retour

 


Rendez-moi mes poux.
Pef

Cet album de Pef, sous son titre "badin" pose un problème qui touche beaucoup de nos élèves: la solitude au sein de la famille, l'envie d'avoir des amis, même si ces amis s'avèrent être de charmants  poux un peu farceurs.   Le texte alterne donc moments d'humour et instants plus graves, jeux de langue et mots tordus dans une jubilation narrative où toutes les "valeurs" ( la famille, l'école, l'armée, l'hygiène, le rang social) sont un peu bousculées. Plusieurs démarches sont possibles.

 

A) le rôle de l'image.
 Si parfois elle illustre le récit  elle donne aussi des renseignements nouveaux et se charge parfois d'une férocité plus que rebelle.

-Ainsi l'institutrice est-elle présentée comme un monstre pervers.. quasi sado masochiste. On peut donc, à partir de  cet exemple, donner les images et demander aux élèves d'écrire le texte correspondant ( texte lacunaire) , ou même , avec des plus grands, interroger les rapports entre illustration et récit. ( est-ce l'image réelle ou l'image perçue par les poux? Qui voit?)
-Une autre image qui me paraît intéressante est celle de la maison. Décrite comme un univers high tech dans le texte, l'immeuble dans le dessin de Pef, devient encore plus terrible. Géométrique, sombre, dangereux- même les voitures ressemblent à des chiens de garde-  cette résidence devient cruelle lorsqu'on découvre son nom: Tahiti.
- La dernière image qui vient  surajouter un effet cinglant au texte, est celle des parents au retour du travail. Virtuels à force d'être absents -  ils sont pixellisés en partie comme dans le jeu vidéo- ils semblent  terriblement glaçants, lunettes et cigarette, face au gamin endormi, comme essentiellement étrangers à l'univers de leur fils. .
 - Les poux au contraire sont joyeux, lumineux colorés et  bavards… ils contrastent avec l'univers des adultes.
Comparaison, écriture, lien texte image, récit d'après l'image:  il est  donc possible d'entrer dans le texte au travers des illustrations, entrer dans l'explication ou le commentaire par  l'analyse comparée du texte et de d'image.

b) les poux:

Il s'agit là d'une description paradisiaque.  Le génie de Pef a été  de transformer le plus répugnant en société presque idéale. A la façon de Gulliver, le géant Mathieu trouve le bonheur avec ses poux. Pourquoi alors ne pas imaginer la vie des poux, leurs habitudes, leurs jeux, leur façon de vivre, comme une écriture dans les blancs du texte?
La chute sans texte, ouvre des écritures possibles: les revendications des poux, les banderoles, les débats, les actions… le livre peut continuer.

C)  la langue: le texte  est farci de mots tordus ou le mot "pou" vient  peu à peu envahir les autres mots. Si chez Mathieu cette contamination est synonyme de plaisir, cehz les aprents, les milutaires et autres coiffeurs, ils sont le signe de la peur et du dégoût. Il est alors possible de proposer des Activités de repérage, de traduction mais aussi d'invention de mots que l'on peut organiser sous forme de glossaire "pou-illeux "

D.F

Le texte


Mathieu habitait un luxueux appartement de la résidence privée des «Nouveaux

Seigneurs». Un appartement avec beaucoup de vitres et une serrure à alarme-laser.    

Avec deux télés, un magnétoscope à télécommande et un ouvre-boîtes électrique Mais Mathieu s'ennuyait tout seul à la maison.

 

 

Ses parents partaient très tôt le matin pour éviter les embouteillages sur l'autoroute de l'Ouest.

A leur retour, tard le soir, ils trouvaient souvent Mathieu endormi parmi ses jeux vidéo ou électroniques. Il en avait trente-huit, plus tous ceux qu'il empruntait à ses copains.

 

 

-Il lui faudrait une petite soeur, suggérait son père. Il pourrait jouer avec.

-Pas question, répliquait sa mère, je serais obligée de m'arrêter de travailler, et on ne pourrait plus payer le loyer de l'appartement.

-Ah! disait le père.
Un jour, Mathieu sentit que ça le démangeait dans sa tête. Et, en se grattant très fort, il découvrit qu'il avait des poux.

-Oh! fit-il, des poux!

Je poux aime, un pou, beau pou, à la poulie, pas du pou!

 

 

Mathieu ne le savait pas, mais cette phrase, dite pare hasard, était une phrase magique. Elle donne aussitôt la parole aux poux et les rend domestiques, fidèles et obéissants.

Mathieu en tira toute une poignée de ses cheveux et leur souhaita la bienvenue sur lui. Puis il les peignit en rouge et en jaune et organisa un tournoi de pou-de-balle.

 

 

Le soir venu il rangea ses nouveaux copains dans une boîte d'allumettes et leur fit un lit douillet avec une mèche de ses cheveux.

-Si ma mère vous voit, vous êtes fichus. Vous voulez un peu de sucre en poudre?

- Jamais avant de dormir, à cause des caries dentaires, répondirent les poux soucieux de leur santé. Bonne nuit, Mathieu!

Lorsque ses parents revinrent du travail. ce fameux jour, Mathieu était bien éveillé et de fort bonne humeur. Il se permit de chatouiller sa mère:

-Arrête Mathieu, on est fatigué!

-Ah! vous avez eu un empouteillage?

-On dit embouteillage, Mathieu, rectifia son père.

-Je sais, fit Mathieu en allant rire sous ses couvertures.

Et ses parents estimèrent que leur fils devenait raisonnable, plus mûr, et qu'il n'avait plus besoin de petite soeur.

Les poux se plaisaient beaucoup sur Mathieu. Leur ami les nourrissait deux fois par jour en saupoudrant sa tête de chocolat râpé.

-Quand vous serez dix mille, promettait Mathieu, je vous installerai dans un sac en plastique transparent et on montera sur la tour Eiffel!

-Emmène-nous avec toi à l'école, suppliaient les poux.

-Jamais de la vie! s'écriait Mathieu. Marie-Rose, ma maîtresse, elle vous a en horreur, elle passe son temps à fouiller nos cheveux.

 

Quand elle en trouve un, elle le coince dans une diapositive et elle le projette sur écran. Elle nous fait une leçon de sciences pour nous apprendre à vous détester!


-Quelle horreur! s'exclamaient les poux.

-Et ce n'est pas tout, expliquait encore Mathieu, Monsieur Parrapouh, le directeur de l'école, on l'appelle le Bombardier.

Il nous désinfecte avec des gaz toxiques et ça vous tue.

-Bon, admettaient les poux, mieux vaut rester sagement chez toi, à attendre ton retour.

Dans la journée les poux faisaient le ménage de leurs dortoirs, les boîtes d'alumettes. Il y en avait quatre-vingts, à présent, sur plusieurs étages et bien exposées au Sud, sous le lit.

Parfois ils partaient en promenade dans les  brosses à dents ou les brosses à chaussures. Elles leur rappelaient la tête de Mathieu, en moins désordre et en plus artificiel.

Mais dès le retour de leur ami, ils lui sautaient dessus et ils retrouvaient le monde sauvage et plein de surprises des vrais cheveux.

Depuis qu'il avait des poux, Mathieu ne se faisait pas prier pour aller se coucher. Il savait que, pendant la journée, les poux avaient parcouru des pages et des pages de livres dans la bibliothèque de ses parents. Et Mathieu s'endormait en écoutant des histoires fantastiques racontées par une demi-douzaine de poux assis en rond dans le creux de son oreille.

 

Mais pour les poux le jour le plus attendu la semaine était le mercredi, jour de

piscine.

Mathieu les emmenait tous dans la salle d'eau où il se faisait couler un bain moussant. Puis il fixait dans ses cheveux une dizaine d'allumettes.

 

 

Ces allumettes servaient de tremplins, et la baignoire devenait une piscine à poux, catégorie olympique.

Les petits poux pataugeaient dans le porte-savon et les grands poux se payaient de sacrées parties en escaladant Mathieu et en courant sur les tremplins.

Et Mathieu ne voyait plus le temps passer tellement il était heureux...

Hélas, un jour, sa mère revint plus tôt que prévu. De l'entrée elle entendit couler l'eau du bain:

-C'est bien, Mathieu, tu commences à prendre soin de toi!

Elle poussa la porte et juste après, un cri terrible:

-Mais c'est é-pou-vantable!.. .

Sur la baignoire flottait une sorte d'iceberg tout noir: la tête de Mathieu.

-Habille-toi pou de suite! hurla sa mère.

Pour les poux, le mot épouvantable est un mot maudit, un mot qui les paralyse. Fini, l'enchantement! Les poux ne pougeaient plus, ne parlaient plus, n'obéissaient plus...

-Sors de là, cria encore sa mère, on va chez le pharmacien!

-Mais c'est pas grave du pou, maman!

-Tais-toi et ne me pousse pas à pou!

Mais la maman de Mathieu avait bien trop honte de pou ce qu'il lui arrivait pour oser pousser la porte d'une pharmacie.

«Nous ne sommes pas pauvres et mon fils a des poux», répétait-elle sans cesse.

De poute façon, il y avait bien trop de monde à la pharmacie Pourot et, comme par hasard ses deux voisines de palier.

Et, pouis l'autre pharmacie était fermée pour cause de répouration, ses poutres pourries étant devenues pourfaitement dangereuses pour la poupulation.

-Je n'en poux plus, haletait la mère de Mathieu en poussant d'affreux poupirs. Je ne vois plus qu'une solution: qu'on tepoupe les cheveux, et pou vite que ça!                      

-Mais, Madame, répondit le coiffeur, c'est impoussible. Je ne pourrai supporter

de voir les poux de votre fils courir à poutes jambes sur les têtes de mes clients qui

attendent patiemment leur pour!

Mathieu et sa mère poursuivirent leur chemin et apouerçurent soudain des militaires dont les têtes étaient entièrement rasées.

-Vite, à la caserne, ordonna-t-elle à Mathieu.

Là-bas le coiffeur des soldats se montra pouarticulièrement aimable:

-Nous avons même un aspourateur qui va nous dépouarrasser de cette vermine.

Cinq minutes plus tard Mathieu n'avait plus un pou sur la tête. Et plus de cheveux non plus.

Sa tête était rasée et sa mère était ravie.

Elle avait pu téléphoner à son mari et la belle et propre voiture de la famille s'était arrêtée devant la porte de la caserne.

Mathieu monta à l'arrière en maugréant:

- Rendez-moi mes poux!

- Tu parles, qu'on va te les rendre, râla son père. Confisqués! Tu ne les reverras plus!

-Rendez-moi mes poux, insistait Mathieu.

-Jamais! Tu es privé de poux!

Et le père de Mathieu regarda sévèrement son fils dans le rétroviseur.

- Faudra que je conduise la voiture au garage, ajouta-t-il, elle fume, c'est tout noir, derrière!...

Mais, était-ce vraiment de la fumée?...