai donné un nom. Je l'appelle : papa.

 

Bernard Friot, Nouvelles Histoires pressées, Milan Zanzibar, 1995

 

Propositions pédagogiques à partir de "Robot" (B. Friot) par
Solange Bornaz IUFM d'Antony

 

Propositions indicatives. Elles peuvent vous donner des idées (ou pas !), mais aucune n'est à reprendre telle quelle, vous pouvez les mixer et vous pouvez avoir de très bonnes idées très différentes.

Pour les deux séances dans les classes, vous devez prévoir une séance à dominante Lecture et une séance à dominante Écriture OU à dominante ORL.

Les seuls impératifs sont

·        de choisir des tâches qui mettent les élèves en activité intellectuelle (enjeu didactique)

·        d'alterner les modalités de travail (oral collectif / recherche individuelle ; lecture / écriture ; lecture par le maître  lecture individuelle ; recherche en groupes / discussion collective ; etc.)

·        d'être clair avec les élèves sur les objectifs d'apprentissage

 

1.      Lecture

1.1.   Lecture en 2 temps (a)

·        Le maître  précise d'emblée qu'il lit d'abord des extraits seulement d'une nouvelle.

·        Lecture depuis "Il est grand" => "Je l'aime bien" en supprimant toutes les allusions au robot.

·        Les élèves sont invités à répondre très brièvement par écrit à 2 questions :

·        => Discussion : Qui parle ? (Comment le sait-on ?) ; De qui parle-t-il (Comment le sait-on ?) ; Qu'est-ce qu'on apprend sur le Narrateur (sur celui qui parle) ?

·        Lecture de l'ensemble de la nouvelle

·        Les élèves sont invités à répondre par écrit : A votre avis, l'enfant a-t-il  un robot ? => Je pense que….

·        Discussion : L'objectif serait de conclure que l'enfant a trouvé un moyen d'être plus heureux. Il n'a peut-être pas un papa et une maman parfaits, il n'a peut-être pas de papa qui vive avec lui, mais il va à l'école, il fait ses devoirs, il joue, il goûte, il est très responsable et il se débrouille bien dans sa vie…

 

1.2.   Lecture en 2 temps (b)

·        Le maître précise d'emblée que le texte n'est pas complet.

·        Distribution de la nouvelle => "Je l'aime bien, mon robot".

·        Les élèves sont invités à répondre à la question : Qui raconte l'histoire ? et à surligner tout ce qui dans le texte leur donne des informations sur son identité. => Échanges (on peut au passage remarquer le statut différent des indices ORL - J'y suis arrivé, et surtout je suis arrivé en retard  -  et des indices "psychologiques", on peut aussi garder ce point pour une séance ORL)

·        Lister ce que sait faire le robot => discussion (un robot étonnant…)

·        Revenir éventuellement sur "C'est moi qui l'ai inventé"

·        Donner la dernière phrase. Laisser réagir

·        Faire choisir (par écrit) entre des  propositions :

  1. L'enfant a vraiment fabriqué un robot. / L'enfant n'a pas vraiment fabriqué un robot / On ne peut pas savoir
  2. L'enfant voudrait avoir un père qui fasse ce que fait le robot dans l'histoire : Je suis plutôt d'accord / plutôt pas d'accord
  3. Le robot, en fait, c'est le père de l'enfant : Je suis plutôt d'accord / plutôt pas d'accord

ð     en discuter

 

1.3.   Lecture en 2 temps c)

·        cf ce qui précède.

·        puis, dernière phrase donnée incomplète : "Je l'appelle  .....................................   " => Que pourrait-il y avoir dans le cadre, qui aille bien avec le reste de l'histoire ?

·        lecture de la fin, discussions, …

 

1.4.   Lecture complète

1.5.   Lectures complémentaires possibles : autres nouvelles de Friot sur le thème de la famille ; nouvelle d'Asimov sur le thème du robot

 

2.      Ecriture

NB : Ne jamais mettre les élèves en écriture sans avoir réglé les points suivants :

·        prévu un temps suffisant d'appropriation de la situation d'écriture proposée :

·        temps de discussion  collective, de "test" dans l'oral de propositions diverses, qui permettent à ceux qui parlent d'affiner leur projet et à ceux qui écoutent de prendre des idées ;

·        temps personnel => il est utile de parler du sujet d'écriture au moins un jour avant que les élèves écrivent

·        été clair sur le genre demandé (et sur la connaissance que les élèves ont déjà du genre concerné)

·        été clair sur la situation d'énonciation posée : qui parle ? à qui ? pour quoi faire ?

·        été clair sur ce qui sera fait de cet écrit : qui le lira ? à qui ? dans quel  cadre ? (par ex les volontaires le liront au groupe, vous relevez ensuite tous les textes pour les lire…)

·        été clair sur ce que vous attendez = un brouillon suffisamment lisible ? un texte "au propre" ? etc. Pensez que toute demande d'attention précoce sur la forme risque de se payer d'un manque d'attention au fond.

·        été clair sur les modalités de travail et les aides disponibles pendant l'écriture ou pendant un temps de relecture.

 

2.1.   cf la proposition de Friot : "Et une bonne approche, en classe, est par exemple, comme l'a imaginé un instituteur, de demander aux enfants après la lecture du texte « d'inventer » leur robot, de le décrire, de le raconter."

·        A adapter : "décrire" et "raconter", ce n'est pas la même chose.

 

2.2.   Écrire pour faire agir

·        Un élève dessine son robot

·        Il le décrit, dans un texte, sachant

·        qu'un autre élève essaiera de dessiner le robot en suivant les indications du texte ;

OU

·        que les dessins seront affichés, chaque élève recevra un texte (anonyme), il devra essayer de retrouver le dessin qui correspond au texte.

Possibilité de lire des nouvelles de Friot qui "décrivent" non pas des robots, mais des extraterrestres.

 

2.3.   Transposer le texte (a)

·        "Il est grand, mon robot…… =>  Je l'aime bien, mon robot."

·        cf les 1° hypothèses :

-         SI l'enfant ne parlait pas d'un robot, il pourrait parler … de son père ; d'un grand frère ; d'un grand-père ; d'un cousin, etc.;

-         SI ce n'était pas au masculin (mon robot => il) , cela pourrait être aussi … sa grande sœur, sa grand-mère, ….. SI l'enfant était une fille, il y aurait peut-être des jeux différents, …

è récrire le texte, en changeant le Narrateur, ET/OU le personnage, ET/OU tel ou tel épisode.

NB : Il est indispensable de passer par l'exemple (procédure + résultat partiel) et de faire écrire au préalable aux enfants, sur une 1° fiche,  ce qu'ils décident de changer

 

2.4.   idem(b)

·        sur tout le texte

·        cf ce qui précède, +

·        SI ce n'est pas un robot, ce peut être une poupée, une console, ….

·        Bien réfléchir à la fin : "je l'appelle…."

·        Lecture orale annoncée (volontariat), et on fera comme pour la nouvelle de Friot, on se demandera qui raconte l'histoire ; qui peut compléter "je l'appelle…." pour que ça aille bien avec ce qui est raconté

 

2.5.   Changer de point de vue

·        = raconter à la 3° personne la scène de l'accident + retour à la maison (avec ou sans robot, comme l'a compris ou comme veut le raconter l'élève : ce sera intéressant d'avoir des points de voue différents)

·        NB : Être particulièrement attentif à l'explication de la situation d'écriture et de l'enjeu.

 

3.      ORL (à adapter aussi en fonction des préacquis des élèves)

 

3.1.   Accords au Passé Composé (a)

Objectif : Comprendre certains accords d'orthographe, pour mieux comprendre ce qu'on lit et pour mieux écrire.

Point de départ : Pour savoir si celui qui raconte l'histoire est un garçon ou une fille, il y a des indices psychologiques, mais aussi des indices orthographiques => intérêt de les observer de plus près.

 

Un jour, je suis arrivé en retard. Il y avait un accident près de l'école, une moto renversée par un autobus. J'ai regardé les infirmiers mettre le blessé dans l'ambulance.

·        On va changer de point de vue : on va dire ce qui est arrivé au garçon : Un jour, il…  Oral, puis écriture sous la dictée.

Un jour, il est arrivé en retard. Il y avait un accident près de l'école, une moto renversée par un autobus. Il a regardé les infirmiers mettre le blessé dans l'ambulance..

·        On va changer encore : on va dire que c'est arrivé à une fille : Un jour, elle…  Oral, puis écriture sous la dictée.

Un jour, elle est arrivée en retard. Il y avait un accident près de l'école, une moto renversée par un autobus. Elle  a regardé

les infirmiers mettre le blessé dans l'ambulance..

è Qu'est-ce qui change ? Qu'est-ce qui s'entend ? Qu'est-ce qui ne s'entend pas ? => matérialiser la chaîne d'accord

·        Et la phrase suivante ? Quand je suis rentré, il était presque six heures. => quand il… ; quand elle … => chercher, et expliquer le raisonnement.

·        On va imaginer que l'enfant a inventé une poupée. Lire le texte => je me faisais du souci en faisant les remplacements nécessaires.  Puis écrire :

·        Il est grand, mon robot. Il est très fort aussi, mais pas trop => Elle est grande, ma poupée. Elle est très forte aussi, mais pas trop.

 

·        commenter ce qui change. Marquer les chaînes d'accord

·        Et si c'était : Il dans la chambre du fond => Elle est cachée : on voit, mais on n'entend pas l'accord : c'est plus difficile à écrire

·        Question : si robot => poupée, comment récrire  il s'est précipité..                Alors, il s'est accroupi . Faire expliciter le raisonnement.

·        Éventuellement ide=> deux robots ; deux poupées

Bilans possibles : Après le verbe être, des mots comme grand, fort, fatigué, arrivé, rentré, accroupi, précipité prennent -e si le sujet est féminin, -s si le sujet est au pluriel, -es si le sujet est féminin et pluriel. Ces marques s'écrivent mais ne s'entendent pas toujours.   =>  Le participe d'un verbe conjugué avec l'auxiliaire être suit l'accord de l'adjectif attribut : il s'accorde en genre et en nombre avec le sujet.

3.2.   Accords au Passé Composé (b)

Supposons que ce soit une poupée…

Elle m'attendait au bas de l'escalier. Quand elle m'a vu, elle s'est précipitée. Elle m'a agrippé par les épaules et elle m'a secoué. Elle criait :

-         Tu as vu l'heure, non ? Mais tu as vu l'heure qu'il est ? Où étais-tu ? Tu aurais pu me prévenir…

Je n'ai rien dit. J'ai baissé la tête. Alors, elle s'est accroupie et elle m'a dit, doucement :

-         Comprends-moi, je me faisais du souci…

·        Comparer les formes soulignées dans les 2 textes => après l'auxiliaire avoir, les formes  vu , agrippé , secoué , dit ne changent pas  quand le sujet change  => Le participe d'un verbe conjugué avec l'auxiliaire avoir ne s'accorde pas avec le sujet.

·        NB : Attendre que ces 2 étapes soient maîtrisées avant d'aborder les accords du type  Il a vu la fille => il l'a vue

 

=> on constate le phénomène au C3, le maître corrige les textes à éditer et explique ce qu'il fait, il répond aux remarques éventuelles, mais il en reste à l'explicitation magistrale, appuyée éventuellement de phrases - exemples tirées de la vie de la classe. C'est au collège que  le professeur amènera tous les élèves à comprendre le phénomène et à marquer systématiquement l'accord.

 

3.3.   Anaphores et chaînes d'accord

J'ai un robot.

Je ne le montre à personne. Même pas à maman. Il est caché dans la chambre du fond, celle où l'on ne va jamais, celle dont les volets sont toujours fermés.

Il est grand, mon robot. Il est très fort aussi, mais pas trop. J'aime bien sa voix.

Il sait tout faire, mon robot. Quand j'ai des devoirs, il m'explique. Quand je joue aux Lego, il m'aide. Un jour, on a construit une fusée et un satellite.

L'après-midi, quand je rentre de l'école, il est là. Je n'ai pas besoin de sortir la clef attachée autour de mon cou. C'est lui qui m'ouvre la porte.

Après, il me prépare à goûter, une tartine de beurre avec du cacao par-dessus. Et moi, je lui raconte l'école, les copains, tout…

·        surligner les mots qui désignent le robot ; les classer

·        Transposer au féminin le passage ("ma       poupée") : qu'est-ce qui change ? qu'est ce qui est pareil ? qu'est-ce qui change à l'écrit ? Est-ce que ça s'entend à l'oral ?

·        Idem=> deux robots ; deux poupées

 

 

en deux mots => Groupe du Nom

en un mot => Pronom

un robot ; mon robot

il ; le (l'); lui

une poupée ; ma poupée

elle ; la ;  lui

deux robots ; mes robots

ils ; les ; eux

 

·        Masculin => Féminin

= Laisser chercher, puis écrire sous la dictée (+ explicitations)

=> souligner de couleur différente selon que

·        on entend et on voit une différence : grande, forte, ma poupée, elle…

·        on n'entend pas et on ne voit pas de différence : lui

·        on n'entend pas mais  on voit pas une différence : cachée

= Et si c'était : Il est solide, mon robot. Il est très habile aussi => pas de changement au féminin

=> Les mots  grand , fort , caché , solide , habile sont des adjectifs, ils peuvent prendre une marque spéciale pour le féminin. Il faut  chercher les chaînes d'accord, parce qu'on n'entend pas toujours la marque du féminin.

 

·        Singulier => Pluriel

= souligner de couleur différente selon que

·        on entend et on voit une différence : sont,  mes, eux, leur…

·        on n'entend pas mais on voit une différence :

·        grands, forts, robots, ils,

·        ouvrent…

·        on n'entend pas et on ne voit pas de différence : ??

Bilan : choisir un axe, et un seul. Par ex :

·        trier les marques de pluriel dans tout le texte réécrit => -s (déterminants, noms, adjectifs, pronoms) / -nt ( verbes)

·        deux robots => marquer les reprises anaphoriques et les chaînes d'accord Sujet / V. Remarquer la difficulté particulière  ils m'expliquent, on n'entend pas la différence sg / pl => comment faire pour ne pas se tromper ? Laisser parler les élèves.

 

3.4.   A partir des écrits des élèves : en fonction de besoins pressentis ou des besoins identifiés. Ex :

·        les reprises anaphoriques : écriture à la 3° personne : comment faire pour savoir de qui on parle ?

Il l'attendait au bas de l'escalier. Quand il l'a vu, il s'est précipité. Il l'a agrippé par les épaules et il l'a secoué. Il criait :

=> Comment faire pour qu'on comprenne toujours de qui on parle ? => laisser chercher, comparer des solutions différentes et acceptables, en déduire (sans les parenthèses…)

Le robot

Le garçon

Robotix, Robocop, … (nom propre)

Léo, Tomaître… (nom propre)

l'humanoïde, l'engin, son compagnon métallique (??) (anaphore infidèle)

l'enfant, le petit, le jeune garçon … (anaphore infidèle)

il, le lui… (pronoms personnels)

celui-ci, ce dernier (= pronoms démonstratifs ; renvoient dans l'usage courant à l'antécédent le plus proche)

 

·        les chaînes d'accord : par ex, vérifier systématiquement les accords Sujet-verbe, en différenciant

·        sans autre consigne / uniquement pour les verbes que vous avez indiqués

·        NB : vous avez corrigé vous-mêmes les accords trop complexes et les sujets erronés

 

Lecture préalable  de la nouvelle "Robot", de B. Friot, Nouvelles histoires pressées   Milan

 

1.      La question du Narrateur (1° lecture)

 

Narrateur-personnage. Il n'est pas nommé, mais de nbx indices permettent de le caractériser :

·        un garçon

·        indices sémantiques, + subjectifs (selon le vécu familial, les positions idéologiques sur la répartition des sexes, …) : les jeux (Lego, construction de fusée ou satellite, intérêt pr les robots) ; les copains  ; intérêt pr la moto accidentée…)

·        indices morpho-syntaxiques : j'y suis arrivé ; je suis arrivé ; je suis rentré ; il m'a vu ; il m'a secoué ; il m'a soulevé … et emporté

·        son âge ?

·        Il va à l'école (# collège)

·        assez grand pour…

·        construire fusée ou satellite en Lego ;

·        rentrer tout seul, ouvrir la porte avec sa clé, passer tout seul chez lui la fin de l'après-midi

·        assez petit pour…

·        avoir envie de goûter en rentrant (tartine de beurre saupoudrée de cacao : nourriture d'enfance)

·        avoir envie qu'on le porte dans ses bras à certaines occasions

·        Et encore ? Indices plus subjectifs et/ou psychologiques

·        Dans la "pensée magique", désir de toute-puissance qui transforme une réalité sans doute vécue comme pénible ou douloureuse : construire un robot tout seul => figure du père rêvé (e)

·        Envie d'être aimé, choyé, protégé, par un adulte protecteur, aimant et bienveillant… Avoir un quotidien banal et rassurant (les tartines) ; se faire disputer à bon escient comme preuve d'amour

·        La chambre où l'on ne va jamais : mentionnée, mais pas réinterprétée, par de transgression.

·        Et encore ? Indices stylistiques (les choix de l'auteur qui fait parler le Narrateur) : phrases courtes juxtaposées ; syntaxe de l'oral avec extraction du thème (Il est grand, mon robot ; Je l'aime bien, mon robot) ; connecteurs d'addition en tête de phrase (Après, Alors, Et… Et)

 

·        sa vie :

·        opposition entre

·        indices de banalité, ds l'espace comme ds le tp (école / devoirs / jeux ; maison / rue / école)

·        l'irruption (réelle ? rêvée ?) de l'extraordinaire : le "robot", son origine, ses capacités

·        des zones d'ombre :

·        la famille :

·        mention de la mère ("Même pas à maman" )=> implicite = "Je pourrais le lui montrer" ;  présupposé : l'enfant vit avec sa mère

·        le père ?? Absent ? Présent mais ne jouant pas son rôle ? Indigne ?

·        la chambre où l'on ne va jamais, dont les volets sont toujours fermés => Symbole du Secret de famille ? Echo du cabinet de Barbe-Bleue ?

·        très grande solitude (malgré les copains à l'école), exprimée en creux: il rentre tt seul, est tt seul, n'a personne à qui parler… Même ds la rue, il semble invisible : il reste à regarder l'accident et ses suites, personne n'a l'air de remarquer sa présence.

 

2.      La question de la vérité :

 

possible ?

impossible ?

indécidable ?

-         rentrer tout seul de l'école, sa clé autour du cou, faire ses devoirs tout seul, rester tt seul  jusqu'à > 6h.

-         vivre sans avoir tous les éléments de son histoire ; pbatique de l'origine

-         ne pas vivre avec son père

-         vivre avec son père, mais c'est comme si celui-ci était absent ;

-         idem, pr la mère

-         è en souffrir

-         inventer un robot très perfectionné à 8-10 ans

 

-         fabriquer un robot aussi "humain" : intelligence, capacité à communiquer - communication verbale et non-verbale- , libre-arbitre, "théorie de l'esprit", émotions (tendresse, inquiétude, …)

 

 

 

 

-         fabriquer un robot très perfectionné à 8-10 ans

 

-         qui habite avec le narrateur dans l'appartement ?

-         y a-t-il une chambre où l'on ne va jamais ?

-         Si oui : Pourquoi ? Que contient-elle ? ( et le garçon y va-t-il ?)

-         Si non : Pourquoi la mentionner ?

-         Même pas à maman => mère intrusive ? Fusionnelle ?

-         Y a-t-il quelqu'un avec l'enfant dans l'appartement ou non ? (sans doute "indécidable" pr le lecteur enfant, "impossible" pr le lecteur adulte)

 

 

è Vérité ou mensonge ? + Fausse question

·        Pour nous, il n'y a certes pas de "robot" ;

·        Mais vérité de ce qui est vécu, senti, éprouvé, et qui peut être indicible autrement pour un enfant.

è une formulation intéressante : "C'est moi qui l'ai inventé" / 'fabriqué' ou 'construit', cf "on a construit une fusée et un satellite"

è On est bien d'emblée du côté de l'imagination et de l'imaginaire affirmé, même si la 1° lecture ne permet sans doute pas de relever le terme.

 

3.      Le jeu avec le lecteur

·        Les hypothèses successives :

·        le titre => une histoire de robot ;

·        la 1° phrase : un pers masculin, assez enfantin, va raconter comment il a inventé un robot, ou ce qu'il en fait

·        la phrase 2 : le thème du secret => secret vis à vis de la mère, secret de famille, secret vis à vis du garçon => Attente de lecture déçue = lever le voile sur un secret.

·        depuis "Il est grand, mon robot' jusqu'à "Je l'aime bien, mon robot" : la vie du garçon avec ce "robot" ; le lecteur expert remet en question la nature du "robot" :

Le robot n'existe pas => fantasme     //       Il existe qqn qui a ce rôle => ce n'est pas un robot

·        La dernière phrase  ne déconstruit pas la 1° lecture "naïve", elle la complexifie.

= Jusqu'à quel point l'enfant narrateur est-il naïf ? Avec qui joue-t-il, dans la fiction du texte ? => Revanche sur la vie ; revanche sur le père. La boucle est alors bouclée avec "C'est moi qui l'ai inventé"

 

4.      Un "récit de vie" problématique : de quoi nous parle cette nouvelle ?

 

·        "récit de vie" : 1° personne, narrateur- personnage, présentation de ce qui est une vie

·        ordinaire, banale, de garçon qui va à l'école, rentre chez lui, joue… Avec de l'inattendu inscrit dans cette banalité : être témoin d'un accident de la circulation

·        extraordinaire : pr qui prend au 1° degré l'invention du robot

·        ordinaire à nouveau, d'un garçon qui se rêve une vie meilleure et qui compense dans l'imaginaire les manques affectifs de la vie réelle.

·        Pas de destinataire à ce récit (ni un personnage - un parent ? - ni le lecteur) => solitude extrême.

 

è Hypothèses d'interprétation :

·        La fin invite à s'interroger sur les besoins des enfants (matériels et affectifs) dans la société contemporaine

·        Elle nous montre aussi que les enfants ont des ressources intérieures (imagination, reconstruction de la réalité sur le mode de l'imaginaire) qui peuvent (ou non ?) leur permettre de grandir malgré les insuffisances de leur environnement familial et social. cf le concept de "résilience" de Cyrulnik.

·        Quoi qu'il en soit, la fin reste ouverte.

·        Parent fantasmé = à la fois père et mère (grand, fort ; aide aux jeux de garçon / fort, mais pas trop ; attend à la maison, fait des tartines)

·        pr le garçon : les 2 parents semblent défaillants (p ê pr des raisons différentes, d'ailleurs)

·        pr l'auteur : refus d'un partage des rôles stéréotypé entre père / mère ?

·        A rapprocher aussi

·        de l'invention d'un "ami imaginaire" par de jeunes enfants

·        du "roman des origines" (cf Marthe Robert, Origine du roman , roman des origines) : pr sortir de l'Œdipe, le garçon reconstruit son "roman familial" : il est un "enfant trouvé", ou bien volé à ses vrais parents, plus prestigieux que les parents réels ; il est le fils de sa mère, mais pas de son père. Marthe Robert voit dans ce "roman familial" une origine de la littérature de fiction narrative.

 

·        Nouvelle optimiste ou pessimiste ? … A chacun de voir comment il répondrait à cette question.

 

5.      Complément : extraits d'une conférence de B. Friot

Qu'il le reconnaisse ou non, l'auteur pour la jeunesse « prend en compte dans l'écriture ses lecteurs potentiels, leurs intérêts, leur niveau d'expérience, de connaissances, leurs capacités de lecture, etc. Il s'efforce de « créer un univers crédible pour son jeune lecteur, qui implique des stratégies adaptées à chaque public et à chaque effet souhaité : dénomination des personnages (…), création et maintien d'une atmosphère, d'un rythme, d'un suspens dont les mots seuls sont porteurs, échos au monde réel du lecteur et/ou à ses préoccupations »

Il anticipe donc l'activité de son lecteur : il la sollicite et  la guide, mais il accepte aussi qu'elle se fasse, en partie, à contre sens, c'est-à-dire qu'il ouvre son texte à des interprétations inattendues ; dans une certaine mesure même, il les intègre à son écriture, il en joue dans le dialogue constant qu'il entretient avec ce lecteur imprévisible qu'est le lecteur débutant.

 

 « Robot » : résistance et adhésion

L'exemple de Liste montre que  je vise à la plus grande lisibilité. Le lecteur ne doit pas être distrait par des difficultés de surface liées au lexique et à la syntaxe, mais concentrer son attention et son travail de lecteur sur le contenu émotionnel du texte, notamment en se projetant dans les personnages, en partageant avec eux une expérience commune. Pour moi donc, une des conditions de la lisibilité est aussi la densité du texte. Cela peut sembler paradoxal, mais c'est une conviction née de l'expérience : plus le texte dit de choses au jeune lecteur , plus il est lisible, à condition, encore une fois, que son attention soit fixée au niveau de lecture le plus important, au cœur du texte, qui n'est pas la compréhension du lexique, ni même (ça peut surprendre) la logique narrative, mais son contenu métaphorique et émotionnel.

C'est ainsi, souvent, que je  « programme » la lecture, partant moi-même pour écrire d'une émotion, d'un souvenir que j' « habille » d'une narration. L'écriture vise alors à faire partager au lecteur cette émotion en suscitant chez lui l'évocation d'émotions, de souvenirs semblables.

Prenons l'exemple du texte « Robot » (extrait des Nouvelles histoires pressées). […]

Dans ce texte, le jeune narrateur « invente » un robot. Le verbe « inventer », placé dès le début du texte, n'est pas innocent, bien sûr, là où on attendrait « fabriquer ». Ce robot est une figure de père imaginaire, et bien sûr, il n'est pas physiquement réel. Le texte donne les indices nécessaires à cette interprétation. Mais est-ce si important que cela ? Doit-on centrer la lecture sur la réalité matérielle du robot ? En écrivant ce texte, je vivais l'émotion du narrateur. Je « croyais » au robot, tout en sachant qu'il n'existait que dans l'imagination du narrateur ( et dans MON imagination). L'enfant qui joue aux pirates est dans le jeu et en même temps il sait qu'il joue : il EST pirate tout en sachant qu'il joue au pirate. C'est un jeu du même type auquel invite Robot. Et une bonne approche, en classe, est par exemple, comme l'a imaginé un instituteur, de demander aux enfants après la lecture du texte « d'inventer » leur robot, de le décrire, de le raconter. On se rend compte alors qu'ils ont bien perçu la problématique, voire le fonctionnement du texte, non pas par un discours extérieur, mais de l'intérieur, en s'y projetant et en mimant l'acte de création littéraire. Pour moi, il est important d'abord de mettre en place ce mode de lecture avant, peut-être, quand le lecteur est plus aguerri, de passer à l'analyse, au démontage du texte, à l'observation de son fonctionnement. J'ai la conviction, même, qu'on ne peut opposer lecture « naïve », jouant sur l'identification aux personnages et participation à l'histoire racontée, et lecture « littéraire », qui met le texte à distance : l'une et l'autre se complètent, se renforcent, il s'agit finalement du même acte créateur.

 

Pas de papa

 

 

Ingrédients (pour deux personnes : Romain et Louis) :

- un papa

- une maman

- une paire de rollers

             - un pansement

 

- Moi, mon papa, dit Romain, il est très riche !

Louis, lui, ne dit rien, parce qu'il n'a pas de papa.

- Et mon papa, dit Romain, il m'achète tout ce que je veux !

Louis, lui, ne dit rien, parce qu'il n'a pas de papa.

- Regarde ce qu'il m'a rapporté d'Angleterre, dit Romain, des rollers tout neufs !

Louis, lui, ne dit rien, parce qu'il n'a pas de papa.

Et puis Romain s'élance sur ses rollers. Il ne sait pas en faire. Il tombe et s'ouvre le genou. Ça saigne.

- Moi, dit Louis, ma maman, elle est infirmière, et elle fait très bien les pansements.

 

B. Friot, Histoires-minute