Sommaire Voici une
nouvelle « farcie » . Un enfant lit un livre et le livre se
met à vivre dans la classe … et à apparaître dans le corps de la nouvelle.
La démarche consiste à supprimer en partie les textes du roman et demander
aux élèves de les écrire.
Texte
intégral de la nouvelle. Alors le grand géant rouge des montagnes leva son sabre recourbé et l’abattit de toutes ses forces sur le mauvais magicien noir. Le magicien se retrouva fendu en deux, comme une veille figue sèche coupée d’un seul coup de couteau au milieu d’une assiette…. Courbé sur son bureau, le livre ouvert sur ses genoux, Patrice lit en cachette son livre de contes. C’est tellement plus merveilleux que ce qui se passe en classe ! Tellement plus passionnant que ce que raconte le maître ! Les tables de multiplication, les règles de grammaire, pfff… L’instituteur est un grand homme maigre tout habillé en noir, qui ne cesse de tourmenter Patrice. Si au moins, il pouvait le laisser tranquille…. Alors le grand géant rouge des montagnes leva son sabre…Caché derrière le dos de Martial Blavin, qui occupe le bureau devant lui, Patrice lit et relit les phrases palpitantes. Du coin de l’œil, il voit la haute silhouette de Monsieur Lesec, l’instituteur, qui vient dans sa direction au milieu de l’allée centrale. Aïe ! Aïe ! Aïe ! Patrice est certain qu’il va être interrogé. A l’aide ! Si au moins le géant rouge des montagnes pouvait venir à sons secours … S’il arrivait ici en faisant éclater les murs de la classe avec ses épaules aussi larges que des camions, s’il levait son sabre au-dessus de la tête de Monsieur Lesec, si…. Mais quel est ce bruit ? Broum ! Badabang ! Cling ! Voilà les murs qui s’écroulent, et voilà qu’apparaît, au milieu des décombres fumants, le grand géant rouge des montagnes dont la barbe est plus rouge encore que le reste de sa géante personne. Le géant lève son sabre recourbé au-dessus du crâne de l’instituteur, qui n’a rien vu, rien entendu. Vas-y, géant ! Le sabre s’abaisse à la vitesse d’un éclair d’argent, et voilà le père Lesec fendu en deux comme une vielle figue. - Bravo, géant ! Merci, géant ! crie Patrice en trépignant d’aise. Mais…. Que se passe-t-il, maintenant ! Le géant continue d’abattre son sabre en tous sens, et c’est Martial Blavin qui est fendu en deux, et puis Clothilde Le Dantec, et puis Josiane Fourgerolles. Arrête, géant, arrête ! Hélas, le géant fait la sourde oreille, il taille, il tranche, il coupe à travers les bancs de la classe qui se vide. - A l’aide ! s’étrangle Patrice. - Mais c’est bien beau d’appeler à l’aide…. Encore faudrait-il savoir qui pourrait venir. Et subitement Patrice a une idée. Le livre. Il tourne une page, deux pages, six… Là ! Le centaure arriva au galop, soulevant des cumulus de poussière à la pointe de ses sabots. Il brandissait une gigantesque massue, un tronc d’arbre à peine ébranché, dont il cogna le front de son ennemi. Assommé, le géant rouge se ratatina comme une pomme blette sous un talon négligent. C’est bon, ça ! Patrice a tout juste levé les yeux du livre que la galopade se fait entendre. Et arrive le centaure ! Il est encore plus grand et plus gros que le géant. Ses sabots jettent des flammes dans les gravats. Il lève son arbre. Il l’abat. Crac ! Plus de géant rouge. Merci, centaure ! Mais… Hé ! Ca va pas la tête. Continuant sur sa lancée, le centaure assomme à tour de bras les gens attirés dans la classe par le tumulte : le concierge qui tombe la tête la première dans son seau, l’infirmière qui choit en arrière et casse sa bouteille de mercurochrome, le directeur qui n’a pas le temps de faire trois pas avant de s’effondrer. Le centaure est déchaîné, il est plus terrible encore que le géant rouge. Arrête centaure, arrête ! Tagadac, les sabots. Vite, le livre… Une page, trois, sept… Ah ! Alors de tous les coins du bois, de derrière tous les troncs, se sous toutes les souches pourries, surgirent les petits lutins verts. Avec détermination, tous bandèrent leur arc et criblèrent de flèches le centaure déchaîné. Sitôt lu, sitôt fait : de tous les coins de l’école, de derrière tous les pans de mur, de sous chaque bureau surgissent les petits lutins verts. Et volent les flèches ! Et se retrouve criblé le centaure déchaîné ! Merci, lutins. Et au revoir et adieu. Mais les lutins ne partent pas. Ils se répandent à travers l’école, ils sortent dans la cour, ils sortent dans la rue. Par la fenêtre de la salle de classe, Patrice les voit qui continuent de cribler de flèches tout ce qui passe, tout ce qui bouge. Arrêtez ! Arrêtez ! Les lutins tirent sur les parents qui sont venus chercher leurs enfants à cinq heures ! Et tombe Madame Blavin. Et tombe Monsieur Le Dantec. Et maman ? Ils ne vont pas tirer sur maman, tout de même ? - A l’aide ! hurle Patrice. Mais qui appeler, cette fois ? Que faire venir ? Le livre, le livre… La statue de bronze animée de la page 29, aux mains comme des pelles mécaniques ? Trop gigantesque ! L’araignée mutante de la page 34, aux crochets à venin semblables à deux faux ? Trop épouvantable ! L’ours des cavernes préhistoriques de la page 40, qui décapite un cerf d’un seul coup de mâchoires ? Trop féroce ! Mais qui, alors ? Qui, au nom du ciel ? La statue ? L’araignée ? L’ours ? - Qu’est ce qu’il nous raconte, celui-là, avec sa statue, son araignée, son ours ? Grogne soudain une voix dans l’oreille de Patrice. L’enfant relève en sursautant la tête de son livre. Le maître le surplombe de sa hauteur maigre et noire. Il n’est pas mort ? Pas coupé en deux ? Mais non ! Et l’école n’est pas détruite, personne n’a été assommé ou criblé de flèches, il n’y a jamais eu de géant rouge, de centaure, de lutins verts. Patrice s’est endormi sur son livre. Il a rêvé. - Ainsi, tu lisais en classe, sacripant ! Et tu t’es endormi, vaurien ! Et tu as rêvé, misérable ! Nous allons voir ce que nous allons voir ! 9 fois 7 ? - 9 fois 7 ? Patrice n’en sait rien, rien de rien. Mais il s’en fiche bien. Il est tellement soulage que tout cela n’ait été qu’un rêve. - 9 fois 7 ! crie l’instituteur. Oh ! Oui ! tellement content que rien de toutes ces horreurs n’ait été vrai… - 9 fois 7 ! hurle le maître. Tellement heureux…. Si seulement il voulait bien se taire, celui-là ; l’oublier un peu. - 9 fois 7 ! vocifère l’homme noir. Des postillons tombent sur le cahier de Patrice. Tellement heureux ? Mais que fait cette main qui rampe lentement vers le livre de contes ?
Andrevon.
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