3 SORCIERES de Grégoire Solotareff

 

 



Le petit album de Grégoire Solotareff est très intéressant, d'abord par ce qu'il présente trois sorcières en pleine métamorphose, métamorphose causée par des enfants qui ont le pouvoir de rire et de "n'avoir peur de rien". Il est intéressant aussi parce que l'auteur joue sur les mots et leur association parfois curieuse… Il est enfin intéressant par sa chute entièrement fonde sur une expression que l'on aurait pris " au pied de la lettre.

 

Le texte


Il y avait une fois, trois sœurs qui ne riaient jamais. L'une s ‘appelait Scoliose, ou Scolly, parce qu'elle était un peu tordue. La deuxième s'appelait Squelette parce qu'elle était aussi raide, petite et laide que le cadavre desséché d'une souris embaumée par des Egyptiens depuis quarante siècles. Et la troisième, Scorie, ou Scory, parce qu'elle trouvait ce nom affreux tout à fait à son goût.

Comme elles s'ennuyaient, elles décidèrent de fonder une association qu'elles appelèrent " 3S ".

S comme Scolly, Squelly et Scory, bien sûr.

S comme Sœurs, mais surtout, S comme Sortilèges, Strychnine et Séquestration, ou comme Serpents, Soupiraux, et Sépultures, ou Scorpions, Sarcophages et Sanglots, ou encore Salissures, Scolopendres et Scarabées ou même : Subjonctifs, Satisfaisant-Mais-Peut-Mieux-Faire et Suppositoires.

Personne ne les voyait jamais. Tout le monde en avait peur. Le maire avait même décidé que le bus scolaire ne devait pas s'arrêter à proximité de la maison. Ce qui n'était pas très malin, car les enfants étaient obligés de marcher un bon moment à découvert pour rentrer chez eux. D'ailleurs ils ne marchaient pas, ils couraient.

Un après-midi, alors qu'elles observaient les enfants du haut de leur colline, les trois sœurs en remarquèrent deux qui ne couraient pas.

" Ces deux-là sont horriblement mignons, non ? " chuchota Scolly en faisant la grimace. " Si on les transformait en poux ? "

" Et si on les mangeait ensuite ? " fit Squelly.

" Regardez-moi ça, ils se tiennent par la main, c'est incroyable ! " murmura Scory. " Donnons-leur une bonne raclée ! "

" Écoutez-moi ça ! " continua Squelly. " On les entend rire d'ici. Ça me dégoûte. "

" Allons-y ! " dit Scolly en crachant par terre.

Elles se précipitèrent sur les deux enfants, les enveloppèrent dans des couvertures avant même qu'ils ne s'en aperçoivent, les ligotèrent et les emportèrent dans une brouette.

Arrivées chez elles, elles jetèrent les deux enfants sur un divan et se mirent à leur poser les questions qu'elles se posaient depuis toujours – en se cachant pour ne pas trop les effrayer avec leurs yeux qui semblaient prêts à sortir de leurs trous comme des crapauds gluants.

" Premièrement ", dit Squelly en se retenant à peine de vomir, " pourquoi êtes-vous si gais ? "

" A quoi ça sert de se tenir la main ? " gémit Scory.

" Qu'est-ce que ça veut dire : de bonne humeur ? " demanda Scolly.

" On ne peut pas répondre à ces questions quand on est ficelés comme des rôtis ! " dit la petite fille, calmement. " On peut à peine respirer. "

" Et montrez-vous, au moins ", ajouta le garçon. " Qu'on fasse connaissance. "

Après un rapide conciliabule, elles décidèrent de les détacher. Car elles devraient peut-être les garder plusieurs jours, et l'idée de les nourrir à la cuiller leur soulevait le cœur. Lorsque les enfants les virent, ils trouvèrent Scory vraiment drôle, avec son regard furieux, Scolly avait l'air plus malheureuse que méchante, et Squelly leur sembla si maigre et si petite que non seulement ils ne pensèrent pas une seconde qu'elle pût leur faire du mal, mais ils la trouvèrent mignonne. Ce qui était un peu exagéré.

" Qui êtes-vous ? " demandèrent les enfants qui le savaient très bien.

" Les 3 S !!! " s'écrièrent d'une seule voix Scolly, Scory et Squelly.

" Ah bon ! On a cru un instant que vous étiez des sorcières ! " plaisantèrent les enfants. Les trois sœurs se regardèrent, interloquées, puis se mirent à rire bruyamment.

Elles s'arrêtèrent aussitôt car elles avaient mal aux côtes et aux mâchoires : c'était la première fois qu'elles riaient depuis qu'elles étaient petites. Le calme revenu, les enfants se présentèrent : Didi et Lolo. Ensuite, ils réclamèrent un goûter, comme s'ils étaient chez leur grand-mère. Elles acceptèrent, impatientes de connaître les réponses aux questions qu'elles se posaient depuis toujours. Elles se rendirent à la cuisine.

" Je vous ai vues rire ! " dit Squelly. " Vous avez dû attraper la rigolade. Je crois que c'est contagieux. "

" Toi aussi tu as ri ! " dirent les deux autres.

" C'est bien ce que je disais, c'est contagieux ! " dit Squelly. Comme elles n'en avaient jamais préparé de toute leur vie, le goûter fut un peu bizarre : il y avait des biscuits à la rose et au citron, du jus de tomate sucré, des scones à la pomme de terre et d'autres choses bien plus étranges encore.

Ensuite, elles posèrent pour la seconde fois leurs questions :

" Et bien… ", dit Lolo. " On se tient par la main parce que… " Et il se mit à rire.

" Oui ? " dit Squelly.

Les deux enfants se regardèrent et se mirent de nouveau à rire.

" Mais pourquoi êtes-vous si joyeux, à la fin ? " explosa Scory.

" Parce que le goûter est bon ! " répondit Didi.

Les trois sorcières restèrent muettes.

" On ne peut pas répondre à toutes vos questions en une seule fois ", reprit Didi.

" Et là, il faut qu'on rentre chez nous ", dit Lolo, " sinon nos parents vont s'inquiéter. "

" On peut revenir demain ? " demanda Didi.

Les trois sœurs devinrent rouges comme trois vieilles tomates. C'était la première fois que quelqu'un avait envie de les voir.

Lorsque les enfants furent partis, elles regardèrent leurs joues colorées et cela leur donna une idée : dorénavant, elles allaient mettre des robes plus gaies, ainsi les enfants n'auraient plus peur d'elles et elles pourraient les attirer très facilement.

Elles se rendirent immédiatement en ville pour acheter des habits de toutes les couleurs. Sur le chemin du retour, Squelly vit Scory et Scolly se tenir par la main.

" Qu'est-ce que vous faites ? " s'écria-t-elle. " Vous êtes folles ? "

" Oui ", répondit Scory. " On est folles ! "

" Comme toi ", hurla Scolly, " espèce de vieux cornet de glace ! "

" Cornet de glace toi-même, vieux sapin de Noël ", dit Squelly.

Et toutes les trois éclatèrent de rire. Mais cette fois, en mille morceaux. Ce qui arrive malheureusement, quand on ne rit pas assez souvent.

Et comme c'était de vraies sorcières,

Les morceaux se recollèrent,

Mais pas exactement

Comme avant.

Leurs bouches se mirent à l'envers

Et elles riaient tout le temps.

 

ACTIVITES DE LECTURE/ECRITURE


Il s'agit d'un dévoilement progressif où les élèves, à la fois, lisent et échangent le sens du texte mais aussi écrivent dans les  blancs du texte. Les questions ne sont données qu'à titre indicatif.

 

A Lire jusqu'à "en crachant par terre"

1) En t'aidant du texte (lignes 1 à 5), dessine chacune des sorcières. (on peut aussi donner les trois illustrations aux élèves de les associer au texte)
2) Continue la liste des "S comme…( on peut caviarder le texte)
3) Fais la liste de toutes les exactions (horreurs)  que  les sorcières  commettent sur les enfants et qui sont décrites dans cette première partie du texte.
4) Tu peux en inventer d'autres en continuant la phrase " Quand elles attrapent un enfant, d'habitude les trois S…..

 

B Lire jusqu'à

" Les 3 S !!! " s'écrièrent d'une seule voix Scolly, Scory et Squelly."

1) souligne dans le texte toutes les questions que posent les sorcières.

2) pourquoi selon toi, les posent-elles?

3) Trouve d'autres questions qu'elles pourraient poser aux enfants.

 

C Lire jusqu'à "d'autres choses bien plus étranges encore".

1) Explique ce que les sorcières appellent la " rigolade".

2) Invente à ton tour un titre de recette pour le goûter.
3) tu peux dessiner ce plat et même en inventer la recette

 

D Lire jusqu'à " C'était la première fois que quelqu'un avait envie de les voir. "

1) Pourquoi les sorcières restent-elles "muettes "?

2) Lolo et Didi rentrent chez eux et parlent des sorcières. Qu'en disent-ils? Écris le petit dialogue qu'ils échangent. Tu peux relire le passage B pour trouver quelques idées.

 

E lire jusqu'à la fin.
1) Souligne dans le texte la phrase qui explique pourquoi, au départ, les sorcières veulent acheter des vêtements.
2) Dessine ces vêtements.

3) Dans les vieux grimoires de sorcellerie, il est une interdiction absolue que les sorcières n'ont pas respectée: laquelle? Rédige cette loi en commençant par:

" A toutes les sorcières du monde visible et invisible, il est formellement interdit de…..
Si vous n'obéissez pas à cette loi,  vous risquez de……."
3) Relis le début du texte et compare le avec la fin. Quels sont les changements qui ont eu lieu.
4) Peux-tu en donner les raisons?

5) dessine un visage de sorcière avant l'explosion et après l'explosion . Lis bien cet extrait.
Et comme c'était de vraies sorcières,

Les morceaux se recollèrent,

Mais pas exactement

Comme avant.

Leurs bouches se mirent à l'envers

Et elles riaient tout le temps.