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Pef  et la vie de la classe:

 "la liste générale de tous les élèves du monde entier"

 

J'ai en charge un heure de sixième en atelier lecture. Je travaille avec eux, depuis le début de  l'année sur le livre, le sens du livre , l'envie et le besoin de lire… Mais depuis quelque temps, je m'aperçois que ces élèves ne parviennent plus à vivre ensemble. Ils se détestent parfois, se moquent les uns des autres, s'insultent aussi comme s'ils ne parvenaient pas à se connaître et à s'apprécier.
Il m'a semblé urgent d'agit et de modifier mon "programme" afin de les obliger à se parler et à s'écouter.
Je ne parlerai pas ici des raisons qui font que l'ambiance de la classe est à ce point détestable, on pourrait en trouver de nombreuses: pas de travail de groupe, pas d'échanges organisés, compétition , hétérogénéité mal maîtrisée…

Je veux juste présenter une démarche qui me permet, dans un apprentissage de lecture /écriture, et pour ce faire, je me sers du livre de Pef : Liste générale de tous les enfants du monde entier.
Ce livre présente une suite de mini portraits d'enfants du monde, qui , page après page, raconte une anecdote souriante ou grave sur les gamins évoqués.

J'ai donc fait un choix de textes que voici.

 

 

Le texte (extraits)


 

Léandre Helsinki (Finlande)

Ma mère quand elle range ma chambre, ça me dérange la tête

 

Sylvain Cherbourg (Manche)

Hier Sylvain était à l'enterrement  de son grand père. Aujourd'hui, il regarde le soleil sortir d'un gros nuage noir et dit:

- salut papi! On va au stade?

 

Zoé Pontarlier ( Doubs)

Pour elle, la classe est la mi-temps entre deux parties de foot dans la cour.

 

Nicolas Vitré ( Deux-Sèvres)

Plus personne ne se moquera de Nicolas: on lui a enfin acheté des chaussures à la mode.

 

Aurélien Échirolles (Isère)

Plus tard, il sera cosmonaute le jour, océanographe la nuit et spéléologue le dimanche. Pour ne pas perdre de temps et être sûr de tout explorer.

 

Romane Moirans ( Jura)

Sa spécialité: gros macaronis farcis aux frites. Elle dit à ses parents:

-Avant de critiquer faut goûter. Et en plus , il faut finir son assiette.

 

Christine Armentières ( Nord)

Les larmes aux yeux, elle vient d'apprendre que sa correspondante bourguignonne est arabe. Les autres élèves lui rappellent gentiment qu'elle , elle est portugaise, portugaise de Lille.

Oui mais quand même.

 

Roselyne Falaise (Calvados)

Sous les remparts , elle dévale en vélo une vertigineuse pente d'herbe. Un papi lui crie: "bravo!"
Depuis, elle le cherche partout, chaque samedi, jour de marché.

 

Juliette Loguivy ( Côtes-d'Armor)

Juliette a des lunettes. Quand elle les enlève tout est flou, comme sous l'eau. Alors, elle devient poisson, poissonne, plutôt.

 

Pierrette Puteaux (Hauts-de-Seine)

Elle tombe avec sa belle robe rose dans un étang du bois de Boulogne. Sa cousine lui prête une jupe trop petite et elle enfile la grande veste du cousin. Dans le train du retour elle a honte, vraiment honte de ces vêtements qui ne sont pas à sa taille.

 

Aubin Dijon ( Côte-d'or)

Le repas de fête était très réussi. Mais les grandes personnes se sont mises à parler très fort des gens qu'elles n'aimaient pas , des accidents de la route, du président…
A la fin, elles se sont disputées. Il a demandé à quitter la table, il était le seul à penser encore aux cadeaux de Noël.

 

Romuald Vire ( Calvados)

Il se dit qu'in jour, il sera grand comme ça. C'et la raison pour laquelle il aime beaucoup les livres.

 

Pierrot Le Raincy ( Seine-saint-Denis)

Pierrot est amoureux d'une danseuse. Il a peur de le lui dire. Peur de voir s'envoler Fabienne comme un papillon.

 

Samuel Versailles ( Yvelines)

Quand il croise une vielle dame, il lâche un petit pet. Juste pour dire bonjour avec son derrière.

 

Véronique Carouge ( Suisse)

Véronique ne sait pas bien lire, pas bien écrire, pas bien compter, pas bien retenir. Elle ne sait pas que, toute sa vie, elle aura peur des livres.

 

Hubert Rabodanges ( Orne)

" Aux enfants du village mort pour la France". Hubert, chaque matin, s'étonne de cette phrase inscrite sur le monument aux morts d'une vielle guerre. Un jour, il comprend et dit:

- Les guerres sont des bêtises et ce sont les enfants qui font de bêtises.

 

Patricia Lens (Pasd e calais)

Elle n'a jamais osé demander à son papa ce qu'il faisait comme travail. Il s'en va le matin, rentre le soir. Et s'in ne revenait pas?

 

Nils Rotterdam ( Hollande)

Un euro d'argent de poche par semaine, plus deux quand je lave la voiture, plus cinquante centimes de la monnaie des courses du samedi, plus zéro pour avoir sorti la poubelle "parce que c'est normal…"

Et dans vingt huit ans, Nils pourra se payer le dernier triple CD de Sweety Warrior!

 

Démarche

 

Mais avant de donner à lire ces extraits, je travaille sur l'analyse de deux pages complètes  ( avec l'illustration) autour de questions simples:

-Qu'est ce que c'est?
-Qu'est ce qu'on voit?
-Qu'est ce qu'on lit?
-A quoi ça sert?





 

 


Ce travail mené, je propose à mes élèves de nous lancer dans un projet nouveau qui serait de rédiger un livre qui aurait pour titre:

 

suite de la démarche.

 

Je donne à lire les extraits du livre en posant cette consigne.
"Pef a rencontré de nombreux enfants, il les a sans doute observés d'abord , interviewés ensuite pour apprendre des " choses " sur eux. Il a ensuite rédigé ses petits textes pour construire son livre.
A partir des textes que vous avez sous les yeux , nous allons essayer en groupe de retrouver les questions que l'auteur avait préparées
."

Après un essai collectif sur deux extraits, on trouve deux premières questions:

-         quel est ton souvenir le plus triste?

-         Quelle est la chose qui te met le plus en colère à la maison?

 

Cette tâche est loin d'être simple. Immédiatement les élèves trouvent des questions très précises dont la réponse serait le portait écrit de PEF.
Par exemple au portrait suivant: "Ma mère quand elle range ma chambre, ça me dérange la tête" les élèves posent la question suivante " Que se passe-t-il dans ta tête lorsque ta mère range ta chambre?"
J'ai donc dû improviser plusieurs portraits :" je n'aime pas quand mon père reste en pyjamas dans le salon out le dimanche.. Ma sœur occupe deux heures la salle de bains, je n peux jamais bien me préparer pour aller à l'école" pour que l'on trouve la question générique suivante:

" Quelle est la chose qui te met le plus en colère à la maison?"

 

 

Les élèves se mettent alors en groupe et fabriquent ce guide d'interview. Il est aussi possible d'en rajouter d'autres.

 

Fin de la démarche


Le questionnaire tapé, je le redistribue aux élèves et je construis des binômes ( binômes "forcés", juste pour " forcer" les élèves à se parler..)
la consigne est la suivante:

"Maintenant vous allez vous interroger l'un l'autre, chacun son tour. L'interviewé choisira dans le questionnaire les trois ou quatre questions auxquelles il a envie de répondre. Son camarade prendra des notes. Quand cela est fait, l'intervieweur rédige un petit texte à la manière de Pef , qu'il soumettra pour validation à son camarade. Le texte sera en Il /elle."

 

La tâche est assez riche. J'ai proposé que l'interviewé choisisse lui-même ses questions pour ne pas entraîner des dérives trop lourdes et ne pas forcer l'intimité de chacun, son droit de réserve.


 le "produit fini"


Ce travail fait, illustration et mise en page. Pour l'illustration  les élèves font des dessins à la Pef, mais remplacent le visage de l'interviewé par une photo d'identité que le professeur de techno a tirée en début d'année.
Ensuite  frappe à l'ordinateur et fabrication du livre.